C'est en liaison avec le fil concenant les relations secrètes entre le chef du SR Masson, le général en chef Guisan et le chef du contre-espionnage nazi Schellenberg (S.D.), que je dépose l'essai de l’historien suisse H.-U. Jost.
Plus serein que le livre polémique d'un Langendorf "La Suisse dans les tempêtes du XXe siècle", l'enseignant à l'Université de Lausanne nous propose une synthèse équilibrée sans être neutre des questions politiques, militaires et économiques posées par l'attitude de la Confédération Helvétique durant les années noires.
Sur les rapports secrets Guisan-Masson-Schellenberg, l'historien écrit :
« La direction de l’armée se montra également active en ce qui concerne la politique extérieure, domaine dans lequel on a déjà vu combien le général Guisan aimait entreprendre des démarches personnelles. En mars 1943, on le vit de nouveau se livrer à une manœuvre peu réfléchie, quand il accepta de rencontrer le chef de l’espionnage à l’étranger de l’Office de la Sûreté du Reich, le général SS. Walter Schellenberg, un nazi convaincu et proche collaborateur de Himmler. (…) Le 3 mars à Biglen, puis le 6 mars à (…)Arosa, Guisan assura au général S.S. que l’armée suisse défendrait sans condition la neutralité du pays en cas d’attaque, par exemple de la part des Alliés. Il précisa que si nulle menace n’émanait de l’Allemagne, on en viendrait sans doute du côté suisse à diminuer le nombre de soldats sous les drapeaux et à consacrer ainsi plus de main-d’œuvre à l’économie. Guisan aurait encore ajouté que ce serait là une contribution indirecte aux efforts de guerre allemands. Langendorf, pour qui Guisan et l’Etat-major ont eu raison de prendre langue avec les nazis afin d’essayer de deviner les projets militaires, politiques et économiques pour la Suisse, ne fait aucune allusion à cette affirmation concernant cette « contribution indirecte ».
On sent bien la différence de sensibilité politique des deux historiens dans leur lecture de ces rencontres Guisan-Schellenberg : Langendorf , de sensibilité droitière, écrit qu’un général en chef et son responsable du SR doivent tout entreprendre afin de saisir les manœuvres des ennemis potentiels, quitte à dîner avec le diable, alors que Hans-Ulrich Jost est plus critique et estime que Guisan s’est aventuré en terrain miné en acceptant de s’entretenir avec un des chefs de la politique secrète du Reich, une relation qui a un peu terni la crédibilité du commandant en chef …
Alors que Langendorf nous présente un Guisan penchant vers le camp des Alliés, Jost nous le rapporte comme un chef militaire cherchant davantage à donner des gages au Reich.
A travers cet événement et les lectures qui en sont données, on se rend compte de la difficulté à se mettre à la place d'acteurs de l'Histoire, malgré notre désir de comprendre les motivations de ceux qui durent faire des choix et prendre des décisions entre 1939 et 1945. On est dépendant de ce que l’on sait de la suite des événements et des nombreuses synthèses qui ont été produites sur les années noires depuis 30 ans.
Bien cordialement,
RC