La brigade créée et commandée jusqu'à la chute du IIIe Reich par Oskar Dirlewanger a suscité depuis 60 ans une littérature (?) douteuse et nauséabonde mais aucune étude historique sérieuse.
Marginal au sein de la SS, cet ancien des corps francs, ce "réprouvé" sous la République de Weimar, forma en 1940 une unité spéciale, la
Sondereinheit Dirlewanger pour chasser les partisans et surveiller les premiers camps de travail forcé où les nazis exploitaient jusqu'à la mort les juifs polonais avant la mise en route de la solution finale. On se rappelle aussi l'intervention sanglante de la brigade dans l'écrasement impitoyable de la révolte populaire de Varsovie en août 1944.
Ces braconniers, repris de justice et marginaux condamnés pour délits de droit commun, furent drillés et sélectionnés pour pratiquer ce qu'ils savaient faire dans le civil : chasser.
Chritian Ingrao, directeur adjoint de l'IHTP(CNRS), appartient à la génération d'historiens contemporains qui mettent en pratique dans leurs travaux l'interdisciplinarité indispensable, cela pour obtenir le plus de grilles de lecture possibles afin de tenter de comprendre
ce moment crucial où la victime devient gibier, où les "vaincus" sont des troupeaux, que l'on peut exploiter ou mener à l'abattage; cet instant où le bourreau révèle à l'historien ce qui le conduit à passer à l'acte. (extrait du 4e de couv.)
Voici un passage de son introduction :
Longtemps taxée d'archaïsme positiviste, la monographie d'unité a regagné ces dernières années ses lettres de noblesse (...) La monographie d'unité relève ainsi d'un genre paradoxal : tout à la fois l'un des plus anciens en histoire militaire et l'un des plus prometteurs, pour peu qu'on le soumette à une interrogation nouvelle. C'est ce que cet ouvrage se propose de faire , en étudiant la Sondereinheit Dirlewanger, une unité spéciale e la SS combattante formée en 1940 par (...) un officier marginal et mal considéré par sa hiérarchie. L'idée était de récupérer dans les camps de concentration certaines catégories de détenus dont les SS désiraient exploiter les capacités dans des situations de combat très particulières.
Pour étudier cette unité spéciale, l'historien s'appuie sur des concepts et des méthodes d'études récents : la culture de guerre,
concept qui saisit tout à la fois l'expérience, son vécu et le discours sur elle et le recours aux outils issus de l'anthropologie sociale française des années 1980-1990, dans la description et l'analyse soigneuse de gestuelles de violence qui constituent le noyau dur du phénomène guerrier. Les prendre pour objets, c'est atteindre le tréfonds de la guerre. Le chercheur cite les travaux pionniers de John Keegan, Davis Handson et Stéphane Audoin-Rouzeau. Il ajoute une affirmation très pertinente :
Les historiens contemporains n'ont aisni découvert que très récemment que la guerre avait intimement partie liée avec la chasse, et que dans la construction de la figure de l'ennemi se jouaient des phénomènes d'animalisation.
C'est une étude (un peu) pointue mais nécessaire car intégrant les acquis les plus récents de la recherche historienne et anthropologique.
RC