18 juin 2010 : David Cameron ouvre la brèche - Site personnel de F. Delpla, Historien 1939-45 - forum "Livres de guerre"
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Edition du 20 juin 2010 à 19h07

Site personnel de F. Delpla, Historien 1939-45 / François Delpla

 

18 juin 2010 : David Cameron ouvre la brèche de françois delpla le dimanche 20 juin 2010 à 18h47

Lettre d'information n° 68 du site de François Delpla



Sir Alfred Duff Cooper, le ministre anglais de l'Information en 1940, qui avait démissionné du gouvernement Chamberlain après Munich, avait une soeur, qui eut une fille, laquelle épousa un Cameron, grand-père du premier ministre actuel.

David Cameron est apparemment très fier de cette parenté, puisqu'il en fit état lors d'un voyage à Prague en 2007 et qu'il a récidivé hier lors des commémorations du 18 juin, devant un Sarkozy sans doute trop peu au fait de la question pour lui répondre en s'affranchissant de son texte. Or la phrase suivante du discours de Cameron ouvre une brèche gigantesque dans un mur de silence dont Churchill (maçon à ses heures) avait monté les premières briques :

"Certains, au sein du gouvernement, souhaitaient empêcher le général de Gaulle de parler à la radio. Je suis heureux de vous dire aujourd'hui que mon arrière-grand-oncle n'était pas de ceux-là."

Churchill avait coutume de dire qu'il avait été, en 1940, non pas le lion britannique, mais son rugissement, réduisant ainsi ses talents à son éloquence, et encore : elle-même n'était pas censée avoir joué un rôle décisif. Il alla jusqu'à écrire dans ses mémoires que son cabinet, trop occupé par les urgences de l'heure, n'avait jamais délibéré sur l'opportunité de continuer la guerre sans la France. C'était pousser fort loin l'idée que la résistance militaire à un monstre comme Hitler, tant qu'il restait des moyens de combattre, était une évidence.

Historiquement, rien n'est plus faux : la planète, témoin entre 1914 et 1918 d'une très coûteuse victoire sur l'Allemagne des autres puissances coalisées, grâce à la résistance initiale de la France, avait de solides raisons de croire que l'écroulement immédiat de ce bastion donnait aux Germains une victoire incontestable et que le plus sage, pour ceux même qu'elle contrariait, était avant tout de la reconnaître. La résistance de la Grande-Bretagne était un sujet d'étonnement et de perplexité, bien plus que d'espérance. Témoin le fait que la fameuse correspondance par laquelle Roosevelt encourageait Churchill s'interrompt complètement, côté américain, entre la mi-juin et la mi-août.

En Angleterre même, Churchill n'avait guère de fermes soutiens : par exemple Anthony Eden qui, lorsque le gouvernement fut un peu plus solide, allait en devenir le deuxième personnage et le successeur quasiment désigné de son chef, n'émet pas la moindre déclaration fermement churchillienne en juin ou juillet 1940.

Duff Cooper est bien l'un des rares piliers sur lesquels le premier ministre peut s'appuyer en toute confiance et il est le 18 juin, au sein du gouvernement, le vecteur qui rend possible l'entrée en scène du général de Gaulle. C'est lui qui met en délibération un texte d'appel devant le cabinet à 12h 30 et se voit rembarrer (Churchill étant mystérieusement absent) par le ministre des Affaires étrangères Halifax, puis qui revient à la charge dans l'après-midi avec de Gaulle et Spears, pour obtenir finalement un droit de parole à 22h, moyennant la défiguration du texte puis, dans la nuit, l'impression dans les journaux anglais d'une version plus acceptable (celle prononcée au micro, et connue encore aujourd'hui seulement par une écoute suisse -en allemand !- disant que Pétain recherche un armistice "dans l'honneur"). Cette version anglaise du 19 deviendra canonique... moyennant l'ajout d'une dernière phrase début août, récupérée sur la version du micro (
"Demain comme aujourd'hui je parlerai à la radio de Londres") !

La commémoration de ce soixante-dixième anniversaire a vu, d'une façon générale, l'émergence d'une histoire nettement moins asservie au récit traditionnel -lequel relevait, des deux côtés de la Manche, de la pure et simple ruse de guerre, consistant à ne pas informer l'ennemi des débats le concernant. Tous les articles ou presque, toutes les émissions ou presque, ont été amenés à mentionner l'existence de débats sur le principe même de l'émission, et sur son contenu. Mais, à de rares exceptions près, ces tardifs aveux tendent à mettre en place une nouvelle mythologie : les difficultés n'auraient point surgi au sein de la direction britannique, mais entre de Gaulle et elle, considérée comme un tout. Le cabinet aurait, dans son ensemble, hésité à lâcher la proie de ses relations avec Pétain pour l'ombre d'un général inconnu. Il y aurait donc d'un côté de sages politiciens traitant Pétain poliment comme une personne honorable, et de l'autre un
discours gaullien trop agressif, qu'il a fallu tempérer. Mais alors, pourquoi lui réinjecter de l'agressivité dans la nuit, à l'usage des journaux ?

Dans quatre jours a lieu un autre anniversaire, celui du 23 juin. Toute l'Angleterre est révulsée par la signature de l'armistice aux conditions de l'Allemagne, très marginalement amendées par la négociation de Rethondes. Décision immédiate est prise de ne plus reconnaître le gouvernement de Bordeaux, et Halifax lui-même doit s'y rallier. Un communiqué du cabinet dit que l'Angleterre s'apprête à reconnaître un "comité national" autour de De Gaulle, qui annonce lui-même cela à la radio le soir. Sur ce Halifax, chapitré par quelques Français dont Jean Monnet, se décide à aller à la BBC, récupère le texte, interdit aux journaux d'en parler et s'en justifie le lendemain auprès du cabinet. Churchill s'incline, ce qui donne la mesure du rapport des forces, et entreprend alors de diriger l'attention des ministres sur la flotte française, ce qui va déboucher dix jours plus tard sur la canonnade de Mers el-Kébir.

Cependant l'affaire a été trop remarquée pour passer inaperçue et on justifiera, d'un commun accord entre Anglais et gaullistes, l'avortement du comité national par le fait que de Gaulle n'avait pu trouver assez de personnes de poids pour le constituer... alors que son invitation avait été, sitôt lancée, censurée par la Grande-Bretagne !

Le resurgissement de cet appel en 2010, grâce en particulier à Hugues Nancy (version imprimée dans le n° 5, actuellement en kiosque, d'Histoire(s) de la dernière guerre), doit permettre de laver cette tache nationale !

Les désespérés étaient partout, et solidaires d'un pays à l'autre, les gens décidés à écraser Hitler peinaient partout pour s'imposer, et notre planète déboussolée a grand besoin de mieux connaître cette histoire, dans toute l'ampleur de son incertitude et de ses quotidiens virages.


Montigny, le 19 juin 2010


*le silence de l’Elysée sur le dossier de l'UNESCO à compléter d'urgence reste complet :

*Le professeur François-Georges Dreyfus, qui ne m'avait pas invité depuis Montoire (1996), me convie ce dimanche 20 juin dans son émission de midi sur Radio-Courtoisie car il est conquis par Mers el-Kébir !


*N’oubliez pas de vous abonner toujours plus nombreux à Histoire(s) de la Dernière guerre, dont le numéro 6, à paraître début juillet, comportera notamment une interview sur la période de Stéphane Hessel, dont la nonagénaire candeur nous a encore rafraîchis hier, lorsqu'il a dit qu'il reprochait à de Gaulle essentiellement une chose, l'élection du président au suffrage universel, qui a des conséquences funestes "surtout depuis deux ans et demi".

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