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La description du livre


Edition du 04 avril 2010 à 15h24

Site personnel de F. Delpla, Historien 1939-45 / François Delpla

 

Lettre pascale de françois delpla le dimanche 04 avril 2010 à 15h18


Les vingt dernières années m’ont vu centrer mon travail historique sur la Seconde Guerre mondiale et le nazisme. L’abonnement à cette lettre que vous avez souscrit, ou point annulé, témoigne sauf erreur de votre intérêt, positif ou négatif, pour cette production.

Le nouvel anniversaire décennal de mai-juin 1940 se présente sous de curieux auspices. Un texte de John Kenneth Galbraith, publié peu avant sa mort, décrit des phénomènes voisins dans un champ différent, celui des professeurs d’économie américains :

"Les membres les plus influents de la profession [...] ont formé une sorte de Politburo de l’économiquement correct. En règle générale - comme on pouvait s’y attendre dans un club de gentlemen -, cette appartenance les a placés du mauvais côté sur toutes les questions politiques importantes, et cela depuis des décennies. Ils prévoient des désastres qui n’ont jamais lieu. Ils excluent la possibilité d’événements qui finissent par se produire... Ils s’opposent aux réformes de bon sens les plus nécessaires, leur préférant de simples placebos. Ils sont toujours aussi surpris lorsqu’un événement fâcheux - comme une récession - se produit. Et quand ils finissent par se rendre compte que telle ou telle position est intenable, ils ne reviennent pas dessus. Ils n’imaginent pas qu’il puisse y avoir de faille dans une théorie. Ils préfèrent alors changer de sujet. Dans un tel club, on ne perd pas la face parce qu’on s’est trompé. On ne cesse jamais d’être invité dans les colloques et les congrès suivants, pour présenter ses travaux. Et le club reste toujours aussi fermé à ceux qui n’en sont pas membres."

[ cf. ]

La situation n’est certes pas, dans notre secteur, aussi dégradée, les pouvoirs aussi absolus ni les exclusions aussi tranchées. Je suis d’ailleurs peu favorable à l’importation de la notion américaine de « correctness », le politiquement ou l’historiquement correct n’ayant chez nous aucune réalité solide, ni même aucune définition repérable ; ce ne sont là que horions lancés dans des joutes le plus souvent binaires, et une accusation de panurgisme ou de frilosité ferait tout aussi bien l’affaire.

Restent la propension à passer à côté de l’essentiel, et le tropisme vers l’erreur. Si au moins, à en croire Galbraith, le débat des économistes qui trustent les grandes chaires américaines oppose « des néo-classiques qui n’ont rien de classique à des néo-keynésiens qui n’ont rien de keynésien », on constate que les interprétations courantes de la campagne de France, de l’armistice et de Vichy se répartissent en deux camps qui n’ont guère bougé depuis 1945. A ma droite, des pétainistes expliquant que l’armistice était fatal et le maréchal, un syndic de faillite s’efforçant de limiter les dégâts. A ma gauche une vision « résistante », à peine infléchie et affinée dans les années 1970 sous l’influence de Paxton, montre un Pétain se ruant à la servitude et à la collaboration... après un armistice dont le caractère fatal n’est guère remis en cause. Il y a dans toutes ces pièces une Arlésienne, qu’on évoque de temps à autre mais qui n’entre jamais en scène.

J’ai nommé Adolf Hitler.

Je n’en prendrai qu’un exemple (je veux bien reconnaître qu’il est assez caricatural, si on m’accorde qu’il est cependant assez représentatif) : le dernier numéro (avril 2010) d’un magazine d’histoire assez connu, qui consacre sa Une et la plupart de ses pages à la défaite de 1940.

L’éditorial ne comporte que trois noms de personnes, Blum, Pétain (à quatre reprises) et de Gaulle. Voilà qui n’illustre guère un propos célèbre du dernier nommé : « Car cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France » ! Le reste est à l’avenant. Hitler apparaît certes dès la deuxième page... non pas comme le responsable de la guerre, mais comme quelqu’un qui « se frotte les mains » à la nouvelle du pacte germano-soviétique, comme s’il n’y était pour rien. Même démarche un peu plus loin lorsque le traité de Versailles « favorise les extrémistes du parti nazi » (comme s’ils n’en tiraient pas plutôt un parti habile), puis lorsque la France « réagit mollement » aux violations de ce traité (comme si elles n’étaient pas calculées au plus juste pour tendre une corde sans la rompre). Elle a tort, dit justement l’auteur, d’assimiler Hitler à un nouveau Bismarck, mais il ne dit pas en quoi, et c’est regrettable : car depuis bientôt un siècle on les oppose comme un joueur d’échecs et un adepte du poker, autant dire comme l’intelligence et l’instinct -et c’est là une lourde erreur.

Mais ce numéro ne fera point date dans la revalorisation des capacités cérébrales du chef nazi. Car il ne scrute guère, parmi les causes de la défaite française, la part d’une analyse défectueuse des intentions de l’Allemagne et des compétences de son chancelier, et encore moins celle d’une propension à se laisser tromper par ses mouvements apparents, ses craintes surjouées et ses assoupissements feints.

Voici deux pages sur la guerre de Norvège... certes, est-il dit, décidée par Hitler, mais pour des raisons locales. Puis Gamelin est présenté par un encadré, centré sur sa personne et toujours aussi mutique sur l’ennemi. Il est vrai que deux articles délayent la regrettable thèse du colonel Frieser (1995) suivant laquelle l’Allemagne n’a ni préparé ni mené une guerre-éclair !

Il faut dire qu’une chronologie (qui ne mentionne pas une fois le gouvernement allemand ni son chef) dévoile, par deux énormités, le manque de rigueur des concepteurs de l’ouvrage : la France est censée avoir déclaré la guerre, le 3 septembre, avant l’Angleterre, qui pour sa part aurait attendu jusqu’au 4 ; la "flotte française" aurait été "coulée" à Mers el-Kébir alors qu’une fraction seulement était présente, et qu’un seul navire a sombré. Puis un dirigeant allemand est mis en avant : Goebbels ! (la propagande serait-elle plus importante que la réalité ?) Même la chute de Paris ne voit pas apparaître la moindre allusion à son conquérant, pas plus que six pages de photos de l’exode ni un article qui se demande si « les politiques » (français) ont failli, pour conclure que non, et faire porter aux "militaires" l’intégralité du chapeau. Pas davantage nommé dans une longue interview sur de Gaulle, Hitler va-t-il enfin l’être, ce qui ne serait pas dans ses habitudes, par Robert Paxton, qui vient en personne tirer le bouquet final ?

Son article relève à juste titre, pour s’en plaindre, que l’explication de la défaite de 1940 qui prévaut encore aujourd’hui, « notamment dans les pays anglo-saxons », vient en droite ligne de la propagande pétainiste, car elle fait une grande consommation de la notion de décadence. Mais dans le vide explicatif ainsi créé il n’engouffre qu’une marchandise déjà largement éventée depuis le début du dossier : tout le monde avançait en aveugle, à commencer par les Allemands, et cette défaite s’est jouée à peu de chose.

Dans un tel désert, à moins qu’il ne s’agisse d’une glaciation, nous sommes cependant un certain nombre à prendre en compte le facteur hitlérien (comme un élément du succès des armes allemandes, s’entend, les considérations sur ses interventions néfastes étant quelque peu plus communes !). Aux Etats-Unis même, Paxton doit compter avec le tenace John Lukacs, toujours très productif à quatre-vingt-six ans et expert à dévoiler, notamment, comment Hitler chloroformait les dirigeants des autres pays par l’étalage de son anticommunisme. Nous nous exposons tous deux à une volée d’accusations plus ou moins élaborées : dans notre fascination malsaine pour une dictature nauséabonde, nous dédaignerions les phénomènes sociaux, et serions incapables de concevoir qu’un fait puisse avoir plusieurs causes. Je rappellerai à cet égard mon intervention en faveur de Lukacs que les "Cahiers Jean Jaurès" avaient, en 2003, longuement vilipendé, avant de donner une large place à ma réponse : .

Quant à mes propres livres, dont une bonne moitié porte sur l’année 1940, on peut les répartir en plusieurs catégories :

- deux parutions nouvelles : "Mers el-Kébir", "Petit dictionnaire énervé de La Seconde Guerre mondiale". En dehors de mon site, site, l’ouvrage sur Mers el-Kébir fait l’objet de deux interventions internautiques :

et bientôt d’une troisième :

sans compter la critique de Joël Drogland dans les "Clionautes" :

- trois ouvrages remis en vente : "La Face cachée de 1940", "L’Appel du 18 juin 1940", "Churchill et les Français" (ce dernier, avec une préface inédite et "L’Appel du 18 juin" avec, probablement, un ajout sur le discours inédit du 23).

- un livre récent : "Qui a tué Georges Mandel ?" et un autre dont il faut espérer qu’il soit remis en vente : "Montoire".

- un ouvrage épuisé qu’on peut me commander pour une somme symbolique : "La Ruse nazie / Dunkerque, 24 mai 1940".

- un ouvrage dont la réédition se fait attendre : "Les Papiers secrets du général Doumenc".

Mais il est temps de clore ce billet trop long (surtout en ce dimanche pascal !) en vous recommandant un effort supplémentaire d’abonnement : apportez donc votre soutien matériel au magazine "Histoire(s) de la dernière guerre" qui, lui, ne ressert pas les mêmes plats tous les dix ans (ou du moins pas encore !), et faites-le connaître autour de vous. Cf. . Le numéro 5, en vente à la fin de ce mois, s’annonce encore plus riche que les quatre précédents (et pas seulement par les contributions de votre serviteur sur l’arrêt dunkerquois et l’appel londonien) !

fdelpla

encore un mot ! et même plusieurs :

* prochainement, sur le site de Juan Asensio , un point de vue d’historien sur le roman de Yannick Haenel "Jan Karski" et le débat qu’il a (tardivement) déclenché.

* Si ce message s’affiche de façon fantaisiste, retrouvez-le sur le site, rubrique "Bio/Chrono/Info".

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