Bonsoir,
La neutralité belge, souvent méconnue ou ignorée, mérite quelques éclaircissements. Sans vouloir tracer toute la genèse de la Belgique, rappelons-en quelques lignes directrices et posons quelques points de repères indispensables à la compréhension des évènements ultérieurs.
Le territoire belge, champs de bataille depuis des siècles, occupé, au gré des guerres, des alliances et des traités par tout ce que l'Europe a compté de nations belliqueuses et conquérantes, se révolte contre le dernier occupant: les Pays-Bas.
Nous sommes en 1830. La Belgique voit le jour. Née d'une révolution, elle devient nation indépendante. Certains diront un Etat artificiel, d'autres un Etat tampon entre les grandes puissantes...peu importe…un Etat indépendant de toute manière. Au préalable ce nouvel Etat est porté sur les fonds baptismaux par les puissances européennes. L'Angleterre et l'Allemagne, se souvenant de Napoléon Bonaparte, en sont les plus chauds partisans. Ils voyaient ce nouvel Etat comme une garantie de l'équilibre européen. La France emmenée par Talleyrand traîna des pieds. Animée de projets d'expansion, elle préférait un partage plus ou moins équitable du territoire convoité. Elle céda rapidement et finalement se rangea à l'avis de tous. La Conférence de Londres consacra finalement l'Etat belge.
Sans entrer dans les détails, la Conférence de Londres reconnaît l'existence de la Belgique indépendante et souveraine. Ajoutons un autre repère essentiel: la Belgique est proclamée "perpétuellement NEUTRE sous la garantie des puissances".
Retenons bien ces deux points! Quitte à nous répéter: Une Belgique INDEPENDANTE et SOUVERAINE d'une part; une Belgique tenue à une stricte NEUTRALITE d'autre part. Les nations européennes s'en portant solennellement GARANT.
Le gouvernement belge s'y conforma strictement tout au long de son histoire. Il faut donc bien en saisir le sens pour mieux comprendre la position de la Belgique tant en 1914 qu'en 1939/40. Il lui est tout simplement interdit de prendre position en faveur de l'un, plutôt qu'en faveur de l'autre. La France d'un côté, l'Allemagne de l'autre l'ont souvent rappelé en fonction de leurs intérêts militaires réciproques et contradictoires. Comme, par ailleurs, ils ont souvent feint de l'ignorer pour les mêmes raisons. Pour enfin mieux le lui reprocher par la suite.
En 1870 (guerre franco-allemande), la Belgique réussit à conserver son statut de neutralité. Léopold II mobilise cependant 800.000 hommes le long de la frontière française pour défendre l'intégrité du territoire. La Belgique ne prend aucune position officielle dans ce conflit malgré les craintes suscitées par la découverte d'un plan secret d'annexion de la Belgique et du Luxembourg par les troupes de Napoléon III.
1914. Après Sarajevo, la Belgique estime devoir rester en dehors d'un conflit imminent qui ne la concerne pas et dans lequel elle n'a aucun intérêt. Neutralité ne veut cependant pas dire pacifisme! Lorsqu'il fut clair que la guerre était devenue une réalité incontournable, le gouvernement proclame la mobilisation partielle et suite à l'ultimatum allemand adressé à la France et à la Russie, la mobilisation générale. Aussi bien le Roi Albert, le gouvernement, l'Eglise et tous les partis politiques lancent de pressants appels pour éviter le pire.
L'ultimatum du 2 août 1914, par lequel l'Allemagne exige le libre passage de ses troupes à travers le territoire belge pour contrer une prétendue invasion française, est rejeté unanimement par le gouvernement belge indigné qui décide d'utiliser tous les moyens qui étaient en son pouvoir afin d'empêcher toute atteinte à ses droits.
Que les lecteurs me pardonnent tous ces détails; ils leur sont proposés pour expliquer d'une part que la Belgique est ombrageuse lorsque son indépendance et sa neutralité sont mis en cause et, d'autre part qu'elle défendra vigoureusement ce deux principes acquis ou imposés en 1830.
Dans ce contexte, l'invasion du 4 août 1914 est à considérer non pas, de prime abord, comme l'entrée en guerre de la Belgique mais avant tout comme une violation flagrante de sa neutralité. Et…dans le cadre de la Conférence de Londres…un casus belli pour l'Angleterre et la France garante. Et c'est dans ce cadre là que la Belgique décide de faire appel aux garanties britanniques, françaises et russes pour faire respecter sa neutralité.
Le tribut payé par la Belgique dans cette guerre qu'elle ne souhaitait pas fut très lourd, on le sait. On n'insistera jamais assez que de tous les pays belligérants, la Belgique fut le seul pays à être occupé quasi intégralement pendant toute la durée du conflit. Cette occupation fut atroce. Le sort des soldats belges, sur le front de l'Yser, fut des plus misérables sans arrière-pays, coupés de leurs familles. Même les permissions devenaient corvée. Où aller avec une maigre solde?
Entrée en guerre contre l'Allemagne, aux côtés de ses autres garants, la Belgique était affranchie, de facto, de son devoir de neutralité et des obligations de réserve qui en découlaient. Elle fut partie prenante au Traité de Versailles et s'acquitte de toutes ses obligations. Elle se comporte notamment en fidèle alliée de la France. En 1923, elle soutient la France dans la difficile occupation de la Rhénanie, elle signe le Traité de Locarno, etc…
Mais la Belgique n'obtient rien en échange. La prolongation de la ligne Maginot lui est refusée. Sans être stratège, on comprend immédiatement qu'une agression allemande contre la France contournerait la ligne Maginot en passant par le territoire belge. On sait que Pétain, alors ministre de la guerre, aurait déclaré qu'il se réservait la Belgique comme terrain de manoeuvre.
Ensuite que restait-il d'autorité à la SDN (Société des Nations)? Le 20 octobre 1935, l'Italie avait envahi l'Ethiopie ne suscitant que quelques sanctions économiques, rapidement abandonnées.
Que restait-il du Pacte de Locarno? Le 7 mars 1936, les troupes d'Hitler envahissent la Rhénanie sans susciter la moindre riposte des alliés si ce n'est verbale et sans lendemain.
Sur le plan économique et la crise aidant, les frontières dressent autour de la Belgique des murailles douanières de plus en plus impénétrables. Or ces mesures frappent durement la Belgique, petit pays qui, sans grandes ressources propres et par sa position géographique ne peut vivre que dans la liberté des échanges commerciaux.
En 1936, la Belgique opta à nouveau "formellement" pour une politique dite de mains libres ou d'indépendance exclusivement et intégralement belge. Cette position bénéficia en 1937 de la garantie de Londres, Paris et Berlin. Lorsque les bruits de bottes se firent à nouveau entendre, le gouvernement belge décida d'un effort militaire accru…non pour préparer une guerre à la suite d'une coalition mais d'écarter la guerre de son territoire.
Pftttt Suite au prochain numéro!
Bien cordialement,
Francis. |