1952. L'écrivain et journaliste André Brissaud vient d'achever un reportage en Italie du Nord. Alors qu'il roule vers Milan, sa voiture tombe en panne. La nuit est là, noire. Il n'a pas le choix. Il part à pied pour tenter de trouver un téléphone et dénicher un garagiste. Après quelques centaines de mètres, il aperçoit une lumière. Il sonne à la porte d'une villa bourgeoise. Elle appartient à un avocat. Ce dernier en hôte accueillant l'invite à partager son repas et lui offre l'hospitalité pour la nuit, le dépanneur ne pouvant pas se déplacer avant le matin. Au moment de passer à table, l'avocat lui présente un autre invité comme un "citoyen suisse". Mais Brissaud n'est pas dupe: il est certain d'avoir déjà vu ce visage, même si la maladie a altéré les traits et brouillé le teint de l'étrange "citoyen helvétique". Au cours du repas, ils en viennent à discuter de la Seconde guerre mondiale et du procès de Nuremberg. A cette date, les événements n'ont que six ans. Après s'être assuré que André Brissaud n'est pas membre d'un service secret, le "Suisse" révèle sa véritable identité :
- Je me nomme Walter Schellenberg. J'étais chef du Service secret allemand, le SD si vous préférez.
Tête de l'écrivain français.
Ce n'est que vingt ans plus tard qu'il publiera cette
Histoire du service secret nazi en basant son travail sur les échanges qu'il eut avec Schellenberg. Avant de mourir, l'ancien chef des services secrets nazis accepta de confier ce qu'il savait à Brissaud en Italie, l'avocat ayant offert au Français de rester quelques jours dans sa maison pour interroger l'ex-SS. Le compte-rendu formel de son enquête est un récit très vivant - et pionnier en France - qui tire parfois vers le genre docu-fiction avec ses passages dialogués reconstitués. Si on excepte cette réserve, il est intéressant de découvrir de l'intérieur grâce aux éléments racontés par Schellenberg, les manipulations, escroqueries, provocations et meurtres pratiqués par les gangsters intellectuels de la SS dirigés par Heydrich pour contrôler le pays et agir clandestinement afin de mettre en place la politique étrangère agressive et bientôt guerrière de son Führer. Le SD est véritablement né lors de la purge de la SA en 1934 et son sinistre apogée se situe quand il parvint à chapeauter l'Abwehr en 1944, Canaris l'éternel rival ayant été discrédité avant d'être enfermé et finalement exécuté dans les derniers jours du IIIe Reich, le 9 avril 1945. Assez curieusement, le récit de l'enquête de Brissaud s'achève sur l'affaire de l'attentat dans la brasserie de Munich. L'auteur s'est donc concentré sur les années d'avant-guerre jusqu'à l'agression contre la Pologne pour décrire la montée en puissance du SD et la lutte constante qui opposa les dignitaires du régime hitlérien entre eux pour contrôler les services secrets de l'Etat nazi.
RC