Le 16 juin 2010, l'historien Jean-Pierre Azéma a été convié
à un débat sur R.F.I. (téléchargeable) avec Michel Boisbouvier, thuriféraire vichyste ayant notamment
falsifié les écrits de Serge Klarsfeld,
nié l'authenticité du Journal d'Anne Frank tout en
déformant les conclusions de l'historiographie et en
multipliant les apories.
Là où M. Azéma se montre prudent (trop) et s'efforce de prendre de la hauteur, de replacer chaque donnée dans son contexte tout en résumant, en quelques secondes, les complexités de l'époque, Boisbouvier se contente de répéter les mêmes foutaises réfutées depuis longtemps, et en particulier sur ce forum - en particulier les aspects statistiques de la problématique (
sur la "Solution finale" à l'échelle europenne, sur
la répression nazie en Europe,
sur les prisonniers de guerre et la pénurie).
L'initiative de
R.F.I., qui met sur le même plan le bilan de sept décennies de recherches historiographiques et une propagande extrémiste tout aussi vieille, n'en apparaît pas moins douteuse. Sur le fond, Jean-Pierre Azéma a eu raison d'insister sur la nécessité, en Histoire, de ne pas brandir les chiffres et les faits de n'importe quelle manière au service d'une thèse spécifique, mais il n'a pas suffisamment dénoncé le caractère profondément pervers du discours vichyste recyclé par Boisbouvier, à base de manipulations, de tronquages et de distorsions. De son côté, Boisbouvier, s'il a, en diverses occasions, involontairement révélé le caractère franchement désordonné de son "argumentation", n'en a pas moins réussi à caser l'essentiel de son propos. Pire encore, durée de l'émission oblige, Jean-Pierre Azéma n'a pas eu le temps de développer l'implication de Vichy dans la "Solution finale", après que Boisbouvier a, une fois de plus, cité à tort et à travers
une certaine petite phrase écrite par l'historien Léon Poliakov en 1951...
En toute hypothèse, cette émission malencontreuse est une excellente illustration des limites du débat d'idées dans l'audiovisuel lorsque l'historien est confronté à un propagandiste.