Aristocrate flamboyant, fin stratège, dandy sous l'uniforme et esthète souvent contrarié, Jean de Lattre de Tassigny fut tous ces personnages et eut une vie extraordinaire. Son grand problème c'est de ne pas avoir combattu pour la France sous Louis XIV ou à la rigueur sous Napoléon, même si lui aussi eut ses maréchaux d'Empire : Salan, Beaufre, Cogny,... Il fut un contemporain de Charles de Gaulle à Saint-Cyr et Lucien Bodard affirme qu'ils s'envoyaient des éditions rares du "Prince" de Machiavel. De Lattre fut plus militaire que De Gaulle, même si lors des heures graves qu'il vécut en France durant la SGM puis plus tard en Indochine, il sut manoeuvrer en fin stratège de la chose politique en acceptant par exemple de se soumettre à l'autorité du Connétable pour la fin de la guerre en Europe.
Bernard Destremau appartint à la 1ère division de chars et a combattu sous De Lattre en France et en Allemagne. Il est donc un témoin essentiel et ses souvenirs de guerre sont très utiles au biographe qu'il est devenu. Mais ces avantages ont leur inconvénient : si sa biographie est très bien documentée, elle souffre d'un déficit critique envers cet homme extravagant qui rêvait d'une armée nouvelle, creuset où auraient pu se fondre les classes sociales... Si le maréchal est séduisant, on aurait aimé en savoir davantage sur sa vie personnelle, ses amours contrariés (et inavoués comme le sous-entend Jules Roy dans ses "Mémoires barbares" ?),son esthétisation parfois poussive de la guerre avec ses "belles morts" un peu arrangées pour la presse en Indochine, ses injustices et ses délires mégalomanes.
On peut compléter cette biographie solide avec les pages de "la Guerre D'Indochine" que Lucien Bodard consacre à De Lattre.
Amicalement,
René Claude