AVANT-PROPOS du livre:
"Il y avait dans l'armée des Grecs un Athénien qui n'était ni général, ni officier, ni même militaire." Xénophon (Anabase)
Durant des mois, puis des années, la chance a voulu qu'un journaliste civil de fait et de vocation, ait vu lier son sort aux gloires et aux vicissitudes des armées francaises.
Chaque jour, il a noté professionnellement les évènements, petits ou grands, qui passaient à sa portée. Il a accumulé pêle-mêle descriptions de soldats et de paysages, portraits de généraux et de soldats, confidences et ordres du jour. Il disposait, comme les autres, d'un petit créneau ouvert, çà et là, sur la bataille, ou le plus souvent sur ses à-côtés. Bien que non-militaire, il a participé, comme tout le monde, aux difficultés et aux exaltations de la vie guerrière. En 1939-1940, il s'est trouvé paralysé, comme la France entière, par l'absurde machine bureaucratique qui nous tenait lieu d'Etat major.
Trois ans plus tard, en Tunisie, quand l'armée d'Afrique a manqué de matériel et d'uniformes, il a connu la détresse générale et parcouru les djebels à pied, sur des souliers troués, comme les tirailleurs. Rejoignant le CEFI, aux derniers jours du tragique hiver des Abruzzes, son coeur de civil a souffert du même pessimisme que celui des combattants de Cassino. Et, le printemps venu, porteur de la victoire de Rome, puis l'été, avec le retour au bercail des Français par la côte de Provence, il a communié dans l'ivresse générale.
En, un mot, il a, durant de lourdes années, fait avec foi - et, quand c'était nécessaire, avec parti pris - son métier de témoin français.
Puis cette guerre d'une ampleur sans égale a pris fin. Elle a quitté le domaine de l'actualité pour celui du passée. Un abandon de dix années a muri les notes oubliées du correspondant de guerre. Et ce dernier s'aperçoit aujourd'hui que, comme, M. Jourdain, sans le savoir faisait de la prose, il a, entre 1942 et 1944, fait de l'histoire. |