L'Affaire Jean Moulin. Trahison ou complot ? sur le forum "Livres de guerre"
Pour profiter de
tous les avantages
de ces pages, vous
devez accepter
les cookies



Forum
des livres, revues, sites, DVD, Cd-rom, ... , sur la 2e Guerre Mondiale, de 1870 à 1970
 
 Le débat sur ce livre
 
 L'accueil
 Le menu
 Le forum
 Les livres
 Ajouter un livre, ...
 Rechercher
 Où trouver les livres ?
 Le Glossaire
 Les points
 Les pages LdG
 L'équipe
 Les objectifs
 La charte
 Droit de réponse
 L'aide
 
 
 

L'Affaire Jean Moulin. Trahison ou complot ?

Jacques Gelin

Dans son gros livre, le journaliste Jacques Gelin présente, de manière parfois passionnante, parfois fastidieuse, le déroulement détaillé d’une investigation approfondie et bien référencée. Afin d’éviter que le lecteur ne perde trop le fil, il offre un résumé de ses résultats à la fin de chaque chapitre. En gros, en ce qui concerne le mystère de l’arrestation de Jean Moulin, sujet de l’ouvrage, Jacques Gelin consolide les preuves de la culpabilité de René Hardy, qu’il nuance par le fait, inavouable aujourd’hui un peu moins qu'hier, que celui-ci, patriote courageux, pensait servir la France en éliminant un dirigeant qu’il jugeait sur le point de favoriser la mainmise du parti communiste sur la Résistance.

Tout d’abord, se fondant sur des témoignages de première main, ceux de Marcel Degliame et de Claude Bourdet, cadres du mouvement de résistance Combat, celui du colonel Oscar Reile de l’Abwehr (service de renseignements de l’armée allemande), Jacques Gelin nous apprend que René Hardy, régulateur SNCF, créateur du NAP-Fer, chef du 3e bureau de l’Armée secrète, devenu très anticommuniste, travaillait aussi pour plusieurs services de renseignements (vichystes antiallemands, britannique, américain) et entretenait également des rapports étroits avec un officier antinazi de l’Abwehr dès janvier 1943, mois au cours duquel ce dernier lui a fait rencontrer Lydie Bastien, une très belle jeune femme, à qui il a donné pour mission de séduire Hardy afin de le surveiller de près.

Puis, Jacques Gelin rappelle un épisode capital et désormais très connu : dans la nuit du 7 au 8 juin 1943, René Hardy, reconnu par un résistant retourné (Jean Multon) qu’accompagne l’agent K30 de l’Abwehr (l’Alsacien Auguste Moog), est arrêté dans le train Lyon-Paris. Identifié et livré à Klaus Barbie, lieutenant SS, chef de la section IV (« Gestapo ») du KDS (antenne régionale) de Lyon, il accepte de collaborer croyant la vie de sa maîtresse Lydie Bastien menacée, et passe ainsi, selon Jacques Gelin, du statut de collaborateur volontaire des antinazis de l’Abwehr à celui de collaborateur involontaire des nazis de la Sipo-SD (police de sécurité). Cependant, Jacques Gelin se demande si tout cela ne faisait pas partie de la vaste opération militaire d’intoxication des Allemands menée par les Alliés pour faire croire à ceux-ci qu’un débarquement aurait lieu en Provence en été 1943 afin de détourner ainsi leur attention de la Sicile. En effet, durant la semaine du 10 au 17 juin qu’il passe dans les locaux de Klaus Barbie, René Hardy reconstitue pour ce dernier le plan de sabotages ferroviaires en vue du débarquement fictif en Provence. Une fois libéré, René Hardy avoue avoir été appréhendé (sans avoir été précisément identifié ?) par les Allemands à l'adjoint de Henri Frenay à la tête de Combat, Pierre de Bénouville, lequel l’envoie tout de même à la fameuse réunion prévue le 21 juin dans la maison du docteur Frédéric Dugoujon à Caluire où Jean Moulin doit désigner des successeurs temporaires au chef de l’Armée secrète, le général Charles Delestraint, qui vient d’être arrêté à Paris. Jacques Gelin relate de façon circonstanciée (car les détails ont une grande importance) l’épisode fatidique du 21 juin. Suivi sur ordre de Klaus Barbie par l’agent double Edmée Delétraz, qui, au service de la Résistance, donne en vain l’alerte, René Hardy conduit les hommes de la Sipo-SD à la maison Dugoujon, d’après des témoignages et des rapports allemands incontestables (voir le rappel ci-dessous), permettant ainsi l’arrestation de Jean Moulin et de six autres dirigeants des MUR (Mouvements unis de résistance). De connivence avec Klaus Barbie qui veut sans doute le protéger pour le réutiliser plus tard comme agent double, René Hardy feint de s’enfuir. Le seul à ne pas être menotté, il frappe son gardien et court à travers la place Castellane. Les Allemands tirent, non en rafales, mais seulement quelques balles au coup par coup, font mine de le poursuivre et, vraisemblablement, le récupèrent en voiture un peu plus tard. Afin de dissiper les éventuels soupçons de ses camarades, ils lui tirent, à sa demande, une balle dans le bras sous la supervision d’un médecin qui s’assure que le projectile ne causera pas une blessure invalidante. René Hardy affirmera avoir été blessé sur la place Castellane, mais il sera prouvé, après la guerre, que c’est absolument faux (trajet de la balle dans le bras : du poignet au coude ! examen de la veste mal stoppée : traces de poudre indiquant un tir à environ 40 cm). Comme des résistants, qui le croient coupable de trahison, tentent de l’empoisonner à l’hôpital français de l’Antiquaille, il est transféré à l’hôpital allemand de la Croix-Rousse d’où il prétend s’être évadé d’une manière rocambolesque alors qu’il a le bras dans le plâtre ! En fait, il est libéré début août 1943 par les Allemands et va se mettre au vert. Ceux-ci font semblant de le rechercher, mais Jacques Gelin révèle qu’il ne se trouve pas sur la liste des personnes vraiment recherchées à cette époque…

Ensuite, Jacques Gelin démontre, point par point, que, à l’issue de ses deux procès en 1947 et en 1950, René Hardy a été acquitté pour des raisons politiques dans le cadre de la guerre froide naissante et du conflit en Indochine. En effet, des documents et des témoins accablants pour Hardy ont été sciemment écartés, le commissaire du gouvernement ayant reconnu qu’on lui avait demandé d’être très clément....

Revenant à la période de l’Occupation, Jacques Gelin découvre que, dès fin 1942, un rapport, envoyé à Londres par le colonel Georges Groussard, chef des réseaux de renseignements militaires Gilbert, considérait Jean Moulin comme cryptocommuniste, puisqu’il avait été entouré, depuis le Front populaire et ses fonctions auprès de Pierre Cot, par des agents des services secrets soviétiques. Toutefois, à la suite d’une enquête, Londres a disculpé Jean Moulin au début 1943, de Gaulle estimant que seul cet homme de confiance très à gauche pouvait l'aider à circonvenir le PCF.

Pourtant, Jacques Gelin envisage l’hypothèse qu’un complot politique a été ourdi en vue d’éliminer un Jean Moulin censé permettre aux communistes de prendre les rênes de la Résistance unifiée juste avant le débarquement allié que les résistants attendaient pour l’été 1943 à la suite de l’opération d’intoxication. En effet, si Pierre de Bénouville savait que René Hardy avait été parfaitement identifié par Klaus Barbie, en l’envoyant, en toute connaissance de cause, à la réunion de Caluire, il réglait ainsi le problème du conflit entre Jean Moulin et le mouvement Combat et entravait la prise de pouvoir communiste, peut-être en accord avec Henri Frenay et le colonel Georges Groussard. Plus, comme Pierre de Bénouville était en relation étroite avec Allen Dulles des services secrets américains, Jacques Gelin suppose que celui-là pourrait avoir agi avec l’assentiment de celui-ci. Néanmoins, au bout du compte, non seulement Jacques Gelin n'apporte aucune preuve d’un tel complot, mais encore il reconnaît ne pas y croire vraiment. C’est pourquoi Jean-Pierre Azéma, historien patenté et réputé, spécialiste de la période, parle d’un traître (Multon), d’un coupable (Hardy) et d’un responsable (Bénouville).

Preuves de la culpabilité de René Hardy dans l’arrestation de Caluire :

I. Deux témoignages :

1° Celui de l'agent double Edmée Delétraz, au service de la Résistance, qui a affirmé avoir vu René Hardy donner à la « Gestapo » la date et l'heure de la réunion, et avoir été chargée de le filer jusqu'à son lieu que René Hardy ignorait encore ;

2° Celui de Klaus Barbie, chef de la section IV (« Gestapo ») du KDS (antenne régionale de la police de sécurité allemande) de Lyon et responsable de l'arrestation des participants à la réunion, qui, de 1948 à 1990, a toujours déclaré que c'était René Hardy qui avait livré la réunion de Caluire.

II. Deux documents :

1° Le rapport « Flora » du KDS de Marseille établi le 19 juillet 1943, qui mentionne que « Didot » (pseudo de René Hardy), en qualité d'agent double, a permis l'arrestation de Jean Moulin et de chefs des MUR ;

2° Le rapport « Kaltenbrünner » signé par le chef du RSHA (Office central de sécurité du Reich) le 29 juin 1943, qui précise que le KDS de Lyon a réussi, grâce à « un jeu d'agents » réalisé avec René Hardy, à mettre la main sur une réunion de dirigeants des MUR : « Grâce à un jeu d’agents auquel Hardy s’est prêté, le commando d’intervention de la Sipo-SD de Lyon […] a réussi à surprendre une réunion de dirigeants des Mouvements unis de la Résistance. »

Un livre à lire absolument pour son enquête extrêmement circonstanciée, étayée de nombreux témoignages pertinents et, par là, éclairante, même si elle ne semble pas fournir les preuves d'un complot contre Jean Moulin...

 

Editeur : Gallimard
Date edition : 19 juillet 2013
ISBN ou ref : B00E1OLEH4 (KINDLE)
Support : livre
Genre : étude historique
Période concernée : de 1939 à 1945
Région concernée : Ouest Europe

Proposé par Alain Cerri le vendredi 30 décembre 2016 à 19h12

Dernière contribution le jeudi 05 janvier 2017 à 22h44

lue 22586 fois décrypter

 

Suivre le débat sur L'Affaire Jean Moulin. Trahison ou complot ? et y contribuer
 



Pour contacter les modérateurs : cliquez !

 bidouillé par Jacques Ghémard le 1 1 1970  Hébergé par PHP-Net PHP-Net  Temps entre début et fin du script : 0.01 s  2 requêtes