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Un général Suisse contre Hitler

L'espionnage au service de la paix

Jon Kimche

Avec le livre des journalistes Accoce et Quet La guerre a été gagnée en Suisse, l'auteur ici y va aussi avec un titre accrocheur. Souvent excellente initiative question vente...
Mais surtout l'importance d'une vision extérieure en Histoire.



Présentation

Il faut d’emblée souligner que l’on ne lit pas une étude historique avec la même compréhension au tout début de ses lectures ou après plus d’une cinquantaine de livres. C’est ce qui m’arrive avec ce livre que j’ai lu une première fois il y a probablement plus de 12 ans et que je viens de relire. C’est donc seulement maintenant que la complexité de la situation m’apparaît véritablement. Ce qui m’amène à faire ici une petite parenthèse en comparant cette complexité avec le simplisme du rapport Bergier, ramenant la totalité de l’histoire Suisse/SGm à un simple exercice comptable et commercial.
Remarquons que la façon dont Kimche s’y est pris pour nous faire part de son opinion, sans pratiquement aucune références ni liste de livres, a dû susciter quelques critiques. Cependant, autant chez Kimche, que chez d’autres chercheurs étrangers, on découvre une autre manière de chercher la vérité, qui est d’interroger des témoins-acteurs de cette histoire, c’est bien ce qu’à fait Kimche comme d’ailleurs les journalistes français Richardot, Accoce et Quet et plus récemment l’Américain Sephen P. Halbrook . De nombreux historiens suisses se sont plains que les archives furent trop longtemps inaccessibles à leur regard, cependant je n’ai pas remarqué leur curiosité à aller également interroger les témoins, comme ceux du SR, ou des délégués du CICR ou encore des fonctionnaires fédéraux en charge de l’activité suisse de Puissance protectrice. Mon idée personnelle sur la question est qu’il me paraît évident que la quête d’informations auprès d’agents de renseignements est indispensable compte tenu du fait qu’il y ait eu peu de chances que les intentions et délibérations de l’époque furent consignées dans les archives. Il ne s’agit en effet pas de documents diplomatiques, qui eux furent tous archivés et aujourd’hui disponibles sur internet.
Venons-en au contenu du livre. Disons-le tout de suite, Kimche est hyper élogieux envers Guisan, aucune critique du début à la fin. Ses appréciations envers Pilet-Golaz et Masson sont toutes autres, c’est clair qu’il accable Pilet-Golaz, pas du tout en ce qui concerne le commerce, manifestement Kimche, dans le cas de la Suisse, comprenait qu’il n’y avait pas d’autre alternative à l’approvisionnement de la Suisse, non, ce qu’il reprochait à Pilet-Golaz c’était, selon lui, son attitude trop proche des nazis, à l’ordre nouveau. Je n’ai, dans aucun autre livre d’étude historique, lu une critique aussi acerbe à l’encontre de Pilet-Golaz. J’en reviens à la question des négociations commerciales qui furent extrêmement dures, cela tout le monde en convient aujourd’hui et je vois bien la difficulté d’obtenir les matières premières indispensables tout en affichant son horreur du nazisme.. Cela je crois que Kimche ne l’a pas compris. Pour Masson, il est surtout critique sur ce qui concerne le contrôle de la presse. Kimche n’a aucun doute sur la nature nazie de Schellenberg, il décrit d’ailleurs ses méfaits.
Mais le thème principal du livre reste l’attitude et la stratégie de Guisan face à la menace d’invasion. Par ses services de renseignements Guisan constatait l’incroyable source de renseignements qui lui parvenaient manifestement directement depuis l’entourage des responsables nazis, dont la fameuse ligne Viking. Bien que ces précieux renseignements furent transmis aux Britanniques, il apparaissait à Guisan qu’au fond on en tenait pas compte, pour preuve le moment de l’attaque allemande à l’ouest qui n’avait suscité que peu de réactions, un peu comme les renseignements fournis plus tard à Staline. Guisan finit donc par arriver à la conclusion, comme Churchill et Roosevelt, qu’il fallait par n’importe quel moyen détruire l’armée allemande pour mettre fin au nazisme et donc au risque d’invasion. Ici il faut rappeler l’existence du bureau Ha, celui de Hausamann qui avait monté à lui tout seul un important service privé de renseignements qu’il mit à la disposition de l’armée. Rappeler aussi l’importance de l’entourage de Guisan avec ces nombreux jeunes collaborateurs très performants, intelligents et patriotes dont Hausamann. Il n’y eut jamais aucune dissension entre eux. Mais ce que je viens de redécouvrir c’est que le bureau Ha dépendait directement, au point de vue hiérarchique, de Guisan. Donc partant de la conclusion qu’il fallait vaincre à tout prix les Allemands, ce serait, selon Kimche, Guisan lui-même qui aurait autorisé la collaboration du bureau Ha avec le réseau soviétique en Suisse et donc la fourniture du flux continu d’informations au Kremlin depuis la source allemande via Roessler. Ceci donc en conséquence de ses conclusions ayant abouti à favoriser par tous les moyens la défaite de l’armée allemande, contrairement à ce qu’espéraient bon nombres de résistants allemands favorables à une entente avec les Anglos américains pour se retourner contre l’URSS, après s’être débarrassés d’Hitler.
Kimche note que l’arrivée de Dulles en Suisse a été particulièrement salutaire, il n’a aucune critique à son encontre sur ces instants passés à Berne.
Ce livre donne un démenti cinglant à ceux qui prétendent que la Suisse neutre est restée retranchée dans son Réduit, sans agir. C’est faux mais cela montre malheureusement le peu d’impact d’un livre tel que celui-ci face au rouleau compresseur des films TV sur l’opinion, en histoire.
Kimche a consacré un long épilogue de huit pages intitulé La difficulté d’être neutre. On y lit par exemple cette déclaration de Molotov le 31 octobre 1939. Notre pays en tant que pays neutre soucieux d’éviter toute extension de la guerre ….prendra toutes les mesures nécessaires pour en limiter les ravages…
Ou encore concernant Hitler : Hitler exposa son point de vue à Bormann peu avant son suicide, en lui expliquant que Mussolini lui aurait été d’un plus grand secours en restant neutre qu’en devenant son allié

On y lit enfin à la page 207
L’expérience de Guisan montre parfaitement que la neutralité est ni philosophique ni politique, pas plus qu’elle n’est une profession de foi ou un mode vie. Elle est utile en matière de politique étrangère et de défense du pays, mais elle n’est pas tout. Elle est un moyen de pression morale que le plus faible peut employer contre le plus fort mais, en elle-même, elle ne donne aucune garantie de réussite. Celle-ci dépend du soutien de la population et de l’efficacité du gouvernement et des forces armées. Guisan avait réuni ces trois conditions et il put, ainsi après six années de guerre, se présenter devant le Parlement qui l’avait élu général et remettre officiellement sa démission….

Pour résumer, le fonctionnement du réseau soviétique et la transmission des renseignements fournis par la résistance ne s’est réalisé que par la volonté de Guisan, puisque ses SR étaient impliqués et qu’il en avait la haute autorité. Guisan a certainement agi de concert avec Dulles et le ministre britannique David Kelly ou le responsable des renseignements mais c’est bien lui qui avait la seule responsabilité, ceci à l’insu du gouvernement.


Table des matières

1. Un général est élu
2. Une offense pour les Suisses
3. La route du "Réduit"
4. L'art d'être neutre
5. L'espionnage au service de la paix
6. Allen Dulles: as de l'espionnage ou expert en double jeu ?
7. Qui s'est moqué de qui ? Dulles, Waibel, Wolff ?

 

Editeur : Fayard
Date edition : 1961
ISBN ou ref : -
Support : livre
Genre : étude historique
Période concernée : de 1939 à 1945
Région concernée : Ouest Europe

Proposé par Christian Favre le mardi 27 janvier 2015 à 10h23

Dernière contribution le jeudi 19 mars 2015 à 08h17

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