Dans le film, lors d'un dîner au Vatican, un des diplomates explique brutalement que PERSONNE n'est prêt à recevoir les juifs d'Europe. Si les gouvernements alliés et les pays neutres accordent bien des visas pour quelques centaines de familles, la mesure est insignifiante et elle reflète ce qu'il faut bien définir comme un antisémitisme diffus pour expliquer le fait que personne ne voulait ouvrir ses frontières pour les millions de condamnés en sursis.
60 ans après ce refus, on est bien sûr choqué et révolté par l'attitude des décideurs politiques alliés : la sentence terrible que Costa-Gavras met dans la bouche du diplomate résume le peu d'empressement mis par les Alliés pour faire pression sur Hitler et les dignitaires du régimes responsables de la "question juive". On a le sentiment que le sort de ces millions d'êtres n'est pas du tout une priorité; pire, les gouvernements et les administrations n'ont pas envie de heurter leurs opinions publiques respectives (et leur poptentiel électoral...) en acceptant des contingents importants de réfugiés des pays occupés par l'Allemagne. Par souci d'efficacité, ce réalisateur force toujours un peu le trait dans ses démonstrations politiques, mais dans "Laissez-Passer", il m'a paru crédible : comme des chercheurs l'ont démontré, les chefs d'Etat et les commandants suprêmes des armées alliées n'ont pas su/voulu lire la terrible spécificité raciale de la guerre d'Hitler. Les SS et les administrations du Reich qui les ont assistés ont ainsi pu exterminer des millions de citoyens européens et soviétiques en bénéficiant du silence des puissances alliées et du Vatican qu'un antisémitisme dogmatique influençait toujours.
Le film de Costa-Gavras est-il fidèle à ce que l'on sait des mentalités de l'époque ? Ou alors a-t'il trop forcé le trait pour dénoncer le silence des Alliés et des chefs des Eglises ?
J'aimerais avoir votre avis.
Amicalement,
René Claude |