A l'instar de
toutes les instances internationales ayant eu à statuer sur ce débat (notamment la Cour européenne des Droits de l'Homme), et
ainsi que je l'avais déjà démontré voici quelques années (voir également
cet article du Professeur Michel Troper), la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a considéré que l'article 24bis de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ne portait évidemment pas atteinte aux Droits fondamentaux.
Dans ces conditions, la Cour n'a même pas cru utile de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (
procédure brillamment décrite sur le blog de Maître Eolas) posée à ce titre par les requérants (
Cass. Crim., 7 mai 2010, n°09-80774 , en attente de publication au
Bull. Crim.) :
Attendu que Mme X., M. Y., les "Editions des Tuileries " et M. Z. soutiennent que l'article 9 de la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 ayant inséré, après l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article 24 bis instaurant le délit de contestation de crimes contre l'humanité est contraire aux principes constitutionnels de la légalité des délits et des peines ainsi que de la liberté d'opinion et d'expression ;
Mais attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux dans la mesure où l'incrimination critiquée se réfère à des textes régulièrement introduits en droit interne, définissant de façon claire et précise l'infraction de contestation de l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par des membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale, infraction dont la répression, dès lors, ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels de liberté d'expression et d'opinion
Cette solution est d'autant plus remarquable que la "loi Gayssot" avait rencontré une vigoureuse opposition, certes peu sérieuse sur le fond, de la part de certains milieux de l'intelligentsia. Mais la thèse selon laquelle la Cour de Cassation n'apprécierait guère de se tourner vers le Conseil constitutionnel dès qu'elle se trouverait saisie d'une question prioritaire manque de fondement, dans la mesure où elle n'a pas manqué de le saisir dans d'autres affaires.
En toute hypothèse, l'arrêt rendu par la Cour de Cassation, est une pièce de poids à verser au débat entourant la conformité de l'article 24bis aux Droits fondamentaux.