Beaucoup de ceux que je rencontre, notamment les jeunes, me posent des questions simples. Comment meniez-vous votre vie de chaque jour ? Comment pouvait fonctionner la Résistance ? Parlez-nous un peu de ces hommes et de ces femmes que vous êtes l'un des derniers à avoir connus, et dont les noms ont été donnés à nos collèges et à nos rues. Parlez-nous aussi de ceux et celles que tout le monde a oubliés. Des livres nombreux et parfois remarquables paraissent sur la Résistance, mais ils sont souvent d'une lecture ardue, et l'on s'égare dans les sigles, mouvements et réseuax en perdant de vue l'essentiel.
Secrétaire général des Mouvements unis de Résistance (MUR), j'ai eu la chance inouïe d'être placé très jeune au lieu géométrique des trois principaux mouvements de résistance de zone sud.
Ces lignes sont extraites de l'avant-propos dans lequel Jacques Baumel expose les raisons qui le poussèrent à écrire ce récit qui est en quelque sorte le complément à ses Mémoires de résistant parus sous le titre
Résister il y a quelques années.
Dans son style vivant et généreux, il rapporte l'histoire au quotidien d'hommes et de femmes qui ont refusé la défaite et l'abandon vichyste. Il fait revivre l'engagement de celles et de ceux qui, lentement, en tâtonnant dans les premiers mois de l'Occupation, se mirent hors-la-loi, afin de créer les premiers groupuscules qui formèrent plus tard les premiers réseaux - le réseau de l'Homme, par exemple - puis les petits et grands mouvements dans une France occupée au nord et anesthésiée par Pétain au sud.
Jacques Baumel nous raconte la vie singulière, les dangers constants, mais aussi cette forme d'insouciance et l'exaltation qui habitaient ceux qui avaient "traversé le miroir" pour vivre dans la clandestinité, un état qui transcendait par moment la peur d'être capturé, torturé et exécuté ou déporté.
A son poste-clé, il rencontra toutes les figures importantes du combat clandestin mais il rend un hommage appuyé aux "soutiers de la gloire", les agent(e)s de liaison, les logeurs, les femmes du service social et tous ceux qui apportèrent leur contribution directe ou indirecte à la Résistance intérieure.
Son rôle de secrétaire des MUR lui fit vivre la plupart des crises qui faillirent plus d'une fois déchirer la très fragile unité des mouvements et s'il respecte la mémoire de ses camarades de lutte, il n'occulte pas leurs erreurs, leurs négligences et les manquements graves qui facilitèrent le travail des traîtres et les opérations des polices françaises et nazies. (En revanche, jamais il ne condamnera un(e) résistant(e) qui a parlé sous la torture.)
Il émane des pages de ce récit passionnant un profond humanisme et ce que l'on pourrait peut-être appeler une forme de nostalgie.
Cordialement,
RC