La lecture du livre de Truchet par Amouroux apparaît passablement tendancieuse, pour ne pas dire davantage, dès lors que l'on procède à une lecture comparée des deux ouvrages.
Truchet ne se limite certainement pas à écrire que la défense de l'Afrique du Nord n'était possible qu'à condition d'évacuer armée et équipements à compter du 20 mai 1940. Le mieux est encore de citer sa conclusion ( L'armistice et l'Afrique du Nord, P.U.F., 1958, p. 349-350) :
Nous sommes parvenus à constater:
Que même après le désastre de nos armées du Nord, le repli sur l'Empire d'effectifs et de matériels importants était une opération réalisable, à condition qu'elle fut commencée en temps voulu, c'est à dire fin mai début juin [1940], et que la stratégie du général Weygand ait été orientée dans ce sens ;
Que ce repli rendait peu vulnérable notre Afrique du Nord, protégée par la mer, défendue par la flotte franco-anglaise, une armée et une aviation puissantes.
Le général Noguès, bien placé pour en juger, et qui, la suite des événements l'a prouvé, n'était pas d'une audace excessive, en a été convaincu jusqu'au dernier jour.
Du matériel américain et des forces anglaises seraient d'ailleurs rapidement venus renforcer les nôtres.
Il était même probable que notre Afrique du Nord n'aurait pas été attaquée, nos moyens de défense accrus ne pouvant qu'augmenter la prudence de l'Espagne.
En un mot, la défense de l'Afrique du Nord eût été possible, avec des risques minimes [souligné par A. Truchet], si le Gouvernement et le Commandement français avaient pris à temps les dispositions nécessaires. (L'absence totale de risques n'est pas envisageable dans une guerre véritable, et le chef qui rechercherait cette condition serait voué d'avance à l'inaction et à la défaite.)
Elle l'était encore, avec des risques accrus mais acceptables [souligné par A. Truchet], si le général Noguès avait eu, le 25 juin [1940], suffisamment de caractère pour prendre la tête d'une dissidence de l'Empire.
On peut être en désaccord ou non avec ces conclusions, mais pas en déformer le sens. En tronquant les conclusions de Truchet pour prétendre les "ruiner", qui plus est avec un zeste de condescendance mal placée, Amouroux a profondément dénaturé la thèse de cet auteur, et le sens de sa citation. |