> Pétain a dû être content en 1943 de l'aide apportée par
> Darnand, ce fidèle d'entre les fidèles.
Ce qui n'empêchera pas le premier de lâcher le second deux mois après le Débarquement -
vide infra. Pétain n'agira pas autrement au cours de son propre procès, vis-à-vis de Laval.
> Or, Laval le fut aussi car il ne pouvait faire autrement
> que d'interposer ce "collabo" et sa troupe entre la
> résistance et la Gestapo.
Foutaises. Laval nourrissait deux objectifs : canaliser les collaborationnistes, au besoin en créant un mouvement politique dont il confierait les rênes au moins dangereux de tous (à savoir Darnand), et renforcer l'appareil du maintien de l'ordre dans le cadre de sa politique de collaboration avec le
Reich...
La Milice, à ses yeux, constitue donc un compromis idéal, apte à le satisfaire, tout en offrant des gages à l'occupant sans renforcer ses rivaux collaborationnistes : est mis sur pied, sous le contrôle de Darnand, lui-même contrôlable par Laval, un dispositif d'encadrement de l'Etat et de la population qu'il convient toutefois de ne pas armer, de manière à éviter les désordres qui attenteraient à l'image de marque du régime, outre d'éventuelles tentatives de coup de force, sachant que Laval a gardé le contrôle de la police nationale - voir J. Delpérrié de Bayac,
Histoire de la Milice, Fayard, 1970 et Livre de Poche, p. 152-171 et Pierre Giolitto,
Histoire de la Milice, Perrin, coll. Tempus, 2002, p. 130-132). La Milice n'en est pas moins devenue un appareil idéologique fortement impliqué dans le régime de Vichy, et soutenu par lui sur tous les plans.
> Grâce à la Milice, il put tenir en lisière les
> représailles allemandes contre les attentats de la
> résistance et il empêcha ces représailles de prendre une
> tournure apocalyptique comme en Pologne, en URSS ou dans
> les Balkans.
Foutaises. Les massacres, meurtres, et autres crimes et délits de la Milice, bien au contraire, se multiplieront, au point que Pétain, après avoir soutenu cette organisation, s'en désolidarisera...
le 6 août 1944, sur les conseils de Laval, dénonçant dans une lettre à Darnand son "action néfaste" (cf. J. Delpérrié de Bayac,
Histoire de la Milice, Fayard, 1970 et Livre de Poche, p. 535-539).
A quoi Darnand répondra (
ibid.) :
"Pendant quatre ans, j'ai eu le droit à tous vos encouragements parce que ce que nous faisions, c'était "pour la France". Et aujourd'hui que les Américains sont aux portes de Paris, vous commencez à me dire que je vais être la tâche de l'Histoire de France. On aurait pu s'y prendre plus tôt !" Au cours de son procès, il se ira jusqu'à geindre :
"L'ingratitude n'est pas que le fait des démocraties !" (cité
in, Pierre Giolitto,
Histoire de la Milice, Perrin, coll. Tempus, 2002, p. 517).
> La Milice resta longtemps désarmée et ce n'est qu'après
> qu'elle eût perdu une soixantaine de ses membres contre
> des résistants que Darnand, passant outre aux ordres de
> Laval, alla demander des armes aux Allemands, fin 43, et
> qu'il prêta le serment SS à Hitler.
Une fois de plus, la concision de l'ex-anonyme se révèle des plus lacunaires :
1) Laval ne tenait pas à armer la Milice pour les raisons énumérées plus haut, mais lui-même et Pétain n'en ont pas moins soutenu cette organisation.
2) Darnand est allé quémander des armes aux Allemands, lesquels se sont d'abord montrés réticents, car peu désireux d'armer des Français qui pourraient à l'avenir se retourner contre eux. Ce n'est qu'au bout de plusieurs mois de négociations entre Darnand et des représentants de Himmler que l'occupant a consenti à fournir aux Miliciens des armes... prélevées sur les stocks de l'armée d'armistice ou dans les dépôts d'armes saisies aux Britanniques, sans armement lourd - cf. J. Delpérrié de Bayac,
Histoire de la Milice, Fayard, 1970 et Livre de Poche, p. 205-235, et Pierre Giolitto,
Histoire de la Milice, Perrin, coll. Tempus, 2002, p. 172-176.
3) Entre-temps, si elle perd effectivement 33 morts et 25 blessés graves à en croire un discours de Darnand du 28 novembre 1943, la Milice n'en a pas moins commencé à commettre des exactions allant jusqu'aux coups et blessures et aux meurtres, outre que les Miliciens pratiquent l'espionnage, la surveillance, la délation - cf. J. Delpérrié de Bayac,
Histoire de la Milice, Fayard, 1970 et Livre de Poche, p. 210 et 226.
4) Une fois devenu, fin 1943, le bras armé de Vichy, la Milice est totalement appuyée par Pétain et Laval, jusqu'à ce que la victoire anglo-saxonne devienne évidente, en... août 1944 - cf. J. Delpérrié de Bayac,
Histoire de la Milice, Fayard, 1970 et Livre de Poche, p. 241-241. Le 5 juin 1944, Pétain avoue :
"Je suis heureux de savoir que, grâce à la Milice, j'ai des troupes fidèles un peu partout en France" (cité
in Jean-Pierre Azéma, "La Milice", Vingtième Siècle, 1990, vol. 28, n°28, p. 103-104).