Le recit de Paul Paillole exprime tres bien comment une administration patriotique va legitimer son action patriotique sous le Marechal Petain en faisant voter de severes lois contre l'espionage (en faveur de l'Allemagne) et en faisant un important travail de lobby pour faire appliquer des sentences de mort contre les collaborateurs. Avec la supression de la zone libre, Paul Paillole fait passer son administration dans la clandestinite et entre en resistance au profit de ses correspondants allies habituels les Anglais (Menzies) et les Americains (Robert Murphy puis Alan Dulles). Ces liens avec la frange anti Gaulliste des allies (en raison de leur visees politiques) et le legtimisme largement repandu chez les militaires les poussera tout naturellement dans les bras de Giraud. Ce n'est que tres tard sous les auspices de Jacques Soustelle qu'un raprochement avec le tres Gaulliste BCRA deviendra possible tout en restant boiteux.
Paul Paillole tente de demontrer, sans etre parfaitement convaincant, que ce sont plus les Gaullistes (y compris Jean Moulin) qui ont rejete la resistance de ses services plutot que les services secrets militaires qui ont rejete les Gaullistes.
Il ne parvient pas toutefois a s'abstraire de la mefiance de tout militaire pour les civils non fonctionaires, presque toujours consideres comme des amateurs, meme lorsqu'ils ont plus d'experience de terrain que certains militaires dont le professionalisme et le patriotisme souleve pourtant facilement l'admiration de Paul Paillole ou la notre.
Un livre tres interessant sur la voie etroite qui a conduit certains services publics et bon nombre de fonctionaires patriotes a la resistance hors du Gaullisme ou du communisme. Ils mettent certains prefets face a leurs responsabilites : il existait une autre voie que la collaboration pour les legitimistes.
Il contient egalement des revelations interessantes sur certaines affaires d'espionnage. Une bonne connaissance de l'histoire des services secrets allemands montre egalement comment (en raison de la penetration d'informateurs specifiques) un service secret peut avoir une vision faussee de l'adversaire. Focalises sur l'Abwehr (militaire), Rivet et Paillole ne realisent qu'apres janvier 1943 l'emprise de Heydrich, Schellenberg et Knochen sur la lutte contre les "terroristes" alors que les documents recemment declassifies montrent que l'Abwehr sous Abetz fut tres tot (Decembre 1940) soumise aux ordres d'Helmut Knochen pour ce qui concernait les "partisans". C'etait logique dans la structure du ministere de l'interieur allemand auquel etait rattache la Gestapo et les Einsatzgruppen (instaures avec l'annexion de la Tchekoslovaquie, developpes en Pologne, discretement deployes en France, prepares pour l'Angleterre et ayant affiche leur monstruosite dans la campagne de Russie).
L'histoire de heros marginaux qui eurent un role important et (par vocation) peu de reconnaissance.