*** Rudolf Rahn est très brun. On dirait un Tzigane. Lourds sourcils et regard noir. Une tête d'opiomane ou de contrebandier sarde. Il aurait cent trois ans aujourd'hui.
De santé délicate, Rudolf est souvent fatigué et morose. Il rêve. Il se dit que le monde est trop petit pour lui. Il va le parcourir. Il s'intéresse déjà à l'islam et à la civilisation française. Jeune homme, la diplomatie l'attire. On peut y exceller lorsqu'on a été un garçon imaginatif et souffreteux, qui voulait élargir les frontières d'un monde étriqué et provincial. Au ministère des Affaires étrangères à Berlin, il s'ennuie. Chez lui, c'est plus qu'une habitude, une disposition de l'âme. C'est un personnage triste de l'Allemagne d'après guerre, celle d'après le traité de Versailles et d'avant la revanche.
Sa carrière commence vraiment à Constantinople, en 1931. "La Sublime Porte" sera pour lui celle de la vie. Lorsqu'il rentre à Berlin en 1934, les nazis ont pris le pouvoir. Tout un peuple est en marche. Rahn n'est pas un exalté. Il feint de croire à un national socialisme tempéré. Il a peur d'être mal noté, mal vu, d'être chassé. Il va se fondre dans la masse. Il fera le salut nazi, claquera des talons et récitera des credos auxquels il ne croit qu'à moitié. ***
Etrange rencontre au détour au détour de la page 153. Je pose un livre (un diplomate dans la tourmente), j’en reprends un autre au hasard dans la pile (Villa Jasmin)... et je retrouve les mêmes personnages.
Pas de doute, Moati a lu ce même livre et s’est inspiré de quelques passages.
A suivre ...
Jacques |