Claude Bouchinet-Serreulles et Jacques Baumel ("Résister" Albin Michel) ont publié chacun un livre de souvenirs à mi-chemin entre le récit et l'étude; c'est peut-être cette ambiguïté qui m'a laissé sur ma faim. Ces deux cadres de la Résistance ont été les acteurs et les témoins des heures les plus pénibles et les plus dangereuses de la vie clandestine à Lyon en 1943. Pourtant, il y a comme une réserve, une sorte de pudeur chez ces deux survivants qui ont eu la chance de ne pas être arrêtés à écrire les crises et les pertes qui ont bouleversé leur engagement. J'avais également ressenti cela dans les entretiens rassemblés par G.-M. Benamou pour son livre : c'est comme si les rescapés de la guerre de l'ombre avaient opté, sans s'être concertés, pour des silences pudiques sur les épisodes dont le souvenir reste douloureux, qu'il s'agisse de trahisons, de fautes graves ou encore des désillusions de l'après-Libération.
Au delà de la rafle de Caluire, est-ce que ce n'est pas l'idéal "révolutionnaire" des premiers résistants qui est mort au printemps et à l'été 1943 ?
Amicalement,
René Claude |