Rafle du Vel' d'Hiv' : Laval pouvait refuser complicité. 1942-1943 - Cinquante idées reçues sur la Shoah - Tome I - forum "Livres de guerre"
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Cinquante idées reçues sur la Shoah - Tome I / Marc-André Charguéraud

 

Rafle du Vel' d'Hiv' : Laval pouvait refuser complicité. 1942-1943 de Francis Deleu le mardi 15 janvier 2013 à 21h51

Bonsoir,

Marc-André Charguéraud nous présente ses vœux de bonheur et de santé. Nous l'en remercions vivement et lui souhaitons à notre tour une belle et heureuse année 2013..
Ce mois-ci, Marc-André Charguéraud nous propose un nouvel article extrait de la série de « 50 autres idées reçues sur la Shoah » qui sera publiée cette année.

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Rafle du Vel' d'Hiv' : Laval pouvait refuser complicité. 1942-1943.

En septembre 1942 et en juillet 1943, Laval refuse de coopérer et des rafles massives sont annulées par les Allemands.
Dans Paris occupé, au cours de la rafle du « Vel d’hiv » les 16 et 17 juillet 1942, 12 884 Juifs étrangers sont arrêtés à Paris par la police sur l’ordre du gouvernement de Vichy dirigé par Pierre Laval. Ils sont remis aux Allemands qui les déportent vers la mort. Pire, si c’est possible, pendant le mois d’août 1942, Vichy déporte 10 500 Juifs de la zone libre vers la zone occupée. Ces mesures criminelles et déshonorantes marquent la France d’une tache indélébile. L’histoire indique qu’elles pouvaient être évitées sans entraîner de représailles de la part des Allemands.

La rafle du Vel d’Hiv terminée, Heinz Röthke, chef des services des affaires juives de la Gestapo en France, prépare la suivante. Il obtient de Berlin la disposition de 50 trains pour déporter 50 000 Juifs français et étrangers entre le 15 septembre et la fin octobre 1942.  Le 2 septembre, Pierre Laval intervient auprès du général Karl Oberg, patron de la police et de la sécurité allemande en France (RSHA). Selon ce dernier « le Président Laval demande que, si possible, on ne lui signifie pas de nouvelles exigences sur la question juive. Il faudrait en particulier ne pas lui imposer a priori de nombre de Juifs à déporter ».

Les Allemands décident alors de surseoir à ce plan. Les supérieurs de Heinz Röthke, Helmut Knochen et Herbert Hagen, « considèrent comme prioritaires les intérêts économiques et stratégiques du Reich, ainsi que la protection des troupes d’occupation garantie en particulier par la vigilance de la police française ».   Ces jeunes officiers savent qu’au moindre manquement ils devront abandonner leurs postes confortables en France et seront envoyés sur le front russe. Pour les Allemands, il ne s’agit que d’une suspension. Leur rapport  du 2 septembre précise que Laval « confirme  que, conformément aux accords conclus, on livrera plus tard d’abord les Juifs ayant perdu leur nationalité allemande, autrichienne, tchèque, polonaise et hongroise, puis également les Juifs belges et hollandais. Ensuite, comme convenu, on livrera les Juifs qui ont acquis la nationalité française après 1933. »

Le refus provisoire de Laval  d’opérer de nouvelles arrestations n’exprime pas de sa part la moindre sollicitude envers les Juifs. Il le répète sans réserve aux visiteurs qui interviennent pour lui demander d’arrêter les arrestations de Juifs étrangers. Un compte-rendu de Pinkney Tuck, le chargé d’affaires américain en France, résume un entretien qu’il eut avec Laval le 26 août : « Il est évident par son attitude qu’il n’avait ni intérêt, ni sympathie pour le sort d’aucun de ces Juifs qui, fit-il remarquer sans pitié, étaient déjà bien trop nombreux en France. »

Par contre Laval subit une pression très forte de son opinion publique, scandalisée par l’ampleur et la brutalité des arrestations en zone libre, qui l’oblige à les interrompre. Les déclarations publiques des autorités religieuses catholiques et protestantes se font pressantes et explicites en cette fin août 1942. Laval cède et tient tête aux Allemands sans que cela n’entraîne de conséquences.

Au printemps 1943, Röthke revient à la charge. Il sait que le nombre de Juifs étrangers  toujours présent en France est limité. Or Vichy refuse la mise à disposition de sa police pour déporter les Juifs français. Röthke demande alors  « la promulgation d’une loi retirant la nationalité française aux Juifs naturalisés postérieurement à 1927 ou 1933 ».  Ayant eu l’accord de Laval, il planifie pour les 23 et 24 juillet 1943 dans le département de la Seine une rafle de 50 000 Juifs avec le concours de 2 000 policiers français.

Sous la pression du Maréchal, Laval revient sur son accord de dénaturalisation, ce qui oblige Röthke à suspendre la rafle prévue. Celui-ci conclut désabusé que l’« on ne peut plus compter sur la collaboration de la police française pour l’arrestation en masse des Juifs (…)  Le gouvernement français ne veut plus marcher avec nous (…) Il est conseillé de faire en sorte qu’une compagnie de Schutzpolizei se tienne désormais prête à intervenir. »  Ces menaces n’ont pas d’effets.

Pour la deuxième fois, Vichy a tenu tête aux Allemands sans subir la  moindre mesure de représailles. Pourquoi n’en a-t-il pas été de même en juillet-août 1942 ? Laval devait se tenir à la ligne de conduite qu’il s’était tracée lors du Conseil des ministres du 26 juin 1942. Il estime alors que la question juive « a été résolue, on le sait, en Allemagne d’une manière extrêmement sévère. L’opinion publique française accepterait difficilement que des mesures identiques soient prises en France où cette question n’a jamais eu la même acuité ».  Sa marge de manœuvre permet à Laval de refuser les demandes allemandes de mettre la police française à disposition pour des arrestations et des transferts vers Drancy.

Est-ce à dire que les 12 884 juifs du Vel d’Hiv auraient été sauvés ? Serge Klarsfeld pense qu’avec Laval refusant la rafle, la police et l’administration française n’auraient pas obéi aux ordres d’Oberg pour une pareille opération brutale visant des familles n’ayant commis aucun acte illégal.  Certains auraient tout de même été arrêtés. Les Allemands n’étaient pas complètement dépourvus de moyens s’ils décidaient d’agir par eux-mêmes, comme ils le montreront plus tard et dans d’autres pays. Déjà en fin 1940, n’ont-ils pas seuls identifié, arrêté et expulsé 22 000 Juifs d’Alsace et de Lorraine vers la zone libre ?

Toute hypothèse sur ce qui serait arrivé pendant l’été 1942 en cas de refus de Vichy est hasardeuse. Mais au moins le gouvernement de Vichy ne se serait pas rendu complice direct des déportations vers les camps de la mort, un acte indigne dont le pays porte encore aujourd’hui les stigmates.

Le pasteur Boegner dénonce cette situation dans une lettre lucide adressée au Maréchal Pétain le 20 août  1942. « La vérité est que viennent d’être livrés à l’Allemagne des hommes et des femmes réfugiés en France pour des motifs politiques ou religieux dont plusieurs savent d’avance le sort terrible qui les attend. »  Boegner met Pétain face à ses responsabilités : « Aucune défaite, vous nous l’avez rappelé vous-même, ne peut contraindre la France à laisser porter atteinte à son honneur. » La conclusion de cette admirable lettre est pathétique et cruellement vraie : « Je vous supplie, Monsieur le Maréchal, d’imposer des mesures indispensables pour que la France ne s’inflige pas à elle-même une défaite morale dont le poids sera incalculable. »
Copyrigth Marc-André Charguéraud. Genève. 2013. Reproduction autorisée sous réserve de mention de la source : La Shoah Revisitée

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