Bonjour,
"Dieppe, 19 août 1942, 4 heures du matin. Une armada approche des côtes françaises. Une force considérable : 6100 hommes en tout. Près de 5000 Canadiens, des commandos britanniques et 50 rangers américains se tassent à bord d'embarcations hétéroclites, dépourvues de blindages pour beaucoup d'entre eux. Ces troupes amphibies sont accompagnées de 8 destroyers, de 74 escadrilles aériennes alliées, dont 8 appartiennent à l'Armée royale canadienne. (...)
L'opération "Jubilee" est en marche."
Quelques heures plus tard:
"Les assaillants qui n'ont pu être évacués se rendent. A 13h58, les canons se taisent. Du côté allemand, on dénombre près de 600 pertes. Un bilan relativement léger si on le compare à celui, écrasant, des Canadiens. Sur 4963 hommes engagés dans les opérations au sol, seuls 2210 rejoignent l'Angleterre à bord des embarcations restantes.(...) Les pertes canadiennes s'élèvent à 3367 hommes, dont 907 soldats morts au combat ou des suites de leurs blessures. De ce nombre, on décompte également 1946 prisonniers - soit plus que pendant les onze mois de campagne dans le nord-ouest de l'Europe, en 1944-45."
Alors l'historienne franco-canadienne a voulu comprendre le Pourquoi de Dieppe et de l'engagement politico-militaire des unités canadiennes anglaises et françaises dans une opération pourtant fortement déconseillée par certains chefs militaires anglais. Ensuite, elle s'est attachée à suivre l'évolution du raid désastreux dans la mémoire nationale canadienne et son utilisation politicienne depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, un raid transformé quasi immédiatement par la presse (canadienne) de l'époque en un mythe.
Béatrice Richard : "Mais, à long terme, le mythe devait se charger d'un sens spécifique chez les Canadiens français du Québec. Comment et Pourquoi ? Tel est le propos de cet essai."
Pour mieux cerner la force symbolique de cette défaite et les différents emprunts au mythe en un demi-siècle, l'historienne s'est bien sûr appuyée sur les sources politiques et militaires, mais a également lu et relu les journaux canadiens de l'époque, ainsi que les manuels scolaires et les romans canadiens ayant pour cadre ou pour toile de fonds la deuxième guerre mondiale.
Pour terminer cette présentation de la version adaptée de sa thèse de doctorat, je citerai une fois encore Béatrice Richard:
"Le mythe apparaît pour sa part constitutif de l'événement auquel il donne sens. Pour l'historien Angus Calder, le mythe n'est pas un mensonge à proprement parler, mais plutôt "une réserve instantanée d'histoire". Par "mythe", il faut donc moins entendre ici "illusion" ou "mensonge" qu'investissement émotif d'un événement réel par la mémoire collective."
Et c'est cet investissement que l'historienne a voulu analyser et comprendre.
Cordialement,
René Claude