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| | | | | | Aux ordres de VichyEnquête sur la police française et la déportationRaphaël Delpard | | | L'attitude de la police française sous Vichy n'en finit pas de faire débat. L'enquête de Raphaël Delpard fait le point en s'attachant plus particulièrement à la déportation des Juifs. L'auteur explique sa démarche dans une introduction que nous reproduisons intégralement : La Police nationale pendant la Seconde Guerre mondiale ne peut être détachée du régime de Vichy, parce qu'elle a été le relais sans faille de la déportation de soixante-seize mille femmes et hommes, dont onze mille enfants, qui n'avaient commis qu'un seul crime, celui d'être nés juifs. Soutien sans faille encore à la traque aux communistes et à tous les opposants au concept de la Révolution nationale prôné par le maréchal Philippe Pétain.
Il m'est apparu, dès le commencement de mes recherches, qu'il fallait mettre au jour les racines qui ont donné naissance à ce pouvoir avant d'accabler qui que ce soit car, dans cette affaire, la question centrale n'est pas le rôle de la police dans l'oeuvre de mort, mais comment Vichy a réussi à en faire son bras séculier. Et à l'intérieur du corps policier, le pouvoir n'a rencontré aucune opposition à son plan.
Pour la compréhension du dossier, il m'a semblé nécessaire aussi d'exposer la naissance des services de police créés et inventés par Vichy. Nous verrons comment ils satisferont sans faiblir à tous ses besoins, y compris à ceux de la propagande.
La reconstitution du puzzle nous permet d'assister à la mise en place d'un État policier ouvertement déclaré raciste et xénophobe, dont la base de fonctionnement est l'exclusion, bafouant sans vergogne les principes d'humanité, de tolérance et de liberté - valeurs qui ont fondé notre République -, n'hésitant pas à livrer à l'ennemi le tiers d'une communauté qui était une partie intégrante de la Nation française.
La Police nationale était-elle raciste ? Les archives nous révèlent une hiérarchie contaminée par les mouvements d'extrême droite qui ont émergé dans les années 1920-1930. Cette hiérarchie se trouve donc en parfaite symbiose avec les thèses développées par Pétain et Laval.
Quelle est la situation du gardien de la paix ? Compte tenu des informations qu'il faut arracher aux ministères de l'Intérieur, impossible de formuler une réponse nette. Des policiers ont apporté aide et soutien aux pourchassés de toute catégorie; l'admirable action des sept policiers nancéiens en fait, à elle seule, la démonstration, mais cet exemple et quelques autres isolés ne peuvent nous conduire à croire à l'existence d'une résistance policière. Les chiffres officiels viennent consolider l'impression. Sur cent vingt mille fonctionnaires de police répartis sur les deux zones, on en compte à peine deux mille appartenant à des réseaux de résistance. Le bilan fait volontairement abstraction de la mascarade qui a eu lieu à la préfecture de police de Paris, le 24 août 1944 où toute la hiérarchie, de haut en bas, s'est soudainement aperçue de la nécessité de résister.
Le gardien de la paix avait-il une marge de manoeuvre suffisante pour s'opposer aux ordres ? L'étroitesse de ses possibilités et le climat de suspicion qui règne parmi les policiers renvoient le fonctionnaire de police à un choix simple: la soumission ou la démission. Et, même en démissionnant il doit se protéger, car le départ sans motif réel est suspect pour les autres. On s'entre-tue parmi les policiers.
La Police nationale s'est salie et a liquidé ses valeurs républicaines. Dans les archives, on se trouve en présence d'un si grand nombre de rapports qui montrent le policier allant arrêter des familles sans défense à l'heure du laitier, embarquant des enfants sans jamais rechigner, qu'on finit par se demander si l'uniforme n'a pas servi de bonne conscience. Que dire encore de ces fonctionnaires qui se conduisent comme des brutes, bousculant, humiliant et volant cette population en désarroi ? Ceux-là étaient-ils profondément antijuifs ? La part humaine chez le juif s'était-elle dissoute à ce point qu'il ne restait plus, à leurs yeux, qu'une population proche du bétail ?
Le peuple belge, en dépit de mouvements pro nazis agissant sur son territoire, a fait ce qu'il a pu pour protéger les juifs. En Hollande, l'administration a donné du fil à retordre à l'occupant en organisant grève sur grève. Au Danemark, le gouvernement et la population ont sauvé six mille juifs. En Bulgarie, les Sofiotes ont barré la route aux policiers qui venaient arrêter les vingt-cinq mille juifs vivant dans leur ville. De tels exemples sont nombreux... Pourquoi, en France, les cheminots n'ont-ils pas dérouté les convois de déportés ? Pourquoi les policiers ont-ils exécuté des ordres aussi monstrueux ? Naïveté, sans aucun doute, que de poser ces questions, car elles vont dans le même sens que celles qui concernent le silence entretenu sur la déportation par tous les pouvoirs depuis la fin du conflit avec l'Allemagne nazie. Il aura fallu attendre l'élection de Jacques Chirac à la présidence de la République pour que la vérité soit dite sur le rôle de l'administration.
Depuis le 16 juin 2005, la préfecture de police de Paris a ouvert ses archives. Nous nous réjouissons de cette initiative qui fait suite à la promesse du président Chirac. Enfin sont dévoilés les documents relatifs aux arrestations et à la spoliation des juifs.
Par ailleurs, les jeunes policiers nouvellement affectés à Paris effectueront désormais une visite au mémorial de la Shoah. Voilà une autre démarche bienvenue, mais pourquoi avoir attendu soixante ans ?
Puisse mon modeste travail contribuer à la découverte de la vérité.
Raphaël Delpard
Présentation de l'éditeur:Certes, face au gouvernement de Vichy, antijuif, xénophobe et raciste, la marge de manœuvre de la police française était réduite. Il n'empêche : comment des milliers de policiers ont-ils pu arrêter tant de gens sans défense et les accompagner jusqu'aux trains de la déportation sans jamais s'opposer aux ordres ? L'enquête de Raphaël Delpard va au-delà de la simple accusation. Elle montre comment, dans une société déboussolée par l'arrivée du communisme, des mouvements factieux ont profité de l'ambiance délétère pour imposer le régime inhumain présidé par Pétain et Laval. Des sources peu connues, des révélations (notamment sur une abominable exaction de René Bousquet concernant mille enfants juifs), une étude approfondie de toutes les facettes de ce drame : cet ouvrage est indispensable pour comprendre ce qu'était la France divisée durant la Seconde Guerre mondiale et se forger une opinion.
Table des matières
1 - Etat des lieux d'une France en plein bouleversement.
2 - Une société à la dérive.
3 - La Cagoule.
4 - La Milice.
5 - La terreur.
6 - La police.
7 - Les lois antijuives de Vichy.
8 - Les rafles.
9 - Les préparatifs des rafles du Vélodrome d'Hiver.
10 - Les jours de la honte.
11 - Les lieux d'internement.
12 - La déportation des enfants.
13 - Une police fasciste.
14 - Le sursaut républicain de la police.
15 - Les responsables.
16 - Pétain et la déportation des Juifs.
17 - Les réactions des Français et de quelques autres.
18 - Des nations protègent leurs juifs.
Francis Deleu | Editeur : Michel Lafon Date edition : 2006 ISBN ou ref : 2-7499-0394-7 Support : livre Genre : étude historique Période concernée : de 1939 à 1945 Région concernée : Ouest Europe Proposé par Francis Deleu le mercredi 09 janvier 2008 à 12h48
Dernière contribution le samedi 22 décembre 2012 à 20h17
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