Fruit d'un important travail de dépouillement des archives de l'épuration conservées dans les sous-sols du ministère de l'Intérieur et de la Préfecture de Police, cet ouvrage affiche l'ambitieux dessein de mettre en lumière la place et le rôle des policiers sous l'Occupation, notamment en matière de maintien de l'ordre, de répression et de collaboration. Sans doute n'y parvient-il que partiellement, lorsqu'on avise combien les auteurs, fort talentueusement par ailleurs, font une place de choix au sort des gardiens de la paix non pas tant durant la guerre qu'à l'" heure des comptes ". Plus sévèrement épurée à la Libération qu'on ne pourrait l'imaginer, la police offre cependant une image plus contrastée de ses responsabilités, lesquelles varient selon les individus, les services ou la nature de leurs missions. Ce n'est pas peu dire que la police, à Paris en particulier, a obéi sans faillir aux ordres de Vichy ou aux injonctions allemandes, qu'elle mit à profit le contexte des années noires pour régler sourdement ses comptes avec elle-même, promouvoir hâtivement des fonctionnaires plus zélateurs que compétents ou en disgracier d'autres, pourtant exemplaires mais jugés peu fiables ou trop " républicains ". On doit, au passage, regretter l'absence de prise en compte du travail quotidien des policiers, aspect pourtant décisif au regard du sujet évoqué et fort révélateur des pratiques policières durant cette période.
Indépendamment de ces réserves, il apparaît que bien des policiers, du modeste argousin aux principaux responsables, ont su se soustraire aux ordres de la hiérarchie ou de l'occupant, résister individuellement ou collectivement. Si Vichy s'est doté d'instruments répressifs d'une redoutable efficacité - les Brigades spéciales en particulier - et a su mettre au pas des services plus traditionnels sous l'impulsion notable de Pierre Pucheu et de ses séides, l'institution policière, non moins tardivement que d'autres pans de la société française, a su sortir de cette " zone grise " où l'attentisme le disputait à l'obéissance loyale envers un État français dont elle était partie intégrante. Son rôle dans la Libération de la France et le retour à l'ordre face aux débordements ou aux règlements de comptes sommaires ne doit cependant pas occulter celui, beaucoup plus sombre, d'une police en voie d'épuration où les bassesses, les accusations mensongères et les pressions furent légion - et bien peu glorieuses.
Finalement, des policiers sous l'Occupation, le rôle n'est intelligible qu'à la lumière de l'épuration, l'une et l'autre appartenant à une indissociable séquence de notre histoire. À tout engagement répond nécessairement son jugement, du moins est-ce l'angle d'attaque privilégié par les deux auteurs
( Source : Parutions.com )
Table des matières
Introduction : A l'historien reste la tâche de comprendre.
1. Vichy, polices et policiers.
2. 1944. Épurer la police ? Qui et comment ?
3. L'élite de la police judiciaire, les « Brigades du Tigre », dans la tourmente.
4. Compromissions au 36, quai des Orfèvres.
5. Les Renseignements généraux de la préfecture de police.
6. « Les spécialités encombrantes » de la Sûreté nationale et des « brigades du Tigre »
7. La police municipale parisienne dans la lutte anticommuniste.
8. Escalier F, premier étage, bureau 205 : Sous-direction des étrangers et des Affaires juives.
9. Les « mangeurs de Juifs ».
10. Deux poids, deux mesures ?
11. L'heure des comptes : bilan d'une épuration oubliée.
Conclusion : Aurait-on « la police qu'on mérite » ?