... furent, quoiqu'on pense de ces deux hommes d'état, désireux d'éviter à l'avenir tout nouvel embrasement meurtrier entre la France et l'Allemagne. Bien sûr, on peut penser qu'en 1958-60, les foyers de tensions s'étaient déplacés sur l'axe Est/Ouest et que les Européens n'avaient plus vraiment leur mot à dire; il n'empêche, ces deux chefs d'état connaissaient trop bien le siècle écoulé et l'épouvantable gâchis humain causé par ses guerres pour tout mettre en oeuvre afin d'instaurer des relations pacifiques entre les ex-ennemis héréditaires.
Je ne sais pas pour Adenauer, mais Charles de Gaulle a connu le feu en 1914 avant d'être blessé et capturé par les Allemands. Durant les longs mois d'internement, entrecoupés de tentatives d'évasion, il a eu le temps de méditer sur les raisons et les conditions du carnage. En 1916, à Verdun, il était clair que les deux camps étaient parvenus à un degré de développement industriel et technologique à peu près équivalent: ils n'avaient ni l'un ni l'autre les moyens de percer le front et de faire la différence : c'est avec le sang des hommes du front que la note fut réglée par les généraux stimulés par les responsables politiques. L'arrivée des Américains au front en 18 et les attaques de chars ont bien montré que c'était celui qui disposerait à l'avenir des inventions technologiques et surtout des hommes motivés pour les appliquer qui serait le gagnant. Mai-juin 1940 fut la matérialisation dramatique de cette prédiction sensée.
Pierre Miquel parle d'une "guerre de trente ans"; Livres de Guerre va plus loin, car nous proposons d'élargir le débat à un siècle de guerres : chacun des conflits fut porteur du suivant et c'est l'irruption décisive de la puissance de destruction atomique qui balaya certaines stratégies devenues obsolètes, du moins en ce qui concerne les conflits à l'échelle mondiale... Une chose reste : la capacité d'anéantir les hommes de façon méthodique et industrielle inaugurée dans les tranchées de 14-18...
Bien à vous,
&
Amicalement.
René Claude |