Très heureux de vous voir ici, sachant que le livre que vous commentez avait également fait l'objet d'une recension - plus brève -
de ma part.
L'ouvrage de Wolfram Wette constitue une heureuse synthèse des progrès de la recherche universitaire allemande consacrée à l'implication de la
Wehrmacht dans la politique nazie d'extermination et d'asservissement. Que sa démonstration soit, en certains - rares - cas, insuffisamment étoffée se comprend dans cette logique. Par ailleurs, le livre gagnerait à être actualisé, compte tenu de la parution de travaux qui me semblent décisifs (tels que Christian Hartmann,
Wehrmacht im Ostkrieg, Oldenburg Verlag, 2010, ou Felix Römer,
Der Kommissarbefehl, Schoeningh Verlag, 2008).
Depuis quelques années, les débats historiographiques consacrés aux crimes de la
Wehrmacht portent sur les thèmes suivants :
- la politique nazie de famine des Soviétiques (civils et prisonniers de guerre) programmée avant le déclenchement de Barbarossa : s'agissait-il d'un plan de décimation soigneusement structuré, ou de la conséquence attendue et assumée de la nécessité de nourrir la Wehrmacht et le Volk aux dépends des peuples occupés (controverse qui me semble relativement spécieuse, à la réflexion) ?
- l'implication de la troupe dans les atrocités perpétrées sur tous les fronts (extermination des Juifs, meurtres des commissaires politiques, de civils, pillages...) : quelles en ont été la nature et l'ampleur ? Quelle part accorder à l'endoctrinement idéologique, aux facteurs de situation ? Omer Bartov avait apporté sur ces questions un éclairage majeur (L'Armée d'Hitler, Hachette, 1999), mais Christian Hartmann, dans Wehrmacht im Ostkrieg, formule des observations qui renouvellent à mon sens le débat - laquelle discussion n'est pas sans rappeler notre désormais bonne vieille controverse franchouillarde sur les motivations des Poilus de 14-18 ;
- le rôle de l'opposition militaire à Hitler dans la politique allemande d'atrocités a également suscité plusieurs échauffourées académiques (aperçu en anglais ici, avec renvoi aux contributions allemandes sur ce thème).
Il est dommage que pratiquement aucun des travaux allemands ne soit traduit en français. Sans parler des contributions russes (notamment celles de l'historien Pavel Polian). Le livre de Wolfram Wette permet de s'en faire, toutefois, une petite idée.