Ce livre a été réalisé sous la direction d'Erica Deuber Ziegler. Excellente initiative d'abord afin de montrer, après tout ce qui s'était dit de négatif, l'immense travail réalisé par le CICR et ses délégués, ici le Dr. Marcel Junod dont j'ai déjà présenté le livre Le Troisième combattant
Mais aussi ce que fut la Seconde Guerre mondiale, un incroyable....quoi ? Génocide ? Non, cela ne correspond pas à la définition, Holocauste ? Oui pour les Juifs et les Tziganes, mais pour tous ces civils innocents ? Quel nom ? Curieux qu'il n'y en ait aucun...On remarquera tout de même une nette disparité dans la compassion selon la provenance de ces innocents...
A l'occasion du 60è anniversaire du désastre d'Hiroshima et au nom du Comité international de la Croix-Rouge, je tiens à rendre hommage au docteur Marcel Junod, dont l'engagement humanitaire auprès des victimes de tragédies mérite le plus grand respect.
Quand il se rend, un peu plus d'un mois après l'explosion atomique, sur les lieux du drame, le docteur Junod n'en est pas à sa première mission, lui que l'engagement au service du CICR avait déjà conduit en Abyssinie, en Espagne, puis à travers toute l'Europe que la Deuxième Guerre mondiale mettait alors à feu et à sang. Mais c'est sans doute au Japon, en 1945, que le docteur Junod va être confronté à la plus lourde des épreuves: la situation dont il est le témoin se situe au-delà des repères de l'échelle humaine. Le désastre est complet, la douleur indicible. Accompagné notamment de médecins japonais, le docteur Junod apporte aide matérielle et réconfort aux victimes, premier médecin étranger dans une terre labourée par l'horreur. Plus tard, il racontera cette expérience dans l'article (posthume, puisqu'il a été publié en 1982, longtemps après sa mort survenue en 1961) que le présent ouvrage heureusement publie à nouveau. Après la guerre, Marcel Junod devait d'ailleurs rédiger son célèbre livre Le Troisième combattant (1947) qui, aujourd'hui encore, reste une «lecture imposée» pour tout délégué du CICR.
Membre du CICR dès 1952, et vice-président dès 1959, le docteur Junod effectuera encore d'autres missions du CICR, jusqu'à son décès au chevet d'une patiente sortant d'une opération. Sa mort même aura été à l'image de sa vie: placée sous le signe de l'action médicale et de son engagement pour autrui. Marcel Junod nous laisse un héritage précieux, dans lequel domine un engagement pratique sans faille. Parlant des Conventions de Genève, il ajoutait que leur valeur et leur portée dépendaient surtout des femmes et des hommes qui s'engagent pour les faire connaître et les faire respecter. Depuis Hiroshima, le droit humanitaire a su évoluer, s'adapter au mieux aux nouvelles situations de conflits. S'il reste incomplet ou incertain dans certains domaines (par exemple, justement, quant à son applicabilité aux armes de destruction massive), il n'en demeure pas moins une référence solide et indispensable dans le combat en faveur de la protection de la vie et de la dignité humaines.
Avec Marcel Junod, c'est aussi aux victimes d'Hiroshima et de Nagasaki, aux victimes de tous les conflits armés qu'il faut rendre ici témoignage. Elles sont au coeur de la mission du CICR. Pour elles, le CICR agit, parle, intervient. Comment mieux conclure qu'en citant le docteur Junod lui-même, dans les dernières pages du Troisième combattant: «Intervenir... ce n'est Souvent que rappeler au pouvoir qui décide, l'existence de ses victimes même lointaines et lui montrer la réalité de leur souffrance.»
Jakob Kellenberger Président du CICR
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A la fin du mois de mai 2005, cinq mois après le tsunami de l'Océan Indien, je me suis rendu à Banda Aceh, dans l'île de Sumatra. Là-bas s'étendait à perte de vue la désolation causée par les ravages de la catastrophe.
Le docteur Marcel Junod était à Hiroshima un mois après la bombe atomique. Il raconte: « Le centre de la ville est une sorte de tache blanche, polie comme la paume de la main. I1 ne reste plus rien. Les traces mêmes des maisons semblent avoir disparu. La tache blanche s'étend sur un diamètre d'environ 2 kilomètres.» je pense à ce que le docteur Junod a ressenti à ce moment-là. Malgré la différence entre un désastre naturel et la guerre, la souffrance des victimes reste la même. Et cette différence n'existe pas non plus pour ce qui est de la mission humanitaire de la Croix-Rouge.
L'expression de la résolution du docteur Junod se trouve dans la rédaction de son article « Le désastre d'Hiroshima». Dans ce contexte, il avait demandé à ce que l'engagement de tous les pays concernés par le Protocole de Genève quant à la prohibition de l'emploi sur les champs de bataille de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, intègre également les armes nucléaires. Suite à l'appel pressant du docteur Junod, ainsi que d'actives démarches effectuées par la Croix-Rouge du japon, la résolution demandant l'interdiction des armes nucléaires a été reprise lors de plusieurs Conférences internationales de la Croix-Rouge.
La bombe atomique lâchée sur Hiroshima a non seulement coûté la vie à 100 000 personnes en un instant, elle a également provoqué l'irradiation d'un grand nombre de personnes. Immédiatement après le bombardement, dans l'hôpital de la Croix-Rouge d'Hiroshima, resté miraculeusement presque intact, le personnel médical a travaillé sans relâche pour soigner les blessés, malgré le décès de 69 de ses membres sur un effectif total de 180. Mais les soins nécessaires n'ont pu être prodigués en raison du manque d'installations et de personnel médical. C'est alors que le docteur Junod est arrivé à Hiroshima, amenant avec lui plus de dix tonnes de matériel médical, dont du plasma sec et des sulfamides. Les résultats ont été extraordinaires et le docteur Junod, qui s'est employé lui-même à soigner les blessés, est considéré aujourd'hui encore comme bienfaiteur d'Hiroshima.
Soixante années se sont écoulées depuis les catastrophes d'Hiroshima et de Nagasaki. Aujourd'hui encore, plus de 270 000 personnes doivent porter leur carnet d'irradiés et vivre dans la crainte des séquelles de l'irradiation. Le vieillissement de ces personnes irradiées se poursuit et la moyenne d'âge des patients hospitalisés à l'Hôpital des irradiés de la Croix-Rouge d'Hiroshima est de 74 ans.
Hiroshima lance encore aujourd'hui son appel: « Pas de revanche, mais la réconciliation. Pas d'hostilité, mais l'humanité.» Les irradiés racontent leur terrible expérience, et demandent au monde entier d'interdire les armes nucléaires. De fait, il n'y a heureusement pas eu de troisième bombe atomique jusqu'à présent. Mais le nombre de pays possédant des armes nucléaires ne cesse d'augmenter.
Le livre d'Henry Dunant Un souvenir de Solferino a déclenché en son temps un mouvement international. J'espère que, de la même manière, l'ouvrage du docteur Marcel Junod, Le Désastre de Hiroshima, sera le point de départ d'une nouvelle prise de conscience.
Tadateru Konoé
Président de la Société de la Croix-Rouge du Japon
Chapitres:
Un témoin à Hiroshima
Par Erica Deuber Ziegler
Le désastre de Hiroshima
Par le Dr. Marcel Junod
Première partie
I Introduction
L'âge atomique est ouvert - Une cité japonnaise de 400'000 âmes est détruite en quelques secondes - Une page de l'histoire est tournée
II Comment je fus amené à observé les effets de la première bombe atomique
III Contacts avec les autorités japonaises
IV Hiroshima
V Informations japonaises
Impressions et récits de témoins
Le bilan matériel
Le bilan humain
Deuxième partie
Considération sur l'atomisation
Conclusions
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La première partie se trouve ici (dossier pdf)