Arrêt devant Dunkerque : Karl-Heinz Frieser se met à table ! - Site personnel de F. Delpla, Historien 1939-45 - forum "Livres de guerre"
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Edition du 22 juillet 2013 à 14h27

Site personnel de F. Delpla, Historien 1939-45 / François Delpla

 

Arrêt devant Dunkerque : Karl-Heinz Frieser se met à table ! de françois delpla le dimanche 21 juillet 2013 à 16h12

Lettre d’information du site de François Delpla, n° 94, 21 juillet 2013

Chers abonnés,

Mon livre La Ruse nazie , pilonné à la fin du siècle dernier, sera de nouveau disponible en 2014. Il comportera une mise à jour sous la forme d’une postface, développant notamment la présent note, mais le texte d’origine sera reproduit moyennant la correction de quelques coquilles, pour montrer ce qui, dès 1997, était disponible pour nourrir un débat, si faim il y avait eu.

Voici un an, un court article résumant mes recherches sur l’arrêt allemand devant Dunkerque, le 24 mai 1940, déclenchait enfin, sur de nombreux forums ou blogs d’histoire francophones, des discussions passionnées, qui se poursuivent encore. Voir ici : .

D’autre part, en janvier dernier, je constatais avec inquiétude que le quatre-vingtième anniversaire du régime nazi était commémoré seulement en Allemagne.

A présent, les deux séries se sont rejointes : le débat allemand sur le nazisme a engendré, pour la première fois, un débat sur l’arrêt devant Dunkerque, lors de son anniversaire… le soixante-treizième du nom : les temps ne mûrissent pas toujours en chiffres ronds !

La relecture, dans quelques années, de ces discussions commencées en juillet 2012 sera fort instructive.
Je ne connais pas d'autre débat où l'une des deux thèses en présence se réfugie autant dans les généralités, la théorie et la logique (ou ce que, des décennies plus tard, on estime logique), en négligeant l'observation du comportement des acteurs.

Les deux thèses sont les suivantes :

1) Hitler stoppe afin de laisser un petit délai aux Alliés pour agréer ses conditions de paix : telle est l'explication diplomatique apparue en 1991 sous la plume de John Costello et développée par moi, en rupture totale (il importe de le souligner, car la confusion est fréquente) avec une supputation peu rigoureuse (initiée par Basil Liddell Hart), selon laquelle Hitler stoppait pour laisser l'Angleterre rembarquer ses troupes afin de s'entendre avec elle PLUS TARD ;

2) l’arrêt procède d’une gerbe de préoccupations militaires, exprimées sur le moment par Hitler ; cette théorie n’est soutenue que par des considérations générales sur les difficultés concrètes des offensives blindées… sans rien de concret à l’appui.

Je plaide pour une histoire plus proche des documents. Ils montrent, tandis que l’infanterie allemande occupe lentement la Belgique, l’aile marchante opérant un encerclement d'une dimension inédite par l’Aisne, la Somme et la côte au nord d’Abbeville, en tirant pleinement parti de la révolution induite dans l'art militaire par la vitesse des chars. L'ennemi, qui est le plus fort sur le papier, est constamment bousculé dans ses velléités de réaction, l'assaillant n'ayant pas la courtoisie de le laisser déployer méthodiquement ses moyens.

Cependant, le 24 mai à 12h 30, l'avant-garde blindée fait preuve brusquement d’une telle courtoisie et laisse l'ennemi en déroute se ressaisir, mettre en défense le périmètre de Dunkerque et sécuriser un couloir d’évacuation vers ce port.

Aucun général allemand n'avait réclamé une telle pause. Un seul accepte de contresigner ce diktat, Gerd von Rundstedt, pendant deux jours. Il y trouve un profit immédiat (la récupération intégrale des dix divisions blindées que ses supérieurs venaient de lui retirer) et a sans doute noué avec Hitler, avant la campagne, une complicité de plusieurs mois (en général sous-estimée par l'historiographie, par exemple lorsqu'elle prétend que la Wehrmacht applique un "plan Manstein" -alors qu'il a été dressé par Hitler, Rundstedt et Guderian APRES la mutation dudit Manstein en Prusse-orientale).

Les seuls documents du 24 mai et des jours suivants qui vont dans le sens d'une explication militaire sont donc des déclarations de Hitler ou parfois de Göring, assénées à des généraux médusés : la crainte de perdre des chars dans des marais imaginaires, les combats de rues auxquels ils seraient impropres, l’étirement des lignes de ravitaillement, la crainte d’une contre-attaque de l’ennemi en déroute, un caprice de Göring soucieux de mettre ses avions en valeur, etc., - toutes considérations précisément absentes des documents militaires produits par les unités combattantes à tous les niveaux, dont un grand nombre ont été conservés et sont archivés à Fribourg.

Le livre de Karl-Heinz Frieser « La Légende de la guerre-éclair », achevé de rédiger (d’après sa bibliographie) en 1990, publié en Allemagne en 1995, traduit en français en 2003 (mais contesté dans la Ruse nazie dès 1997) prétendait éclipser les deux classiques signés d’Ellis (1954) et de Jacobsen (1958), rendus obsolètes par l’ouverture des archives mais recopiés avec confiance (et sans égards pour leurs béantes contradictions) par tous ceux qui avaient entretemps parlé de l’ordre d’arrêt. Tout en reproduisant certaines erreurs (comme l’affirmation que les blindés avaient déjà été arrêtés par Rundstedt le 23 mai), le colonel allemand affirme nettement que, le 24, il n’y a aucune raison militaire de suspendre l’offensive et avance une raison entièrement politique (esquissée déjà par Jacobsen au beau milieu de ses explications militaires diverses) : le souci de Hitler de montrer que c’est lui qui commande.

Dans son gros ouvrage, qui vaut surtout par la description des combats, Frieser ne dit rien du nazisme et ne souffle mot des ambitions du régime dans cette campagne. Prolongeant la sous-estimation de Hitler par les Allemands diplômés, à laquelle cet autodidacte devait une bonne part de ses triomphes, il le présente comme un caporal caractériel égaré au milieu de généraux compétents, qui ne savent par quel bout le prendre. S’il n’y a, dans tout son livre, pas un mot sur les objectifs de l’offensive, c’est qu’il donne (il n’est hélas pas le premier) dans l’erreur consistant à penser que Hitler, en agressant sauvagement la Pologne, s’imaginait que la France et l’Angleterre allaient s’abstenir de lui déclarer la guerre, et fut tout désemparé qu’elles le fassent. Donc, puisque il entre en guerre contre son gré, il est normal qu’il n’ait pas de but, d’autant plus que, autre thèse du livre, il ne croit pas possible une victoire rapide sur la France : elle lui est offerte sur un plateau par quelques officiers dynamiques. On ne saurait donc compter sur Frieser pour remarquer les offres « généreuses » faites en sous-main à Paris et à Londres à la veille de l’offensive (par Göring, recevant le 6 mai l’homme d’affaires suédois Dahlerus), et pour expliquer l’arrêt des blindés par le souci d’arrêter la guerre elle-même.

C’est alors que survient, en mai dernier, la bonne surprise du soixante-treizième anniversaire. La presse allemande débat enfin du Haltbefehl et consulte Frieser . Ce dernier dévoile à Die Welt, le 17 mai, son sentiment sur la thèse de Costello –certes d’une manière un peu indirecte :

« Hitler a déclaré plus tard qu’il avait intentionnellement laissé les Anglais s’échapper. Il n’aurait pu "se résoudre à anéantir une armée d’un aussi bon sang de race anglaise". Pourtant, pendant l’évacuation, il voulait avec des munitions sournoises faire un bain de sang parmi les Anglais. Du reste, aucun politicien allemand ne pouvait être assez fou pour laisser exprès s’échapper une armée anglaise qui dans une négociation constituait une aussi bonne monnaie d’échange. (…)Sans l’intervention de Hitler, une énorme catastrophe se serait produite dans l’histoire de la Grande-Bretagne. Presque toute l’armée de terre aurait été perdue. Cela aurait aussi signifié aussi la chute du gouvernement Churchill. Un nouveau gouvernement aurait cependant pu difficilement refuser une généreuse offre de paix de l’anglophile Hitler. »

Quel aveu ! Tout en s’obstinant à ne rien dire d’une offre allemande de paix blanche mise sur orbite avant l’ordre d’arrêt (une information pourtant esquissée dans Benoist-Méchin -1956- avant Costello -1991- ; et Frieser cite Benoist à d’autres propos), voilà que Frieser déclare que Hitler s’apprêtait à faire une telle offre après la capture de l’armée anglaise et que cette capture aurait provoqué la chute du gouvernement Churchill. C’est là reconnaître, on ne peut plus clairement (et contrairement à beaucoup d’historiens anciens ou actuels, tel Ian Kershaw), que l’orientation churchillienne de lutte à outrance contre le nazisme était encore bien mal assurée, et le courant appeaser en mesure, la déroute de l'armée française aidant, de renverser le premier ministre deux ou trois semaines après sa nomination.

Affirmer, cependant, que ce renversement était certain en cas de capture de son armée, tandis que si Hitler s’abstenait de couper la dernière issue, il laissait bêtement une chance au premier ministre de sauver son fauteuil, est une spéculation des plus hasardeuses, doublée d’un raisonnement a posteriori, bien peu historique. Le fait est que Hitler pouvait fermer le cercle, s’en rendait aussi bien compte que ses généraux, et choisit de ne pas le fermer. C’est ici qu’une réflexion sur le nazisme serait précieuse : il ne s’agit pas d’une anglophilie banale, mais d’une démente idéologie raciste, qui entend pérenniser pour mille ans la domination « aryenne », l’Angleterre régnant sur les races dites de couleur, l’Allemagne sur une Europe débarrassée des Juifs et, pour l’essentiel, des Slaves. La capture d’une armée destinée à faire marcher droit des milliards d’« inférieurs » pendant un millénaire n’était pas une mince responsabilité et on comprend que le prophète raciste ait hésité, préférant jouer la chance d’un « assagissement » de Londres avant d’en arriver là.

La vérité, c’est que Hitler maîtrise entièrement son affaire du 30 janvier 1933 au 10 mai 1940, et que l’arrivée de Churchill au pouvoir dérange définitivement ses plans, l’obligeant à des choix hasardeux pour la première fois, et définitivement.

En dehors de l’arrêt devant Dunkerque (qui fera l’objet d’un article de magazine avant la fin de l’année), le site s’est enrichi d’une recension du classique de Kershaw sur l’opinion en Bavière , publiée également par les Clionautes , d'un article de Marc-André Charguéraud sur le retard du Vatican à rompre avec l'antijudaïsme devant l'urgence hitlérienne , du signalement d'un cas de censure sur le site France-Israël et de quelques perles .

Le livre de janvier dernier sur la prise du pouvoir sera résumé en septembre prochain par un article dans une grande revue généraliste.

Au chapitre des rééditions, après Churchill et Hitler sorti comme prévu en juin chez Tempus, la dernière main a été mise à la parution de ma biographie de Hitler (1999), avec une longue préface et une bibliographie très étoffée, à paraître fin août chez Grand West, la collection de poche de Pascal Galodé . Il faut s’attendre également en 2014 à une reparution, sous une forme à définir, de mon album de 2004 sur la Libération. Mais présentement la synthèse sur le Troisième Reich à paraître au début de l’année chez Perrin accapare mes pensées.

Bonnes lectures estivales !


fdelpla

PS.- Si le message s’affiche mal : .

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