Lettre d’information n° 64
du site de l’historien François Delpla
Chers tous,
Nous entrons dans la période des commémorations de la défaite de mai-juin 1940.
Vous connaissez mon point de vue sur la question : le cinquantenaire, en 1990, a été novateur, en mettant en lumière le jeu de Hitler après trois décennies d’approximations « fonctionnalistes », et en rehaussant la performance de Churchill comme celle de De Gaulle sur fond d’accablement planétaire, et de sabotages passés jusque là inaperçus (commis par Halifax et l’intouchable Jean Monnet, notamment) ; en revanche, l’anniversaire de 2000 a été beaucoup plus stérile, voyant apparaître et dominer la thèse curieuse de « l’étrange victoire allemande ». On retombait là dans l’ornière, non seulement d’un oubli de la dangerosité du nazisme, mais de l’examen d’un conflit international sous un angle essentiellement national (la France étant censée s’effondrer presque toute seule comme si elle se prenait les pieds dans un tapis -je caricature ? alors je vous en prie, débattez !).
Eh bien le cru 2010, tel qu’il se présente pour l’instant, tend à une reproduction mécanique des thèses de 2000 ! Témoin un numéro spécial de "L’Histoire" (en avril) sans la moindre nouveauté, un débat convenu à l’Ecole militaire le 10 avril
sur les articles et avec les auteurs de cette publication, et la réédition sans changement d’un numéro très inégal de la revue "Autrement" (mars 2000) sous le titre "Mai-juin 1940/Défaite française, victoire allemande, sous l’oeil des historiens étrangers".
Le nouvel éditorial prolonge la présente alerte -avec des liens vers mes publications récentes ou imminentes, nouvelles ou resurgies (et, hélas, guère dépassées !).
A l’heure du surprenant bégayement de l’histoire dans la région de Katyn, les élites françaises vont-elles rester les seules à se confire dans une vision ronronnante, prétendant que ce qui a déferlé sur le pays au printemps 1940 était "la faute à pas de chance" ? Et la commémoration du 18 juin ? Sera-t-elle compassée (en un mot comme en deux !) ou bien fera-t-elle toute leur place aux querelles homériques de Londres à la fin de juin 40, opposant Anglais entre eux et Français entre eux, dans une virevolte d’alliances circonstancielles ?
Clio a certes tout son temps. Mais la planète a un besoin urgent de clarifier les questions touchant à la paix et à la guerre. Or une bonne analyse de la dernière grande conflagration a un rôle important à jouer dans les bonnes décisions, et inversement.
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PS.- En cas d’affichage fantaisiste, retrouvez ce texte ici :
L’article annoncé sur le "Jan Karski" de Haenel est paru :
Ne manquez pas le numéro 5 d’"Histoire(s) de la dernière guerre", en vente dans un peu plus de deux semaines ! Il comportera notamment le texte d’un appel inédit du général de Gaulle, celui du 23 juin, que j’avais publié en 2002... à partir de sa traduction anglaise (cette fois, l'enregistrement a été retrouvé et transcrit grâce au cinéaste Hugues Nancy) ! Et bien sûr une analyse de la conjoncture qui l’a fait passer à la trappe.
Il se passe deux ou trois choses intéressantes sur le forum du site :