Bonjour,
Comme Francis Deleu en a manifesté le souhait, je relance dans ce fil consacré à l'étude de Jean-Paul Cointet une discussion menée en privé sur les Protocoles dits de Paris.
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Selon l'auteur de cette "Histoire de Vichy", deux thèses - d'ailleurs non exclusives - peuvent expliquer la non-application finale des Protocoles signés à Paris les 27 et 28 mai 1941qui devaient formaliser la rencontre de Bertechsgaden entre Darlan (accompagné de Benoist-Méchin) et Hitler du 11 mai 1941et Darlan et Ribbentrop.
Selon Cointet, "A lire les compte-rendus qui ont été faits de ces entrevues, on est frappé du décalage entre l'allant et les espérances de Darlan et le réalisme détaché de Hitler". L'amiral parle de la "nécessité historique inéluctable" de la collaboration et demande en compensation de cet engagement militaire français les moyens de renforcer l'armée de l'Empire. Selon l'historien, "En retour, Hitler s'est lancé dans sa diatribe favorite et obsessionnelle sur les responsabilités de l'Angleterre et de la France dans la guerre et sur sa certitude de la victoire finale de l'Allemagne (...)".
Et d'exposer les deux thèses :
La première retient le refus violent de Weygand - qui commande en chef en Afrique du Nord - de s'associer à une politique de collaboration militaire avec le Reich comme l'élément de "non-exécution finale des Protocoles." Weygand proposa de dresser une liste de points de compensation tellement inacceptables pour les Allemands que les accords ne seraient jamais appliqués. C'est Benoist-Méchin qui remit une liste d'exigences à Abetz qui en savait déjà le contenu par Darlan.
La seconde thèse rapportée par Cointet affirme que depuis l'attaque des Anglais et des Français libres en Syrie et la défaite des vichystes, les Allemands n'ont plus l'espoir de soutenir la révolte d'Ali Rachid en Irak. Et puis surtout, Hitler, tout à la préparation de l'attaque contre l'URSS, n'avait pas l'intention de s'intéresser davantage aux aspects militaires et à la contrepartie politique des Protocoles.
Selon Cointet : "Il semble acquis que les Protocoles de Paris aient été conçus hors l'impulsion personnelle de Hitler, à l'initiative d'Abetz, de Darlan et du général von Warlimont (...) Peu intéressé par les aspects militaires des protocoles, Hitler était encore moins favorable au principe de contreparties politiques annexé à ceux-ci. A ses yeux, les Français avaient à faire leurs preuves avant de pouvoir espérer la moindre contrepartie." (p.197)
Cointet revient à plusieurs reprises dans ce chapitre sur le fait que Hitler n'aurait jamais été intéressé par une réelle collaboration politico-militaire de Vichy avec le Reich. Seule la collaboration économique - entendre la mise en coupe réglée des ressources de la France - nécessaire à l'Allemagne en guerre, lui était utile.
Bien cordialement,
René Claude |