Ce qui est stupéfiant en ce qui concerne les relations amicales poursuivies, entretenues, choyées par François Mitterrand durant plus de 40 ans avec certains des hauts fonctionnaires vichystes les plus compromis pour avoir ordonné des actions qui relèvent des définitions de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, c'est l'étonnant manque de curiosité généralisée chez ses grands "intellectuels de Cour" sur les fidélités présidentielles aux anciens de Vichy : de Jacques Attali - qui admit avoir mangé à la même table que Bousquet en 1975 - à Regis Debray ou Max Gallo ou Guimard ou Giesbert ou... ou...ils n'ont pas voulu chercher ou alors, informés, ils ont préféré détourner les yeux et fermer leur conscience au nom de la cause socialiste , de la raison d'Etat, de la France, de la cohésion nationale, de tout ce qu'on voudra...

Car, ainsi que Benamou le dit :
"On apprend avec les travaux de Paxton et Klarsfeld que le plus criminel des Vichy n'était pas celui que l'on croyait. Pas le Vichy maréchaliste, antisémite et maurrassien des débuts; ni même le dernier Vichy, ouvertement pronazi avec Déat, Doriot et Darnand. L'histoire officielle a occulté cela : Joseph Darnand, si furieusement sanguinaire et antisémite, avait été moins déporteur que René Bousquet, cet assassin de l'âge industriel. (...) Par son implication dans les accords Oberg, par sa volonté d'être souverain sur sa police qui effectua elle-même des rafles, BOUSQUET a commis plus que "fautes qui ont entraîné des crimes". Il a commis des crimes, des crimes contre l'humanité..."
(note : ce "des fautes qui ont entraîné des crimes" était l'une des expressions de F. Mitterrand qui tentait toujours d'atténuer le rôle de son vieil ami, ce jeune et brillant radical-socialiste d'avant-guerre, dans le processus de la déportation.)

Entre 1965 et 1981-88, si aucun des favoris du futur Président n'a posé cette vérité historique sur la table afin de demander une explication, chose plus étonnante, ses ennemis politiques, dont certains connaissaient - pour en avoir été - ce passé commun" vichyste, n'ont pas utilisé la francisque ou Bousquet contre le candidat Mitterrand.
Il était donc bien emblématique d'une caste politicienne ambitieuse qui avait su habilement utiliser à plein la débâcle de mai et juin 40, la mise à mort de la République et l'instauration d'un Etat français, tremplin leur permettant de se (re)mettre en selle pour de nouveaux tours de piste, et cela en quelques mois, à l'aide de quelques lettres d'introduction bien ciblées dans les hôtels de la ville d'eau... Et certains tournèrent sans faiblir jusque dans les dernières années du règne de celui qui les avait protégés, ce vrai nostalgique de Vichy qui sut leur être fidèle : ils pouvaient respirer, chez l'Oréal ou ailleurs, ces derniers vieillards qui avaient pris part, dès juillet 1940, au processus politique, administratif et policier qui conduisait les juifs de France à Drancy puis à la mort .
Bien sûr, ils se défendaient toujours d'être des ultras, des fascistes, des antisémites, comme les affreux de Paris, ces infréquentables si pratiques pour focaliser la mémoire et même le travail des chercheurs jusqu'à Paxton...

Mais un fait reste, implacable :
René Bousquet a fait tuer plus de gens que Darnand.