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Remarquablement traduite de l'anglais par Jean Bourdier - on ne saluera jamais assez ces plumes de l'ombre qui ont la lourde mission de traduire sans trop trahir des essais de cette importance - cette étude de la bataille de Stalingrad par l'historien militaire Antony Beevor fut unanimement et légitimement saluée par l'ensemble de la critique lors de sa sortie il y a 4 ans.
Il n'était pas évident de proposer un travail novateur sur un sujet si souvent traité. Beevor parvient pourtant à y apporter un éclairage pertinent en reliant la monstrueuse conflagration que fut cette bataille à la politique génocidaire du IIIe Reich à l'Est. En s'appuyant sur les archives de la 6e Armée, il réfute l'ignorance des tueries que soutinrent la plupart des officiers de la Wehrmacht - et des historiens amateurs et professionnels - après la guerre. Il souligne que très peu protestèrent en sachant ce que commettaient juste sur l'arrière du front les Einsatzgruppen, pire, il est en mesure d'affirmer que certains officiers apportèrent leur soutien à ces massacres.
Pour Beevor, il n'y a aucun doute, la guerre à l'Est est une guerre d'extermination annoncée qui dérape de plus en plus au fur et à mesure des revers allemands, la Wehrmacht s'installant alors dans une spirale barbare où la peur a pris les commandes et pousse les soldats et leurs officiers à couvrir et/ou à participer à des crimes contre l'humanité.
Du côté soviétique, l'historien militaire a eu également accès à certaines archives sensibles jusqu'alors non disponibles aux chercheurs. Ce qu'il y découvre confirme, en l'amplifiant que les commissaires soviétiques aux armées appliquèrent avec une brutalité effrayante les moyens de la "terreur révolutionnaire" pour tenir les troupes face à l'avancée nazie. Par exemple, le traitement des prisonniers soviétiques repris par l'armée rouge lors de contre-offensives qui étaient systématiquement soupçonnés d'avoir collaboré avec la Wehrmacht, fut implacable.
A Stalingrad, durant les combats, 13'500 soldats soviétiques furent exécutés par leur propre armée pour ivrognerie en ligne, tentatives de désertion, automutilations, incompétence, lâcheté, agitation antisoviétique, etc.
Si l'historien anglais expose et commente ces événements et ces chiffres terribles sans rien chercher à occulter de la réalité de la bataille, il ne glisse jamais vers le comparatisme "nazisme = communisme" ou "Hitler = Staline" qu'on nous ressort très souvent dans certains livres et sur des sites. Ça et "l'apolitisme" des animateursde sites "tecnhiques" sur les unités de l'armée nazie sont les deux "bateaux" traditionnels sur le Net historien consacré à la Seconde Guerre mondiale.
Antony Beevor, outre une étude très complète jamais ennuyeuse sur cette bataille décisive, "nous livre (...) un irremplaçable témoignage sur la guerre , la mort, la peur, le courage et la douleur."
Un classique.
René Claude |