Ce livre, accueilli comme il se doit, permet de revenir sur la politique de discrimination effectuée par les autorités fascistes à l'encontre des juifs en Italie mais aussi dans les territoires occupés par l'armée italienne, avant et pendant la deuxième guerre mondiale. Les motivations et l'ambiguité de cette politique nous sont parfaitement montrées tout au long de cette étude. Longtemps, on a pu croire -moi le premier- que l'apparition des lois "sur la race" promulguées en 1938 n'étaient que de pâles copies de l'allié germanique et avaient été largement influencées par lui. On a cru que ces lois n'avaient été appliquées qu'avec le plus grand laxisme. Or il n'en fut rien. L'auteur nous montre combien ces lois furent dures et disciminatoires, avec une hiérarchie bien précise et une singularité toute "italienne", car ces juifs conservaient leur nationalité. Ce détail est important car il motiva la protection des juifs italiens contre les déportations et les persécutions nazies (le Duce voulait "discriminer" et non pas "persécuter"), protection étendue aux juifs étrangers des territoires occupés entre 1941 et 1943 notamment dans les Balkans et en France. Marie-Anne Matard-Bonucci oriente son étude sur l'opportunisme de Mussolini, qui trouva un nouveau "cheval de bataille" dans la "protection de la race" à un moment où le fascisme semblait s'essouffler, influencé par des antisémites fanatiques tels Julius Evola ou Telesio Interlandi, entre autres. L'attitude quasi schizophrène de Mussolini, qui encensait les juifs un jour et les dénigrait le lendemain, qui signe un décret ordonnant la "livraison" de juifs dalmates puis autorise leur protection peu après, est symptomatique.
Il y a de nombreux autres points cruciaux qui sont abordés. Un ouvrage passionnant, dans tous les cas.