La Suède est responsable de la mort de centaines de milliers de personnes. - 1940-1944 - Cinquante idées reçues sur la Shoah - Tome I - forum "Livres de guerre"
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Cinquante idées reçues sur la Shoah - Tome I / Marc-André Charguéraud

 

La Suède est responsable de la mort de centaines de milliers de personnes. - 1940-1944 de Francis Deleu le mercredi 12 décembre 2012 à 16h09

Comme chaque mois Marc-André Charguéraud nous confie un article extrait d’une nouvelle série de l'ouvrage « 50 autres idées reçues sur la Shoah » qui sera publié en 2013.

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La Suède est responsable de la mort de centaines de milliers de personnes. - 1940-1944


Dans son ouvrage monumental sur le IIIème Reich, une référence reconnue, William Shirer estime que « l’existence même de l’Allemagne dépendait des importations de minerai de fer suédois. Pendant la première année de guerre, 11 millions de tonnes furent importées pour une consommation allemande totale de 15 millions de tonnes. »[1] La production de matériel militaire allemand n’était possible qu’avec une production d’acier considérable. Elle se serait écroulée en quelques mois sans l’apport massif de minerai à haute teneur en fer suédois.

Les Alliés sont dès le début de la guerre pleinement conscients que cette dépendance constitue une faiblesse fatale pour le Reich. Pour eux « couper la route du fer » devient la priorité pour réduire définitivement la machine de guerre allemande et gagner plus rapidement la guerre. Pendant les mois chauds le minerai part en toute sécurité du Nord de la Suède par la Baltique, une mer fermée aux sous-marins et aux navires de surface britanniques. En raison des glaces sur la Baltique en hiver le minerai est acheminé par voie ferrée à Narvik en Norvège septentrionale puis par bateau le long des eaux territoriales norvégiennes, échappant ainsi aux navires de guerre et aux bombardiers ennemis.[2]

C’est ce qui décide, en avril 1940, les Français et les Anglais à débarquer et à occuper Narwick. Les Allemands qui occupent Oslo depuis le début du mois font mouvement vers le nord du pays et repoussent les Alliés à la mer. Cette première bataille perdue, celle du fer, va avoir des conséquences dramatiques. La guerre dure encore cinq années au cours desquelles 13,8 millions de personnes dont 4,6 millions de Juifs vont mourir.[3] Plus de 8.000 personnes par jour dont 2.550 Juifs. A ces chiffres terribles s’ajoutent des dizaines de millions de veuves, d’orphelins et des destructions apocalyptiques. C’est dire que chaque mois, chaque semaine, chaque jour de guerre compte et la Suède a sa part de responsabilité dans ce massacre.

Une responsabilité d’autant plus lourde que l’aide apportée par la Suède ne s’est pas limitée au minerai de fer. Les usines suédoises de production de roulements à billes ont contribué dans une très large mesure aux besoins absolument essentiels de la fabrication d’avions, de tanks et de camions destinés à l’armée allemande.

La collaboration avec les nazis est surprenante pour un pays qui se proclame « neutre ». Le 19 juin 1940, la Suède accorde aux Allemands un droit de passage pour acheminer des troupes fraîches et du matériel militaire en Norvège. Ils évitent ainsi de passer par la mer du Nord dominée par les Anglais. [4] De 1940 à 1943, 10% du trafic ferroviaire suédois sera consacré au transport de plus de 250.000 soldats allemands et de 250.000 tonnes d’équipement.[5] Puis, le 24 juin 1941, le gouvernement suédois autorise les troupes allemandes stationnées en Norvège à passer par la Suède pour aller aider les troupes finlandaises à combattre les Russes. [6] Enfin, la Suède accorde à l’Allemagne l’utilisation de son espace aérien et de ses eaux territoriales. [7] Elle va même plus loin. L’Allemagne manquant de fret pour le transport du minerai de fer, des navires et des équipages suédois prennent le relais. Peut-on encore parler de neutralité ?

Oui pour le gouvernement suédois qui considère que le commerce avec l’Allemagne est un droit national sur le plan des lois internationales.[8] En fait, la Suède craint une attaque directe de l’Allemagne comme ce fut le cas au Danemark, en Norvège, en Hollande et en Belgique et elle sait après la défaite française que l’Angleterre est incapable d’intervenir. Mais comme le reconnaît l’historien suédois Stephen Koblik : « Tous les doutes concernant l’issue de la guerre disparurent dans l’esprit des dirigeants politiques après le mois de novembre 1942 »[9]. Une conquête de la Suède par les Allemands était devenue très hypothétique étant donné leurs difficultés majeures rencontrées ailleurs et le risque d’avoir à affronter 400 000 Suédois entraînés et bien armés.[10] On aurait pu penser dès lors que les exportations vers l’Allemagne allaient rapidement diminuer et même s’arrêter. Il n’en fut rien.

Dès le début 1943, les Américains exigent sur un ton de plus en plus ferme la fin immédiate de ce qu’un représentant américain appelle « l’aide très substantielle que la Suède donne aux Allemands chaque jour ». [11] Les rencontres se multiplient, mais Stockholm ne réagit qu’avec une extrême lenteur. La fin du transit allemand vers la Norvège n’est décidée qu’en août 1944. Il faut attendre septembre pour que les exportations de minerai de fer cessent.

En 1944 la seule usine d’importance de fabrication de roulements à billes en Allemagne, Kugelfischer à Schweinfurt, est bombardée et détruite. Les importations de Suède deviennent vitales pour l’industrie d’armement nazie. Les Américains menacent alors de bombarder l’usine de SKF à Göteborg en Suède par « accident » si les exportations ne cessent pas. Tout ce qu’ils obtiennent, c’est la cessation des exportations de roulements à billes à partir de janvier 1945 ![12]

Ce n’est qu’au début de l’été 1944 que Winston Churchill élève le ton. Il écrit à son ministre des Affaires étrangères Anthony Eden : « Pendant la dernière guerre, les Suédois étaient sans conteste pro-allemands. Dans la présente guerre ils ont montré qu’ils ne donnaient priorité qu’à leur “sécurité”. J’aimerais qu’ils soient mis discrètement sous forte pression par nous et prévenus des dangers qu’ils encourent s’ils sortent de la guerre comme neutres n’ayant pas contribué à notre victoire. » [13] Mais il intervient sur le mode confidentiel et n’envisage aucune action avant la fin de la guerre.

Cordell Hull, le ministre américain des Affaires étrangères, résume bien la politique alliée dans une note datée du 9 avril 1944. « Nous ne pouvons plus donner notre assentiment à ces nations qui bénéficient des ressources des pays alliés et en même temps contribuent à la mort de troupes dont le sacrifice protège pourtant leurs vies autant que les nôtres. Nous avons scrupuleusement respecté la souveraineté de ces nations… Nous avons dit à ces pays qu’il n’était plus nécessaire pour eux de se protéger contre l’agression en fournissant de l’aide à notre ennemi…. Nous leur demandons seulement, mais avec beaucoup d’insistance, de cesser d’aider notre ennemi. »[14]

Le scandale des livraisons de produits stratégiques suédois essentiels aux Allemands est clairement exposé. Mais conclure par un appel à l’arrêt des exportations sans l’assortir de menaces que l’on est prêt à mettre à exécution n’est absolument pas à la hauteur du problème et de ses conséquences catastrophiques sur la durée de la guerre.

Un historien suédois estime « qu’en 1943-1944, le gouvernement suédois craignait que s’il prenait trop position pour les Alliés, Hitler dans un geste irrationnel décide d’envahir le pays comme il venait de le faire en Italie et en Hongrie ».[15] Deux pays dont la situation politique est radicalement différente. Il est indéniable qu’un risque ait existé, mais il était minime et, étant donné les enjeux, la Suède devait le prendre. Sa position n’était pas si faible. Contrairement à la Suisse, au Danemark et au Portugal, la Suède n’a fait aucun crédit au Reich et a exigé et obtenu que ses exportations soient payées en devises fortes ou en or. Berlin s’est incliné, les exportations suédoises étant essentielles à la poursuite de la guerre.

Une entorse au respect de la « neutralité » suédoise se limitant à des bombardements des navires transportant les roulements à billes et le minerai de fer vers l’Allemagne, ne se justifiait-elle pas, étant donné les centaines de milliers de morts qui auraient été épargnés grâce à elle?

[1] SHIRER William, Le IIIème Reich, Stock, Paris, 1990, p. 753
[2] IBID. p. 716

[3] Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, 1983. P.5040. Encyclopedia of the Holocaust, 1990, p. 1799. Chiffres à l’exclusion der l’URSS, de la Chine et du Japon.

[4] Ibid. p. 753. Des transits que l’Espagne de Franco et la Suisse ont refusé.

[5] KOBLIK Steven, op. cit. p. 27.

[6] Les Suédois accordaient à l’Allemagne ce qu’ils avaient refusé aux Alliés en 1940 pour aller au secours de la Finlande envahie par l’URSS.

[7] KOBLIK, p.30.

[8] LEVINE Paul, A. From Indifference to Activism : Swedish Diplomacy & the Holocaust 1938-1944, Uppsala University, Stockholm, 1996, p.69.

[9] KOBLIK, op. cit. p.23.
[10] Ibid. p.35.
[11] LEVINE. op. cit. p.69.
[12] EIZENSTAT, op. cit. p.66.
[13] LEVINE p.69
[14] EIZENSTAT, op.cit. p.40.
[15] KOBLIK, op. cit. p.34.


Copyrigth Marc-André Charguéraud. Genève. 2012. Reproduction autorisée sous réserve de mention de la source

Retrouvez tous les articles déjà publiés sur le site de l'auteur : La Shoah revisitée

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