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A livre ouvert ... / les contributeurs de "Livres de Guerre"

En réponse à -4 -3 -2
-1Excusez-moi, monsieur Desbois de Alain Cerri

Présentation du livre susmentionné de Alain Cerri le lundi 30 août 2010 à 19h52

Peter Lieb, Konventioneller Krieg oder NS-Weltanschauungskrieg? Kriegführung und Partisanenbekämpfung in Frankreich 1943/44, München
(Oldenbourg) 2006, 631 p. ISBN 978-3-386-57992-5, EUR 49,80.

Compte rendu rédigé par Gaël Eismann

Le renouvellement historiographique sur l’histoire de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale a, ces vingt dernières années, surtout concerné le front de l’Est, laissant largement de côté le front de l’Ouest. Premier ouvrage à s’intéresser aux combats de la Libération en France dans la perspective de la conduite militaire allemande, le livre de Peter Lieb vient en partie combler ce vide.

Les Allemands ont-ils mené en France une guerre conventionnelle ou, conformément aux ordres de la
direction nazie et à ce qui se produisit à l’Est, une guerre idéologique d’anéantissement? Dans quelle
mesure l’expérience de la guerre à l’Est a-t-elle eu un impact sur la nature des combats menés en France? Les pratiques des troupes régulières de la Wehrmacht furent-elles identiques à celles de la SS? De quelle marge de manoeuvre les hommes de troupe disposaient-ils et comment en firent-ils usage? Autant de questions jusqu’à ce jour largement inexplorées auxquelles Peter Lieb s’attaque dans cet ouvrage tiré de sa thèse, paru dans une collection dirigée par l’Institut d’histoire contemporaine de Munich (IfZ) visant à revisiter l’histoire de la Wehrmacht sous le IIIe Reich.

Maîtrisant parfaitement la littérature scientifique internationale, Peter Lieb a mené ses recherches
dans les fonds d’archives allemands, français et britanniques. Le livre se divise en cinq parties, complétées par de riches annexes. Les deux premières parties sont consacrées à la présentation du système d’occupation et aux grandes lignes de la stratégie répressive allemande entre 1940 et 1943: elles constituent une forme de long préambule permettant de contextualiser le véritable objet de la recherche. Le coeur de l’ouvrage s’articule en effet autour de trois parties consacrées à l’histoire de la lutte conduite par les unités de la Wehrmacht et de la SS contre les résistants et les forces alliées, à l’arrière comme sur le front, entre l’été 1943 – moment où la Résistance commença à être perçue comme potentiellement dangereuse pour la sécurité militaire allemande – et l’évacuation militaire de l’automne 1944.

Les grandes lignes de la thèse de Peter Lieb sont convaincantes: certes l’appareil militaire allemand a
mené en France une guerre de plus en plus brutale, s’écartant parfois du droit international et
commettant des crimes de guerre parfois idéologiquement ciblés; on ne saurait pour autant l’assimiler,
contrairement à ce que prétendent Ahlrich Meyer et Regina Delacor, au »Weltanschauungskrieg« et à
la guerre d’extermination menés sur le front de l’Est par la Wehrmacht.
Contrairement aux directives
de la direction nazie, la guerre conduite par la Wehrmacht à l’Ouest, sur le front comme à l’arrière, fut
donc une guerre conventionnelle. À l’appui de cette thèse, la minutie avec laquelle Peter Lieb reconstitue l’histoire des opérations militaires allemandes est impressionnante. À saluer également une approche des crimes de guerre fondée sur une analyse du droit international en vigueur à l’époque des faits. L’auteur démontre de façon probante que le comportement de la plupart des unités régulières de la Wehrmacht n’a pas atteint le même degré de violence que celui des unités de la Waffen-SS ou de la Sipo-SD. Plus largement, il identifie quatre facteurs de brutalisation des comportements: le degré d’endoctrinement nazi; l’expérience acquise sur le front de l’Est ; le sentiment d’appartenir à une élite militaire; l’expérience de la guerre contre les partisans. Enfin, à la faveur de son travail, on dispose désormais d’une estimation chiffrée relativement précise du nombre de civils tués – 13 000 à 16 000, dont 4000 à 5000 non combattants – dans le cadre de la »lutte contre les partisans« durant la dernière année d’occupation.

Dans le détail pourtant, on peut reprocher à l’auteur de relativiser, sans pour autant les occulter, certains crimes de guerre commis par l’armée régulière allemande. La notion de »crime de guerre«, telle qu’elle est circonscrite par l’auteur, repose en effet sur une analyse parfois contestable du droit international et de ses usages à l’époque des faits. Cette analyse n’est pas sans rappeler celle que pouvait alors en avoir l’appareil militaire allemand, même si Peter Lieb reconnaît, sans pour autant chercher à l’expliquer, que parmi les interprétations divergentes auxquelles les zones grises du droit des gens donnèrent lieu, les instances militaires allemandes
optèrent systématiquement pour celle qui se révélait le moins favorable aux civils. Lieb justifie ainsi le
statut de franc-tireur systématiquement appliqué aux résistants en reprenant à son compte la conception restrictive allemande du droit des populations civiles à se soulever et en s’appuyant sur une remise en cause du concept de »guerre juste«. Il n’évoque pas non plus l’interprétation pour le moins extensive donnée par l’appareil militaire allemand de la notion de »responsabilité solidaire« de la population, condition requise par l’article 50 de la convention de La Haye pour imposer des sanctions collectives comme la prise et l’exécution d’otages. Contrairement à ce qu’affirme l’auteur, les Allemands se sentaient bel et bien tenus par cet article et c'est en toute connaissance de cause
qu'ils ont cherché à lui donner une interprétation susceptible de couvrir leurs pratiques.

En reprenant peut-être un peu vite à son compte le discours de ses sources sur la dangerosité de l’adversaire, en insistant, par conséquent, sur les ressorts principalement militaires – et non idéologiques comme sur le front de l’Est – des opérations menées en France contre les foyers
supposés de résistance, il donne aussi parfois le sentiment de chercher à minimiser les exactions commises dans ce cadre. Peter Lieb a par exemple tendance à banaliser excessivement la brutalité du »décret Sperrle« promulgué par l’OB West (Commandant en chef du front de l’Ouest) en février 1944: selon lui, les mesures préconisées (incendies de maisons, victimes civiles, etc.) répondaient
»d’une certaine manière à un besoin de sécurité de la troupe« et reflétaient ni plus ni moins la réalité
»cruelle et sanglante« des guerres modernes (p. 264); ou à nuancer le caractère criminel du massacre de Tulle en insistant sur le fait que, contrairement à ce qui se produira quelques heures plus tard à Oradour-sur-Glane, celui-ci relevait bel et bien de »représailles de guerre« (p. 368).

On peut par ailleurs s’étonner de la légèreté avec laquelle l’auteur manie certaines comparaisons chiffrées susceptibles de minimiser l’ampleur des exactions commises par l’appareil militaire allemand. Lieb met ainsi en parallèle le caractère atypique des violences commises de façon ciblée contre les juifs par les hommes de la division Brehmer et le refus opposé à la Sipo-SD par le MBF
(Commandant militaire allemand en France) en juin 1944 de faire déporter 30 000 juifs de la région parisienne, par crainte, rappelons-le, de voir la population parisienne se soulever. Il en conclut que le MBF et l’OB West auraient ainsi sauvé la vie à davantage de juifs durant l’été 1944 qu’ils n’en auraient tué dans le cadre des opérations contre les partisans (p. 411). Il compare d’autre part les quelque 5000 civils non combattants – pourquoi se limiter à cette catégorie de victimes de la répression? – abattus par les Allemands dans le cadre de la »guerre de partisans« aux 6000 »collaborateurs réels ou supposés« – des civils engagés cette fois – tués par la Résistance jusqu’à la retraite allemande, dans le cadre de l’épuration (p. 415).

D’autre part, même s’il distingue, à juste titre, le comportement de l’armée régulière allemande de celui, bien plus brutal et criminel, de la Waffen-SS ou de la Sipo-SD, Peter Lieb a néanmoins tendance à présenter l’OB West, le MBF ainsi que les unités régulières placées directement sous
leurs ordres sous un jour particulièrement favorable. Il insiste par exemple sur le comportement systématiquement modérateur, jusqu’au printemps 1944, de l’OB West et du MBF face aux mesures draconiennes préconisées par l’OKW (Haut Commandement des forces armées) et le Führerhauptquartier, ce qui mérite d’être nuancé, d’autant que, par manque de sources, les exemples référencés concernent presque exclusivement l’OB West.

On peut en outre regretter que l’historien ait placé en préambule de son travail un chapitre sur la »crise des otages« de 1941–1942, qu’il fonde non pas sur une nouvelle exploration archivistique mais sur une relecture historiographique non dénuée de parti pris. Lieb reproche ainsi aux derniers travaux parus sur la question de prendre systématiquement le contre-pied des études publiées auparavant, c’est-à-dire de focaliser leur attention sur les responsabilités du MBF en laissant de côté les autres
acteurs de la politique des otages. Dont acte, mais les conclusions qu’il en tire et le détail de ses analyses méritent d’être discutés. Les doutes exprimés au printemps 1941 – c’est-à-dire avant le déclenchement de la lutte armée en France – par l’administration militaire allemande quant à l’opportunité des exécutions d’otages en France sont ainsi présentés de façon quelque peu anachronique en contrepoint des mesures draconiennes ordonnées par Berlin à l’automne 1941, c’est-à-dire après les premiers assassinats de militaires allemands (p. 23). Lieb omet par ailleurs de
rappeler que, contrairement aux exécutions massives de Nantes (22 octobre 1941), celles de Bordeaux (23 et 24 octobre 1941) et, surtout, celles du mois de décembre 1941 au Mont-Valérien, relèvent de la seule initiative du MBF. S’interrogeant sur les raisons qui ont pu pousser le MBF à
s’opposer aux exécutions massives d’otages, l’historien se contente de signaler que la question fait toujours débat au sein de la communauté scientifique. Pourtant, lorsqu’il évoque un peu plus loin la démission d’Otto von Stülpnagel en février 1942, seuls les problèmes de conscience qui l’y auraient poussé retiennent son attention (p. 29).

Enfin, si Peter Lieb prend acte du caractère idéologique des mesures anti-juives et anti-communistes prises par l’appareil militaire allemand avant comme après le déclenchement de la lutte armée en France, il en relativise excessivement l’ampleur. Il insiste notamment sur le fait que les juifs n’étaient pas au départ visés par les représailles allemandes, alors que les gaullistes l’étaient au même titre que les communistes. C’est oublier un peu vite que, dès le mois de septembre 1941, la proportion de
Juifs fusillés comme otages est en pratique loin d’être négligeable, que certains documents internes du MBF font état du ciblage des Juifs comme otages bien avant décembre 1941, enfin que, dès la fin du mois d’octobre 1941, les gaullistes ne sont plus censés figurer sur les listes d’otages. Évoquant la proposition faite par le MBF, le 5 décembre 1941, de recourir à des »déportations-représailles« de juifs et de communistes vers l’Est, l’auteur minimise par ailleurs les responsabilités de celui-ci. Tout au plus reconnaît-il au MBF, au regard de la signature qu’il apposa sur le document incriminé, une forme
de co-responsabilité. Occultant notamment le fait qu’Otto von Stülpnagel attendait beaucoup de l’effet dissuasif de cette nouvelle forme de représailles, Lieb se contente d’autre part de la réduire à une mesure d’évitement, ajoutant que le MBF pensait probablement ainsi ne pas toucher la population dans son ensemble.

Ces remarques, certes très critiques sur des points d’analyse précis, ne doivent toutefois pas faire
oublier que Peter Lieb signe avec cet ouvrage un travail magistral qui comble pour partie le vide historiographique qui concernait jusque-là la nature de la guerre conduite à l’Ouest par la Wehrmacht.

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