La localisation de l'émetteur polonais dans un fortin désaffecté à Saint-Ursanne vient des déclarations d'Appenzeller après la guerre (voir notamment CARAN 72AJ/52/II). On la retrouve également dans l'ouvrage de Garlinski (
The Swiss Corridor, p. 24-25). Mais
Etienne a là opéré une petite distorsion des faits – probablement volontairement.
L'émetteur-récepteur provient initialement d'une annexe de l'ambassade polonaise à Berne. Mais découvert par l'unité chargée de chasser les émetteurs clandestins (voir une
précédente contribution), le volumineux appareil a dû être déménagé en septembre 1942. A cette époque, Appenzeller et Denys Surdez, chef de l'antenne de Porrentruy du SR suisse, collaboraient activement sur la frontière. Il fut décidé que l'officier suisse dissimulerait l'émetteur-récepteur et son opérateur, Erwin Possan, en échange des informations qu'il permettait d'obtenir des réseaux contactés en Allemagne du Sud, Belgique, France et Pologne. Il fut ainsi amené aux Prailats, dans les Franches-Montagnes, à deux pas de la frontière, chez le frère de Surdez, Yves, qui était également son subordonné et supervisait les passages d'agents dans ce secteur.
En octobre 1943, nouveau déménagement. L'émetteur-récepteur et son opérateur sont installés au domicile du bras droit de Surdez, James Quartier-la-Tente à Saint-Ursanne - et non dans un fortin.
En 1944, le pot-aux-roses est découvert par le service de contre-espionnage et par le service de recherche des émetteurs clandestins. Pour faire court, Possan sera arrêté, puis expulsé après la guerre. De son côté, Surdez sera mis sur la touche, puis licencié.
La protection du SR s'est effacée comme par enchantement du moment qu'un service de répression avait découvert l'affaire. Possan ayant avoué travailler principalement pour les services polonais, les supérieurs de Surdez - le colonel Cuénoud en particulier - diront qu'ils ont été dupés, qu'ils pensaient que l'appareil travaillait uniquement pour le SR suisse.
La petite distorsion d'Etienne avait probablement pour but d'épargner ses camarades suisses et/ou de suggérer une implication plus grande de l'armée suisse.
Dans cette affaire, il reste à savoir qui a dupé qui... Je ne pense pas que Masson y soit pour quoi que ce soit.
(Ma principale source : AFS E27/10741)