Bonsoir,
Il n'y a probablement qu'un très loin rapport entre le livre
proposé et une prise de position très dure, formulée sur papier à lettres avec
en-tête de la Maison-Blanche, signée Franklin Delano Roosevelt et datée de sa
main, le 24 janvier 1944.
Il s'agit d'un fac-similé extrait de l'ouvrage de Nerin
E.Gun, "Les secrets des archives américaines - Pétain, Laval, de Gaulle"
(Albin Michel, 1979)
January 24, 1944.
MEMORANDUM FOR THE SECRETARY OF
STATE
I saw Halifax last week and told him
quire frankly that it was perfectly true that I had, for ever a year, expressed
the opinion that Indo-China should not go back to France but that it should be
administered by an international trusteeship. France has had the country --
thirty million inhabitants for nearly one hundred years, and the people are
worse off than they were at te beginning.
As a matter of interest, I am
wholeheartedly supported in this view by Generalissimo Chiang Kai-shek and by
Marshal Stalin. I see no reason to play in with the British Foreign Office in
this matter. The only reason thee seem to oppose it is that they fear the effect
is would have on their own possessions ant those of the Dutch. The have never
liked the idea of trusteeship because it is, in some instances, aimed at future
independence. This is true in the case or Indo-China.
Each case must, of course, stand on its
own feet, but the case of Indo-China is perfectly clear. France has milked it
for one hundred years. The people of Indo-China are entitled to something better
than that.
F.D.R.
La traduction libre (par l'auteur du livre) - [les
ajouts, entre crochets, sont de ma main]
*** .... il est parfaitement exact de dire que je pense
depuis un an qu'il ne faut pas rendre l'Indochine à la France. Il faut la placer
sous une tutelle internationale, sous "Trusteeship" (*).
La France a été maîtresse de ce pays pendant cent ans. Or, le
peuple - trente millions d'habitants - vit aujourd'hui encore plus mal qu'au
début de l'occupation française.
Staline et Tchang Kaï-chek sont de mon avis. Je n'ai
nullement l'intention de tirer les marrons du feu pour l'Angleterre qui craint
qu'une autonomie de l'Indochine constitue un mauvais exemple pour l'avenir de
ses propres possessions [ainsi que celles des Pays-Bas].
Le cas de l'Indochine est d'une clarté aveuglante. La France
l'a pillée pendant un siècle. Les peuples de l'Indochine ont finalement droit à
un sort sensiblement meilleur. ***
Ce n'est pas un document isolé. Nous savons que Roosevelt n'a
jamais pensé autrement. Il s'opposa constamment à De Gaulle et à ses prétentions
sur l'Empire comme il refusa toute aide au gouvernement de Vichy dont
les territoires du Sud-Est asiatique étaient pourtant convoités par le
Japon. Là n'est cependant pas mon propos - nous y reviendrons certainement
lorsque le livre sera proposé sur LdG.
Ma question est beaucoup plus simple: cette appréciation
négative de "l'oeuvre colonisatrice" de la France a-t-elle un fondement?
Par ailleurs, il est piquant de constater que le
tragique engrenage que redoutait Roosevelt et qui désarçonna la France,
n'empêcha pas les Etats-Unis, à leur tour, de s'engouffrer dans le guêpier et de
s'y embourber lamentablement.
Bien cordialement,
Francis.
(*) trusteeship : le droit international fait le distinction
entre la notion de mandat et celle de trusteeship. La notion de mandat apparaît
à la suite du Traité de Versailles lorsque les territoires ayant appartenu à
l'Allemagne ou à l'Empire ottoman sont gouvernés, au nom de la Société des
Nations, par un pays désigné par elle. Par exemple, le Ruanda-Urundi
(actuellement le Rwanda-Burundi), colonie allemande jusqu'en 1918, fut
placé sous la tutelle de la Belgique (1923) qui reçut mandat, par la Société des
Nations, de gouverner ces territoires.
Le trusteeship implique un pays placé provisoirement sous
tutelle d'une puissance étrangère en attendant
d'accéder à l'indépendance. Le terme pourrait s'apparenter à
l'expression française de "protectorat".