
Romain Kacew/Gary eut une vie violente, riche et passionnée dans un siècle terrible où il choisit de s'engager en ralliant la France libre dès juillet 1940. Compagnon de la Libération atypique et parfois infréquentable - il déboula, totalement bouleversé et hagard, à l'enterrement du Connétable dans son uniforme d'aviateur des FAFL devenu trop serré, irritant quelques uns de ses amis des années de guerre -, il resta fidèle jusqu'à la mort à l'esprit initial des free french sous l'autorité morale de l'homme du 18 juin. Plus gaullien que gaulliste, Romain Gary avait trouvé un père dans la figure de Charles de Gaulle, même si son engagement politique et guerrier ne peut être réduit à cette seule dimension.
Myriam Anissimov a choisi de nous raconter les vies de Gary en allant rechercher la réalité complexe sous les strates et derrière les masques d'un créateur qui retouchait sans cesse le récit de sa vie. En effet, et plus que tout autre écrivain, Romain Gary créait et recréait sans cesse sa légende. Comme le dit le 4e de couverture, il
cherche à échapper à son propre personnage en usant de pseudonyme. Multiplier les masques, telle est alors l'obsession de ce séducteur aux mille visages, consul de France à Los Angeles et mari de l'écrivain Lesley Blanch puis de l'actrice Jean Seberg. Poussant jusqu'au bout ce désir de s'auto-engendrer, Gary invente Emile Ajar, un écrivain fictif "personnifié" par son cousin Paul Pavlowitch et obtient une deuxième fois le prix Goncourt en 1975 pour La Vie devant soi.. Un joli scandale dans l'édition parisienne et un pied-de-nez aux critiques et à leurs tics !
Ce gros livre jamais ennuyeux est le résultat d'une enquête précise sans être pédante qui nous offre de (re)découvrir un écrivain curieusement sous-estimé et un homme pluriel.
RC