1938 novembre. - Nuit de Cristal. Les démocraties: cris d’horreur mais inaction - Cinquante idées reçues sur la Shoah - Tome I - forum "Livres de guerre"
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Cinquante idées reçues sur la Shoah - Tome I / Marc-André Charguéraud

 

1938 novembre. - Nuit de Cristal. Les démocraties: cris d’horreur mais inaction de Francis Deleu le dimanche 03 mars 2019 à 18h32

Bonsoir,

Marc-André Charguéraud, qui nous confie une nouvel article, précise que le sujet est connu, par contre le public ne se rend pas compte de la lâcheté condamnable des démocraties occidentales.
L’Occident, précise-t-il, assiste à un gigantesque pogrom meurtrier. Les nazis annonce qu’il ne s’agit que d’un début. La réponse des démocraties est d’un pusillanime, déconcertante même lâche. Ils dénoncent mais se retranchent derrière leur sacro-sainte politique d’apaisement pour ne rien entreprendre.

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1938 novembre. - Nuit de Cristal. Les démocraties : cris d’horreur mais inaction.
En quelques heures 190 synagogues sont démolies, incendiées pour la plupart, 7.000 magasins et entreprises juives sont détruites, pillées, 30.000 Juifs dont 8.000 Autrichiens sont arrêtés et internés dans des camps de concentration. Un pogrome gigantesque fait une centaine de morts et des milliers de blessés. En quelques heures, dans toutes les grandes villes d’Allemagne et d’Autriche la terreur s’est déchaînée. Les portes de leur logis arrachées par des fanatiques, les Juifs sont traînés dans la rue, les hommes molestés, des femmes violées. Dans la seule nuit du mercredi 9 au jeudi 10 novembre 1938, le sort des Juifs allemands bascule de l’arbitraire dans la barbarie la plus infâme.

« Les Juifs doivent être expulsés de nos principaux quartiers résidentiels et rassemblés à part (...) isolés, ces parasites seront (...) réduits à la misère (...). Mais que l’on espère que nous resterons là, inactifs à attendre (...). Les Allemands ne sont pas le moins du monde enclins à accepter dans leur pays des centaines de milliers de criminels (...) qui désirent se venger (...). Trois cent mille Juifs dans la misère ne seront qu’un foyer fertile pour le bolchevisme (...) En face d’une telle situation nous serons dans la nécessité d’exterminer cette pègre juive en appliquant les lois et ordres de notre gouvernement qui prévoit l’extermination de tous les criminels par le feu et le glaive. Le résultat sera la fin définitive du judaïsme en Allemagne, son extermination. »[1]

Cette déclaration résume une réunion tenue par Reinhart Heydrich, chef de la Gestapo, et fut publiée le 22 novembre 1938 dans le Schwarze Korps, l’organe des SS. Elle fut reprise en première page du Times Magazine aux Etats-Unis. L’hebdomadaire conclut que c’est ce qui arriverait si les démocraties n’évacuaient pas à leurs frais et immédiatement les Juifs allemands. [2] De son côté, commentant le même texte, le Daily Telegraph anglais titre : « Menace de tuer tous les Juifs, les USA et l’Angleterre sont prévenus. »[3]

Répondant à Times Magazine et au Daily Telegraph, le célèbre Manchester Guardian écrit le 29 novembre 1938 : « A ces menaces qui sont sérieuses, il n’y a qu’une réponse : les Juifs d’Allemagne doivent être secourus immédiatement. Un faible courant d’émigrants utilisant les possibilités limitées actuelles ne constitue pas une solution à ce défi lancé au monde pour sauver des innocents sans défense... Si les gouvernements se considèrent comme les exécuteurs de la conscience de leur peuple, ils montreront une plus grande énergie et aideront plus qu’ils ne le font actuellement tous les Juifs qui essaient de s’échapper d’un pays dont les dirigeants ont décidé leur extermination. » [4] La position du Daily Telegraph reflète parfaitement l’émotion du public anglais après la Nuit de Cristal.

Les gouvernements sont alertés mais aucun ne déploie une plus grande énergie pour venir au secours des Juifs. Chaque pays invoque des raisons qui ne sont que des prétextes méprisables pour justifier son inaction. Le 16 novembre 1938, le journal Politiken de Copenhague s’insurge contre le pogrome, mais conclut : « L’Europe est submergée de réfugiés, mais il doit bien exister une place pour eux dans d’autres parties du monde. » [5] L’ambassadeur américain à Stockholm note, le 18 novembre 1938, que « quelle que soit la sympathie que l’on éprouve pour les Juifs, il est manifeste que personne ne veut créer un problème juif en Suède en préconisant une admission libérale des réfugiés juifs. »[6] Reçus le 7 décembre 1938 par Lord Winterton représentant le Home Office britannique, le Conseil Juif demande une participation aux coûts pour l’installation de camps de réfugiés. La réponse est symptomatique. Il ne faut pas compter sur l’assistance financière du gouvernement, car « toute utilisation de fonds publics pour les réfugiés servirait non seulement à encourager les nazis à expulser leurs Juifs, mais serait utilisée dans le même sens par les autres gouvernements désirant bannir leurs propres Juifs. »[7]

La veulerie et l’hypocrisie se disputent la scène. Les dirigeants politiques des deux côtés de la Manche veulent éviter le moindre incident qui pourrait jeter une ombre sur les relations avec le Reich et risquerait de nuire aux Juifs allemands. « La diplomatie anglaise cherche à freiner tout ce qui peut compromettre la politique de rapprochement germano-britannique. Cinq jours plus tard (après la Nuit de Cristal), l’ambassadeur anglais fait savoir à son collègue américain à Berlin qu’il est d’accord avec lui pour penser qu’une intervention ferait plus de mal que de bien. » [8] Pour d’autres raisons, Sir Georges Ogilvie Forbes, chargé d’affaires britannique à Berlin, arrive à la même conclusion lorsqu’il écrit : « Je ne trouve pas de mots suffisamment forts pour condamner la façon révoltante de traiter tant d’innocents. Le monde civilisé se trouve dans la perspective effroyable d’assister à la lente agonie de 500.000 personnes qui mourront dans la misère la plus complète. Je pense néanmoins que les condamnations et les blâmes, qui ne sauraient être évités, devraient être tempérés par égard pour les malheureux Juifs qui auront à en supporter les conséquences et dont les souffrances s’en trouveront accrues. » [9] Laissez les Juifs martyrisés sans secours !

Dans le Temps de Paris, daté du 16 novembre 1938, l’éditorialiste écrit : « Les réactions provoquées surtout dans les pays anglo-saxons menacent de créer une atmosphère peu favorable à la politique d’entente que l’on pourrait envisager avec quelque confiance après les accords de Munich. » [10] Georges Bonnet et Joachim von Ribbentrop, les ministres des Affaires Etrangères de France et d’Allemagne, se rencontreront le 6 décembre 1938 pour signer un pacte d’amitié reconnaissant les frontières des deux pays ! Le grand rabbin de Paris, Julien Weill, dans le Matin du 19 novembre, justifiera son attitude passive au nom d’une paix fragile : « Le problème juif vient, ces derniers temps, de prendre une ampleur telle qu’il ne saurait être résolu par les organisations internationales. Je crois, à ce propos, que la solution qu’il réclame dépend davantage de l’Amérique et de l’Angleterre que de la France, qui a déjà fait à cet égard plus qu’aucun autre pays du monde et ne peut de toute évidence accueillir de nouveaux immigrants... Il ne nous appartient pas de prendre en ce moment une initiative qui pourrait entraver en quoi que ce soit les tentatives actuellement en cours pour un rapprochement franco-allemand. »[11]

« Les Juifs ne sont pas les seuls à pousser des cris d’indignation. Tous les milieux et toutes les classes en font autant avec la même intensité, y compris les milieux germano-américains », dit un message de Hans Dieckhoff, ambassadeur du Reich à Washington. [12] Un télégramme envoyé par 36 écrivains américains illustre cet état d’esprit : « Nous estimons que nous ne pouvons rester silencieux. Il y a trente-cinq ans une Amérique horrifiée protesta contre le pogrome de Kishinev en Russie tsariste. Que le Seigneur nous vienne en aide si nous sommes incapables de protester aujourd’hui contre le pogrome allemand. » [13] La presse américaine réagit violemment aux exactions allemandes. Mais ces condamnations ne modifièrent en aucune façon l’attitude du gouvernement américain concernant l’immigration des réfugiés.

Thomas E. Dewey, qui deviendra gouverneur de l’état de New-York et candidat à la Maison Blanche, s’écrie à la radio le soir du vendredi 11 novembre 1938 : « Le monde civilisé se lève, unanime, révolté par ce pogrom sanglant contre des gens sans défense. Du plus profond de nous s’élèvent des cris de protestation contre les horreurs qui se sont produites depuis cinq ans en Allemagne et qui viennent depuis deux jours d’atteindre de nouveaux degrés de délire organisé...» [14] Au même moment, un réfugié d’Allemagne écrit à un correspondant américain : « Ne vous trompez pas de propagande ! Dites bien là-bas que les beaux discours dans les meetings n’ont aucune efficacité. L’argent lui non plus ne sert pas à grand-chose. Aidez-nous à ouvrir les frontières pour que les gens puissent quitter le pays des assassins, sinon ils sont tous perdus. Encore un petit événement, et tous seront fusillés. »[15]

Si Roosevelt se joint au concert des protestations, les mesures qu’il prend ne sont pas à la hauteur de la situation. Il rappelle son ambassadeur à Berlin pour consultations à Washington, mais ne rompt pas les relations diplomatiques. Lors d’une conférence de presse le 15 novembre 1938, le Président répète qu’il ne peut prendre aucune mesure pour aider l’immigration des Juifs allemands : « Ce n’est pas envisageable, nous avons le système des quotas. »[16]

Le General Jewish Council, qui réunit les quatre plus grandes organisations juives américaines, dans sa réunion du 13 novembre 1938, décide de son côté d’adopter une attitude passive : « Dans les conditions présentes le General Jewish Council demande qu’il n’y ait pas de parades, pas de démonstrations publiques et pas de protestations juives. » [17] La communauté juive américaine veut éviter que de telles protestations ne déclenchent des représailles contre les Juifs allemands et qu’aux Etats-Unis mêmes, elles n’exacerbent des sentiments antisémites toujours présents. Seul le Comité du Peuple, une organisation communiste juive, réunira 20.000 personnes à Madison Square Garden pour manifester contre le pogrom de la Nuit de Cristal.


[1] Schwarze Korps, organe des SS, daté du 22 novembre 1938 cité par Richard Breitman - The Architect of Genocide : Himmler and the Final Solution - Brandeis University Press - Hanover and London 1991 p. 58

[2] Times Magazine daté du 23 novembre 1938 cité par Haskel Lookstein - Op. Cit. p. 38

[3] Andrew Sharf - Op.Cit. p 97 citant le Daily Telegraph

[4] Manchester Guardian daté du 29 novembre 1938 cité par Andrew Sharf - Op. Cit. p. 173

[5] « Politiken » de Copenhague daté du 16 novembre 1938 cité par Rita Thalmann et Emmanuel Feinermann - Op. Cit. p. 200

[6] Commentaires de l’Ambassadeur Américain à Stochholm le 18 novembre 1938 cité par Rita Thalmann eet Emmanuel Feinermann - Op. Cit. p 201

[7] Déclaration de Lord Winterton du 7 décembre 1938 cité par Ari Johsua Sherman - Op. Cit. p. 196

[8] Rita Thalmann et Emmanuel Feinermann - Op. Cit. p. 206

[9] Télégramme de Sir Georges Ogilvie-Forbes, chargé d’affaire britannique à Berlin à Lord Halifax le 13 novembre 1938 cité par Eliahu Ben Elissar - Op. Cit. p. 349

[10] Article du « Temps » de Paris daté du 16 novembre 1938 cité par Rita Thalamann et Emmanuel Feinermann - Op. Cit. p. 220

[11] Article du Grand Rabbin de Paris, Julien Weill dans le «Matin » le 19 novembre 1938 cité par Rita Thalamann et Emmanuel Feinermann - Op. Cit p. 219

[12] Télégramme de Hans Diekhoff, ambassadeur allemand à Washington à Ribbentrop du 15 novembre 1938 cité par Eliahu Ben Elissar - Op. Cit. p. 354 citation

[13] Nora Levin - Op. Cit. p. 30 citant un télégramme de 36 écrivains américains à Roosevelt à la suite de la nuit de cristal.

[14] Thomas E. Dewey à la radio le 11 novembre 1938 cité par Haskel Lookstein - Op. Cit. p. 39 citation

[15] Kurt Pätzold et Irene Runge - Pogromnacht 1938 - Das Verbrechung an den Deutschen Juden - Berlin 1988 cité dans La Politique Nazie d’Extermination - Op. Cit. p. 201.

[16] Robert A. Devine - American Immigration Policy - 1936-1952 - Yale University Press - New Haven - 1957 - p. 97 citant Roosevelt sur la politique des quotas.

[17] Haskel Lookstein - Op. Cit. p.46 - Déclaration contre des manifestations antiboycott des quatre organisations juives américaines composant l’American Jewish Council qui sont : l’American Jewish Committee, l’American Jewish Congress, B’nai B’rith, le Jewish Labor Committee.


Copyright Marc-André Charguéraud. Genève. 2019. Reproduction autorisée sous réserve de mention de la source.

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