Tome 1 - Le 16 Mai 1940, il fallait rester en Belgique
Le mot de l'éditeur
En mai 1940, l'erreur d appréciation la plus manifeste de la part des chefs alliés, civils et militaires confondus, fut de croire que, le temps travaillant pour eux, ce qui était vrai, ils en disposeraient selon leurs propres calculs, ce qui se révéla cruellement faux. Cette erreur d'appréciation sur le plan stratégique verra ses effets décuplés par la même erreur sur le plan opérationnel et tactique de la part du haut commandement français.
L'erreur des chefs responsables des opérations en Belgique et sur le théâtre du nord est, les généraux Billotte et Georges, qui crurent que le repli sur le territoire national les sauverait du désastre, ne fut pas compensée par la faute lourde du général Gamelin, généralissime allié, qui avait ordonné le plan initial et l'entrée en Belgique et qui, malgré une appréciation plus exacte de la situation, n'imposa pas de s'y tenir. Au rebours de la question ordinairement posée de savoir s'il fallait entrer en Belgique, la réponse qui s'impose à nous est : le 16 mai 1940, il fallait y rester.
Le choix militaire malheureux qui fut alors fait entraîna inéluctablement la capitulation belge et la capture ou le rembarquement en catastrophe à Dunkerque des armées du nord franco-britanniques. Il contenait en germe la dissociation des intérêts vitaux de la France et du Royaume Uni. Il annihilait de ce fait, par avance, les effets d'une Full Alliance qui, par la volonté conjointe de leurs gouvernements, ne fut jamais poussée aussi loin dans l'histoire des deux pays et qui devait leur garantir la victoire sur le long terme. Les conséquences pour l'Europe n'en sont pas épuisées.
La réflexion de Jacques Belle, énarque, lieutenant-colonel de réserve du service d'état-major, sur les causes d'une humiliation collective sans précédent dans notre histoire a commencé en 1940 quant il avait huit ans... Le métier d'auditeur des comptes publics l'a poussé à ordonner cette réflexion au cours des vingt-cinq dernières années selon une méthodologie consistant à faire parler les faits à partir d'une certification rigoureuse des données, chiffrées ou non, dans l'espace et dans le temps. L'application d'une telle méthodologie à l'histoire conduit à réviser plus d'une appréciation sur les événements et sur les hommes.
Extrait de la préface :
Nous sommes, Jacques Belle et moi, à peu près de la même génération. Je venais juste d'avoir douze ans en mai 1940, Jacques Belle en avait huit. Cette génération a été, pour reprendre le titre, emprunté à Bernanos, d'un article que j'avais écrit à vingt ans pour l'anniversaire de l'appel du 18 juin du général de Gaulle, celle des «enfants humiliés».
L'«étrange défaite» selon la formule célèbre de Marc Bloch a marqué nos vies non pas en dépit, mais à cause de notre jeunesse. Elle provoquait une brutale rupture avec tout ce qu'on nous avait appris, à l'école et dans nos familles, d'une France victorieuse, première puissance militaire de la planète, rayonnant sur un vaste Empire, portant au monde un message respecté de liberté, d'égalité et de fraternité. De cette rupture je crois bien que nous ne nous sommes jamais consolés, même si elle nous a conduits à la rencontre de celui qui, au lendemain de cet effondrement, avait assuré que la France avait perdu une bataille, mais qu'elle n'avait pas perdu la guerre.
Tome 2, Le 16 juin 1940, non à l'armistice !
Présentation de l'éditeur
Le 18 juin 1940 à Munich, tout s'était passé comme si Hitler n'avait eu d'autre souci que d'aller au-devant des espoirs du nouveau gouvernement français qui venait la veille de solliciter un armistice. Il déclara à son compère Mussolini qu'il allait faire un " pont d'or à la France " : elle ne serait pas occupée en totalité, elle serait désarmée certes, mais elle aurait la garde de ses bateaux une fois rentrés au port et elle s'administrerait elle-même sur tout son territoire, outre-mer compris. Lorsqu'il eut connaissance de ces conditions, le gouvernement de têtes militaires présidé par le Maréchal Pétain signa des deux mains. L'intention de poursuivre la lutte outre-mer avait été, en France, celle du président du Conseil en fonction jusqu'au 16 juin, Paul Reynaud, celle de ses principaux ministres et aussi celle du Président de la République et des présidents des Assemblées parlementaires. Leur départ pour l'Afrique du Nord avait été organisé dans les moindres détails. Outre-mer, cette volonté était partagée par tous les responsables civils et militaires, au premier rang desquels le Général Noguès. S'il se résolut " la mort dans l'âme " à l'armistice, ce fut d'abord parce que le concours de la Marine, promis puis retiré par l'Amiral Darlan, lui fit au dernier moment défaut. Si De Gaulle resta longtemps bien seul, sa vision stratégique et sa perception de l'honneur du pays furent sur le moment beaucoup plus largement partagés qu'on le croit encore aujourd'hui.
Biographie de l'auteur
Jacques Belle, énarque, lieutenant-colonel de réserve, poursuit sa réflexion sur les circonstances d'une humiliation politique et militaire sans précédent pour la France. La méthodologie de l'audit appliquée à l'histoire le conduit à replacer les faits et gestes des acteurs des événements qui ont précédé et suivi l'armistice de 1940 dans le contexte où ils eurent à décider et à agir, et non dans celui des reconstitutions ultérieures dont ils furent les inspirateurs ou les victimes. |