Du 28 mai au 1er juin 1990, France Culture diffusa une série d'entretiens réalisés par Jean Lacouture en Suisse, dans la bonne ville de Neuchâtel, avec l'écrivain, historien, biographe et pamphlétaire
Henri Guillemin.
Depuis quelques temps, des ouvrages d'Henri Guillemin font leur apparition dans les débats de Livres de Guerre; j'ai pensé qu'il pourrait être intéressant de déposer ce livre d'entretiens.
Dans l'avant-propos, Jean Lacouture précise qu'il a
fléché quelques pistes, au long desquelles la flamme a couru. Au passage, la superbe moustache de quelques uns a pu en être roussie, mais l'humilité de quelques autres en aura été éclairée. Car s'il est vrai que notre Guillemin s'est forgé, comme par mégarde, une légende de férocité, c'est sa générosité - ombrageuse parfois, mais souvent désarmée - qui inspire plutôt les propos que l'on va lire.
Au long des 190 pages de ce livre très vivant - c'est l'avantage d'une bonne transcription d'entretiens radiophoniques -, la conversation aborde les étapes d'une vie passionnée. Cet auteur singulier, curieux et exigeant, se raconte à travers les livres, les engagements et les rencontres, littéraires ou réelles, qui l'ont séduit, irrité, écœuré et marqué : Colette, Bernanos, Sangnier, Mauriac, de Gaulle, Gide, Camus, Rousseau, Pétain, Claudel, ... (Dans le désordre.)
A propos de Pétain, on apprend qu'en 1990, Henri Guillemin confirmait sa thèse d'un complot antirépublicain autour de Pétain. Le maréchal aurait attendu et même espéré la défaite pour parvenir à son but, l'élimination d'un système honni. Le groupe auquel Pétain aurait fait partie avant-guerre avait aussi comme membre le critique Alain Laubreaux.
Je suis partout publia en janvier 44 des passages du Journal de Laubreaux. Le 3 septembre, il écrivait :
Ce que je souhaite à mon pays, c'est une guerre courte et désastreuse. Henri Guillemin ajoute :
Eh bien, ce groupe-là, c'était le groupe Pétain.
Un livre remuant, dérangeant et attachant, à l'image de cet auteur singulier dont Jean Lacouture a su rendre la verve.
Bien cordialement,
RC