Commencée autour d'un questionnement « classique » lié aux exactions allemandes de l'automne 1944 (Qui a arrêté le curé de la paroisse vosgienne d'Allarmont ? Pour quels motifs ?), l'enquête historique apporte des réponses précises et s'oriente très vite dans le dédale des multiples organisations policières nazies.
L'ouverture des archives françaises met à nu la diversité de ces intervenants, souvent confondus par simplicité -ou répulsion- au sein d'une nébuleuse « Gestapo ». La réalité s'avère plus complexe. Une multitude de structures répressives interagit pour annihiler la Résistance derrière la ligne de front et tenter, dans un ultime sursaut, de bloquer les armées alliées au pied des Vosges. C'est l'Aktion Waldfest. Le recoupement minutieux des documents fait découvrir des individus inégalement formés, dissemblables dans leurs motivations. Leurs comportements s'avèrent souvent dangereux pour les patriotes. Comme le curé Justin PENNERATH, ils seront nombreux à payer de leur vie.
Une unité jamais identifiée se retrouve à Allarmont au cœur de l'affaire : le Kommando de l'Allgemeine SS d'Alsace. A notre connaissance, aucune étude n'a jamais été consacrée à cette organisation dans sa version alsacienne. A fortiori le Kommando est resté entièrement dans l'ombre de la période. Une précision s'impose ici, qui donne lieu à l'un des Prolongements de l'ouvrage : Branche civile ou politique de l'organisation, l'Allgemeine SS ne doit pas être confondue avec les branches spécialisées militaire (Waffen SS), policière (Sipo-SD, ...) ou dédiée à la garde des camps (SS Totenkopf). Moins connue, l'Allgemeine SS sert la même cause.
Ces supplétifs de la dernière heure, clairement identifiés, ne correspondent pas à l'image véhiculée par l'Ordre noir. Il s'avère qu'une forte proportion des membres du Kommando envoyés sur le versant vosgien est constituée d'Alsaciens. Jamais « engagés de force », ils ne peuvent revendiquer la condition des malgré-nous. Ils sont donc des « volontaires », à des degrés divers et avec des nuances que nous étudions.
Les copieuses archives abandonnées par les administrations nazies ne laissent aucun doute sur les adhésions de ces hommes mûrs, documentent des parcours et des promotions. Elles laissent aussi entrevoir les coulisses d'organisations nazies tentant d'implanter une idéologie criminelle. Avec des tensions internes, des ambitions exacerbées et l'ombre des soupçons. Les dossiers judiciaires de l'après-guerre montrent les protagonistes et ces moments déterminants où certains destins basculent. Jusqu'à la participation de quelques opportunistes à d'improbables maquis pronazis outre-Rhin ! Les archives illustrent aussi, très concrètement, le fonctionnement de la justice de la Libération. En amont, la rigueur des enquêteurs nous a légué des procédures qui tentent de dépasser les silences et s'égarent parfois. Vers l'aval, l'appréciation des juges surprend souvent. L'éventail des peines infligées ne peut être plus large : l'un est condamné à la peine de mort et exécuté, d'autres ne sont pas inquiétés. Après le temps de la justice vient le temps de la reconstruction et de l'oubli.
Plus de 75 ans après les faits, le temps de l'Histoire est venu. Il n'est pas question de stigmatiser, de « refaire les procès » ou de juger. Ni de relativiser ou d'excuser. Décortiquer les parcours laisse entrevoir l'enchaînement des faits.
Donner chair à ces hommes permet de mieux comprendre. |