Bonjour,
C'est la trajectoire politique - O combien atypique du capitaine Frenay ! - qui me pousse à poser une question sur l'état d'esprit des cadres de l'armée française durant les crises majeures qui ont secoué la "grande muette" - parfois très bavarde - durant le XXe siècle :
1) La râclée de mai-juin 40, l'Armistice et l'instauration d'un Etat français raciste d'inspiration maurrassienne.
2) Les séditions militaires durant la guerre d'Algérie et de façon plus générale la position réactionnaire de certains des cadres supérieurs de l'Armée face au processus, semble-t-il inévitable, du droit des peuples à décider et à disposer d'eux-mêmes et donc de la décolonisation.
On est en droit de s'interroger sur une constante chez des (les ?) officiers supérieurs français :
Pourquoi, dès que les institutions d'une République dont ils ont pour mission la sauvegarde furent mises en péril, ils se rallièrent, sans trop de problème de conscience, à l'Etat français de Pétain et, 20 ans après, lors de la guerre d'Algérie, à la dérive de ce que, faute de meilleure appellation, je nomme une idéologie "proto-fasciste" ou "salazariste" à la place de la 5e République gaullienne ?
En un moins d'un siècle, de l'affaire Dreyfus à l'OAS, en passant par l'Armistice et Vichy, de hauts responsables de l'armée républicaine se sont ralliés aux mots d'ordres de l'Action française, de la "Révolution nationale" pétainiste et du "fascisme" de l'OAS, bre de tout ce qui chercha à détruire l'ordre républicain.
Est-ce que les hauts gradés de l'armée française étaient, entre 1890 et 1960 foncièrement anti-républicains, anti-progressistes et colonialistes, ou est-ce un désir d'ordre qui prima et poussa ces chefs à plébisciter des régimes totalitaires ou ultra-conservateurs. (Je fais la différence entre Salazar et Franco ou entre Pétain et Mussolini.)
Si on étudie le CV de certains d'entre eux : Pétain, Darlan, Salan, etc. on a le sentiment qu'ils étaient considérés par le personnel politique du temps comme des généraux républicains. (La nomination de Pétain comme ambassadeur auprès de Franco fut motivée justement parce que le futur chef de l'Etat français avait la réputation d'être un officier loyal à la 3e République...) Et pourtant dès que le pays sombre dans la crise, la défaite et l'humiliation, ils adhérèrent quand ils ne participèrent pas directement à l'instauration d'un régime fort.
Souci du tableau d'avancement... ?
"Apolitisme" finalement très politique... ?
Désir viscéral d'ordre... ?
Anti-républicanisme ... ?
Autres motivations ... ?
Des avis, des éléments, des témoignages... ?
Je me rends compte de la complexité de ma question, car s'y mêlent trajectoires individuelles qu'on ne sauraitt réduire à des clichés, cet "esprit de corps" qui a pu jouer lors des crises dramatiques, les résultats d'un "drill" à l'obéissance, des traditions militaires, la méfiance "naturelle" des civils à l'égard d'une armée souvent soupçonnée d'être un foyer potentiel de séditions, etc.
Merci,
Et bien cordialement,
René Claude |