Bonjour,
Concernant les responsabilités - éventuelles - de la 3e République dans l'instauration du régime de Vichy / Etat français, je trouve que Jean-Paul Cointet dans son "Histoire de Vichy" résume bien les deux questions essentielles à partir de son premier constat :
"Qui plus est, cette rupture d'autorité paraît s'accomplir dans le cadre d'une DEVOLUTION légale du pouvoir républicain avec la participation active des représentants élus de la nation." (p.22)
Alors, (se) demande le chercheur, " Y a-t-il eu abdication par étapes d'une République affaiblie, devenue insoucieuse de principe ? A-t-elle connu au contraire, insidieusement, une infiltration par des éléments antirépublicains finissant par la faire tomber de l'intérieur ? dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, à quand remonte soit cette déliquescence, soit cette pénétration ?"
(p. 23-24, "Histoire de Vichy", Perrin/coll. Tempus 1996 et 2003 pour l'édition de poche.)
Et, plus bas :
" Dans l'un et l'autre cas, le rôle de la défaite se trouverait situé à sa vraie place : celle d'un simple facteur déclenchant, révélateur d'une crise profonde (et ancienne ?) du "modèle" républicain, plus encore que déclic d'un drame brutal. Vichy préexiste-t-il à Vichy ? Est-ce une forme de République abâtardie qui s'établit dans la capitale thermale en juillet 1940 ? faut-il voir, au contraire, dans le régime qui s'installe à partir du 10 juillet la concrétisation d'un processus de pénétration insidieuse d'acteurs déterminés et attachés à un projet de subversion des mœurs républicaines ?"
Note :
L'historien précise utilement que "le débat historiographique est lui-même marqué par l'ordonnance signée à Alger le 21 avril 1944 par le général De Gaulle et dont la portée ne nous semble pas avoir été suffisamment perçue. Elle proclamait l'inégibilité, notamment, des membres ou anciens membres des "prétendus gouvernements ayant leur siège dans la métropole depuis le 17 juin 1940". Il en résulterait à la fois que le "gouvernement" de Londres (puis d'Alger) avait maintenu la République et que Vichy avait bel et bien rompu avec ses principes. Mais on doit remarquer que la date retenue - celle de l'après-16 juin 1940 - est celle de la chute, non du dernier gouvernement de la IIIe République mais de l'avant-dernier, le maréchal Pétain ayant succédé à Paul Reynaud dans les plus pures formes du régime pour devenir le dernier président du Conseil de ladite Troisième..."
Note 2 :
Si "Dévolution" doit être pris ici dans le sens qui est "l'attribution d'un droit d'une personne à une autre", je le lis aussi comme pouvant définir le type de régime que fut Vichy par rapport à la République : nulle évolution bien sûr, encore moins de révolution, malgré le discours officiel, mais bien une réelle "Dé-volution", une régression socio-politique en même temps que la dévaluation des acquis de la Révolution française par les acteurs d'un régime autoritaire, raciste et rétrograde - "Travail, famille, patrie" - mis en place à travers un ultime processus républicain en juillet 40.
Pourrait-on aller jusqu'à dire que l'Etat français de Vichy fut une "Dévolution" généralisée... ?
Bien cordialement,
René Claude |