Avant-propos - CEUX QUI NE DEVAIENT PAS MOURIR - forum "Livres de guerre"
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La description du livre


Edition du 31 juillet 2011 à 13h39

CEUX QUI NE DEVAIENT PAS MOURIR / Raymond Courvoisier

 

Avant-propos de Christian Favre le dimanche 31 juillet 2011 à 07h41

AVANT-PROPOS

« Vous le direz, n'est-ce pas ? » me demandaient celles et ceux que je rencontrais dans les camps, les ruines, les hôpitaux, les prisons. Aujourd'hui, je peux leur répondre : « Oui, je l'ai dit, ou plus exactement, j'ai dit ce que j'ai vu et entendu, jusqu'à la limite où je pouvais aller. » Je n'ai ni menti, ni trahi, ni caché. J'en ai dit assez, c'est mon intime conviction, pour que les hommes comprennent ce que sont le martyre et les souffrances des autres durant et après les combats.
Comment tout dire sans avoir à juger ? Homme sur le terrain, mêlé aux événements qui jalonnèrent mes missions pour le Comité International de la Croix-Rouge puis pour l'ONU, je n'ai, en. aucune circonstance, violé mes engagements envers ceux qui me firent confiance. Je n'ai pas jugé les hommes avec lesquels je me trouvais face â face, ces militaires qui, accomplissant leur devoir, n'avaient que peu de temps â consacrer au « civil » que j'étais, et qui venait leur demander leur appui dans l'accomplissement de ses missions.
Je me suis efforcé de ne pas prendre parti. Toutefois, après tant d'années, je n'ai toujours pas réussi à comprendre les motifs profonds qui poussent des hommes à détruire et à tuer des innocents, et à les torturer de mille façons. Que certains de ces hommes, et non des moindres, quant à leurs responsabilités, m'aient aidé à soulager leurs propres victimes, c'est là une des contradictions qui ont jalonné ma longue errance fz travers un monde de souffrances. Il en est d'autres que le lecteur ne manquera pas de découvrir au fil de sa lecture et dont, peut-être, il me tiendra rigueur. Obtenir une trêve, échanger des grands blessés prisonniers, porter l'essentiel à des prisonniers, des réfugiés ou des exilés démunis de tout, sauver des enfants, c'est sans doute prévenir et non pas guérir. Cette autre contradiction est permanente, et elle m'a souvent frappé.
Les missions humanitaires des combattants sans armes les exposent aux mêmes risques que les soldats dans le combat. C'est ce que j'ai tenté de révéler dans ce livre en me tenant à la stricte chronologie de mes activités. Je pense ainsi à ceux, parmi lesquels mes anciens collaborateurs, qui se montrèrent dignes de leur tâche en accomplissant sur le terrain une œuvre considérable, dans des circonstances souvent insupportables. A ces hommes de banne volonté qu'ensuite on oublie...


J'ai retrouvé au fond de l'armoire où mes parents les avaient déposées toutes les lettres que je leur écrivis du temps où j'étais délégué du Comité International de la Croix-Rouge à l'étranger, pendant 11 ans, et fonctionnaire international de l'ONU durant 29 ans. Par dizaines, elles étaient soigneusement ficelées et rangées selon les années. Ces lettres, pour la plupart d'entre elles rédigées de pays ravagés par la guerre, proviennent de plusieurs continents et recouvrent trente-trois ans de ma vie. J'y reconnais l'Espagne de la guerre civile, la Turquie, quand ce pays était encore en dehors de la guerre, les îles grecques occupées par les puissances de l'Axe, la Pologne au lendemain du massacre, l'héroïque Pologne, si grande, si belle... J'y retrouve aussi le Liban, la Jordanie, l'Egypte, la Syrie et la Palestine, qui allait devenir Israël au cours d'événements tragiques.
Sans doute mes parents étaient-ils assis côte à côte dans le salon de leur vieille maison cachée au milieu des vignes, en Suisse, lorsqu'ils lisaient les récits des péripéties de ce fils qu'ils virent si peu sur le tard de leur vie. Comme pour prolonger la tendresse qui les unissait à moi, ou pour témoigner des soucis que ma vie aventureuse leur donnait, ils avaient pris l'habitude de souligner et de ponctuer certains passages de mes lettres qui les frappaient. Ici, de sa belle écriture, mon père interroge : « Pouvait-on imaginer tant de mal, une telle misère ? » Là, il me rappelle encore : « Ta mère, dès ton plus jeune âge, a fait entrer en toi une certitude : tout sera beau, mon enfant, il faut le croire, c'est cela, la conscience. » Ailleurs, ma mère laisse percer son inquiétude sous forme de petits messages inscrits en marge : « Où puises-tu ton énergie ? » « Ne voudrais-tu pas revenir pour te reposer ? » Et aussi, très souvent : « Comme tu as dû te sentir seul ! »
J'ai relu également le volumineux journal auquel, chaque soir, sans jamais y manquer, je confiais à la compagne de ma vie, en même temps que les faits saillants de la journée, mes impressions, mes angoisses et mes espoirs. Ce journal représente une sorte de monologue amoureux où le découragement, hélas ! n'est que trop présent. Je constate qu'il m'est arrivé bien des fois de ne pas tout dire à ma femme, de lui cacher le pire, et j'en sais la raison : il fallait qu'elle fût courageuse lorsque nous étions séparés.
De même qu'il est des expériences que les mots ne sauraient traduire, il en est d'autres sur lesquelles nous choisissons de faire silence afin d'épargner à ceux que nous aimons les affres de l'imagination et de l'angoisse impuissante. A mes parents ou à ma femme, je n'ai pas tout dit de ce que j'avais vu au moment où je le voyais. Je n'ai pas osé leur révéler l'affreux exode des réfugiés espagnols, la foule des jeunes soldats mutilés, les ruines de Guernica, les visages inhumains des lépreux de Samos et de Chio, ou qu'à Rhodes, quand la famine régnait, tout un peuple de squelettes errait dans les rues de la vieille cité jérosolomitaine. A mes descriptions des bombardements de Bucarest et des îles de la mer Egée et du Dodécanèse, au tableau que j'ai tracé de Varsovie, immense charnier, il manquait des détails bien plus atroces.
Omission n'est pas oubli. Tout est resté gravé dans ma mémoire, tout m'a longtemps poursuivi... Je n'oublierai jamais le « Struma », bateau fantôme qu'un matin je vis disparaître, remorqué contre le courant du Bosphore, vers les brumes de la mer Noire, avec une cargaison de Juifs dont personne ne voulait et dont pas un n'est revenu... Aujourd'hui encore, je peux mesurer l'effet de la colère des réfugiés palestiniens : il est à la mesure de la déchéance dans laquelle leur exil les a plongés. Non ! je n'ai rien oublié de mes voyages en enfer. Ses premières victimes, les enfants, par milliers se plaignent encore à moi de la brutalité des hommes. J'aurai toujours devant les yeux le sourire d'Elena, l'adorable petite fille grecque qui, à Cos, mourut, assassinée, pour rien.

Je suis né à Paris, en 1911, premier enfant d'une famille suisse où, depuis des générations, on comptait des banquiers, des pasteurs ou des soldats. Mon enfance, puis ma jeunesse se sont passées, avec ma sœur, dans une demeure aux volets verts et aux immenses greniers pleins de mystère. Nous y fûmes élevés avec toute la sévérité et la rigueur des protestants - les parpaillots. Mon père n'était pas un banquier, ou un pasteur, encore moins un soldat, il était un bourgeois libéral passionné par la littérature, les nobles causes et la philosophie. J'avais dix-huit ans lorsqu'il perdit toute sa fortune : c'était le krach de 1929. Il ne s'en remit jamais tout à fait. C'est alors que je dus prendre en charge le destin de ma famille. N'ayant pas le goût des affaires ni le désir d'être pasteur, je n'entrevoyais d'autre avenir que la carrière militaire. A vingt-deux ans, j'étais officier.
Nous étions en 1934. Cette année-là, prenant mon congé, je m'embauchai comme chef des travaux dans une exploitation de chêne-liège dans la région de Médéa, en Algérie. Tout ce que j'ai appris de ce premier séjour à l'étranger a fortement influencé le reste de mon existence. J'étais arrivé à Alger par une de ces belles journées d'hiver, si fréquentes en cette période de l'année, et dont l'attrait est irrésistible sur les Européens. Sur le port d'Alger-la-Blanche, je m'en souviens, des milliers d'indigènes se bousculaient en une masse grouillante, bruyante, multicolore. La visite de la ville, de sa casbah notamment, m'émerveilla. Quelques jours plus tard, je gagnai Médéa. A l'époque, Médéa était une jolie petite ville de 14 000 habitants, dont 2 500 Européens. Elle avait perdu son caractère indigène, mais c'était un endroit agréable. Alentour, la campagne est riche et magnifique. Je fis l'ascension de la Dalila, montagne plus connue sous le nom de Nador : c'est une longue crête dont l'un des versants s'escarpe en forme de falaises. Au sommet de la Dakla, la vue est d'une beauté stupéfiante : au nord, derrière la chaîne kabyle, on aperçoit la mer ; au sud, après d'autres montagnes, s'étendent des espaces immenses où l'on devine déjà le désert.
Pour mon travail, j'explorai durant des mois les environs de Médéa. Je parcourus en tous sens la Mitidja et m'aventurai jusqu'aux régions situées entre El-Affroun et Nliliana, régions accidentées, violentes, où la vie est dure. .J'allais presque tout le temps à cheval, tantôt logeant chez l'habitant, tantôt dormant sous la tente. D'énormes forêts de chêne-liège s'offraient à moi, où je savais que nul n'avait pénétré depuis la précédente récolte, et je m'y enfonçais avec anxiété, mais non sans plaisir. J'aimais ces paysages sauvages, j'avais découvert l'ardeur du soleil nord-africain. Mon existence solitaire et nomade me convenait.
Ayant sous mes ordres des Kabyles, j'avais appris à connaître ces descendants de la vieille race des Berbères. Ces hommes se louaient pour la saison du liège. Robustes, bien proportionnés, d'une taille au-dessus de la moyenne, la peau hâlée, voire brune, ils étaient d'excellents ouvriers. Je les tenais en haute estime, et je crois qu'ils me firent l'honneur de m'apprécier. Leurs contremaîtres m'avaient pris en affection, j'étais souvent invité chez eux ; rapidement, et sans peine, j'avais pris connaissance des lois rigoureuses de l'hospitalité. J'enlevais mes chaussures avant d'entrer dans un « gourbi », je m'asseyais, jambes croisées, le dos droit, je ne plaisantais ni ne riais en présence de deux frères... Aux hommes, je ne parlais jamais de femmes et n'adressais jamais la parole à leurs compagnes. De même que je ne posais aucune question sur les épouses, taisant soigneusement mon étonnement devant leurs conditions de vie, je ne demandais pas le nombre des enfants, ou leur âge.
Que ce soit sur les sommets de la Mitidja, sur les montagnes surplombant Médéa, ou encore dans l'Oued-Djer, les coutumes et les mœurs des Kabyles différaient sur des points mineurs. Seul, le dialecte change d'une région à l'autre. Les Kabyles sont des musulmans, mais ils ont conservé leur législation propre et s'écartent dans un grand nombre de cas des prescriptions de la loi coranique, ce qui est un phénomène dont on trouverait avec peine un autre exemple dans le monde arabe... Où que j'arrive, dans les douars ou les hameaux isolés, on me reçoit en ami. L'hospitalité est partout la même, et partout merveilleuse.
Les repas auxquels j'étais convié se déroulaient dans des maisons entièrement construites en terre, ou à l'aide de gros branchages. Un coffre, des sièges rustiques, des ustensiles de cuisine en bois, ou en poterie, un moulin à écraser le grain composaient l'essentiel du mobilier. Nous mangions entre hommes, servis par les femmes ; celles-ci mangeraient à leur tour avec les enfants quand nous aurions terminé. Tandis que les conversations se déroulaient, passionnées et passionnantes, souvent ponctuées de silences interminables, les plats succédaient aux plats : les olives fraîches, les fèves, le couscous garni de viande de mouton arrosée de lait aigre, les figues, les crêpes roulées serrées et garnies de miel... Comme boisson, le thé vert à la menthe.
Les mois passèrent. Je sentais que les vertus des Kabyles, leur noblesse, le courage, le savoir-faire, la franchise, m'imprégnaient ; il me semblait que ce serait une influence durable. Des heures de discussion avec des Marabouts que j'avais eu le privilège de rencontrer m'enseignèrent que les Sages existaient encore en Orient. Merveilleuse Algérie ! Le temps que j'y passai fut le plus heureux de ma jeunesse.
Hélas ! les récoltes de liège ne durent pas. A la fin de l'été, mon contrat touchant à son terme, je rentrai en Suisse.
J'avais repris le chemin de la vie militaire depuis plusieurs mois lorsque, un matin, mon colonel me fit convoquer. C'était au début du mois de décembre 1936.
- Nous venons d'être contactés par le CICR *, me dit l'officier. Le Comité International recherche des délégués pour l'étranger. Je vous ai désigné. J'ai pensé qu'il vous serait utile de faire cette expérience. Vous n'ignorez pas ce qui se passe en Espagne ? Vous pourriez y être envoyé. Bien entendu, si vous partiez, cette mission compterait dans votre carrière... Ma surprise fut complète. La Croix-Rouge ? L'Espagne ?
Moi, un délégué ? Mais j'étais un militaire ! Je ne me sentais ni les qualités ni les capacités d'un délégué, et d'ailleurs j'ignorais ce qu'on en attendait. Sur la Croix-Rouge, je ne savais rien que de très général. Certes, ayant lu, de son fondateur, Henri Dunant, Or, dès que je fus dans le train qui devait m'amener à Genève, où j'avais rendez-vous, quelques questions importantes se posèrent à moi. Je savais que, si je partais, ce serait une expérience déterminante pour ma vie. Et que, si je réussissais, j'en éprouverais une joie immense. Je me répétais : « Tu peux, tu dois faire quelque chose ! » Mais, abandonner mes parents, quitter mes amis, mon pays, fuir la sécurité d'une carrière toute tracée, me retrouver seul en face d'énormes responsabilités dans un pays inconnu et ravagé par une guerre fratricide dont la presse nous révélait, jour après jour, l'ampleur, en serais-je capable ?
Je me présentai au siège du CICR avec une vingtaine d'autres candidats, pour la plupart de jeunes médecins, des juristes ou des fonctionnaires, tous décidés, comme moi, à servir l'institution durant un certain temps. Nous y fûmes reçus par son Président. Nous rencontrâmes également Marcel Junod, délégué général du CICR dans toutes les parties du monde. Il nous apprit ce que le « Comité » attendait de notre engagement.
En 1815, rappela Marcel Junod, lors du Congrès de Vienne, les puissances européennes ont promis à la Suisse de reconnaître et de défendre éternellement sa neutralité. Sur le plan politique, chaque citoyen suisse peut s'engager comme bon lui semble. La neutralité n'est que la marque de la politique extérieure de l'Etat, la garantie de son indépendance dont la Croix-Rouge est l'une des manifestations. II y a lieu de ne jamais oublier que l'action du CICR est essentiellement une action de secours humanitaire, et que celle-ci doit inspirer en toutes circonstances et en tous lieux une entière sécurité morale. De cet engagement, et de son respect, dépend que les
relations avec les belligérants soient ou non marquées de confiance.
« A cette fin, un délégué du CICR travaillera dans un désintéressement absolu. II restera résolu à ne jamais servir, même indirectement, les intérêts des uns au détriment des autres. Il se bornera à être l'intermédiaire neutre entre les partis ou les sociétés nationales en conflit. Un délégué doit se limiter à constater, puis à agir, dès qu'il le peut, le mieux qu'il peut. 11 n'a pas d'autre mission que prévenir et alléger les souffrances des victimes de la guerre, militaires ou civiles. Il protège la vie des hommes, leur santé, et fait respecter les droits de la personne humaine. Sa mission, en ce sens, est universelle. Il n'a pas à chercher l'origine d'un conflit, d'un massacre ou d'un acte isolé, ni à juger de ce qui s'est passé. S'il perdait de son objectivité, il se ferait juge, il ne serait plus neutre.
« Les membres et les délégués du CICR n'ont de compte à rendre qu'au CICR, qui est une institution indépendante ayant son statut juridique propre. Ils sont obligatoirement et exclusivement de nationalité suisse. Le CICR travaille en liaison constante avec la ligue des Sociétés de la Croix-Rouge : c'est une fédération de sociétés nationales à l'intérieur de laquelle se trouvent le Croissant Rouge des pays arabes, ainsi que le Lion et Soleil Rouge d'Iran. »
Marcel Junod nous rappela que la Croix-Rouge était à l'origine des rencontres entre chefs d'Etats ou leurs représentants qui avaient abouti à la signature des différentes Conven¬tions de Genève, en 1864, 1906 et 1929.
« La Convention de Genève, comme vous le savez, nous dit-il, concerne aussi bien les militaires, qu'ils soient blessés ou prisonniers, que les populations civiles, qu'elles se trouvent en territoire occupé ou en territoire ennemi. Cependant, tout laisse penser que ces textes devraient être actualisés. Noua œuvrons d'ailleurs en ce sens. L'avenir est sombre pour l'Europe. L'Allemagne et l'Italie cachent de moins en moins leurs ambitions agressives. En Espagne, la guerre civile fait rage depuis le printemps dernier. J'en reviens. Ce qui se passe
dans la péninsule ibérique laisse imaginer le pire pour ce pays. »


Durant une dizaine de jours, je subis, avec les autres postulants, un stage de formation intensif. On nous informa dans le détail sur les différents aspects de la fonction d'un délégué : juridique, sanitaire, administratif, diplomatique, militaire, psychologique... J'avais de la méthode, le goût de l'organisation, et de la discipline. A mesure que les jours passaient, il me paraissait de plus en plus évident, si ma candidature était retenue, que mon expérience militaire se révélerait extrêmement utile. Soldat, je saurais parler à d'autres soldats. J'avais dû apprendre à obéir, je serais donc mieux à même de commander...
La fin du stage venue, le Délégué général et le Président de la Croix-Rouge nous convoquèrent. J'étais désigné pour être l'un des six représentants du CICR en Espagne. On m'avait affecté du côté des forces nationalistes.
J'avais prévenu mes parents de l'éventualité d'un prompt départ. Quand je vins le leur confirmer, ils me firent un accueil admirable de courage et de sérénité. Déjà, ils offraient l'image de ce qu'ils étaient devenus et qu'ils allaient longtemps être : un couple s'installant dans l'attente et vieillissant doucement... Plus qu'eux, pouvais-je réaliser ce que serait mon destin ? Pour les encourager, pour leur dire ma force, je leur citai une phrase de Marcel Junod qui m'avait vivement ému : « Il n'y a jamais que deux adversaires, avait-il dit, mais auprès d'eux, et parfois entre eux, survient un troisième combattant. Il survient et lutte pour diminuer tout ce que le combat aveugle des hommes laisse de ruines, de ravages, de tragédies. II est celui qui se lève et avance là où une créature humaine appelle une protection. Son but consiste à tout faire, au moins à tout essayer, pour empêcher un vainqueur de s'acharner sur un être sans défense. »
Ma mission devait, à l'origine, durer 6 mois.
Le jour du départ, ma mère me dit : « Peu importe où tu vas, ce qui compte, vois-tu, c'est le souvenir que tu laisseras derrière toi, là où tu auras fait

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