Le capitaine Maurice Anjot, second chef du bataillon des Glières en mars 1944, n'était pas gaulliste et, de nos jours encore, l'étiquette de giraudiste se trouve souvent associée à sa mémoire. C'est sans doute la raison pour laquelle, alors que tout le désignait pour ce poste, il n'a pas été, après l'arrestation du commandant Vallette d'Osia en septembre 1943, nommé chef départemental par les "politiques" de l'Armée secrète haut-savoyarde et qu'il est resté adjoint, d'abord de Romans-Petit, pourtant déjà chef départemental dans l'Ain, puis de Clair, pourtant moins ancien et expérimenté que lui.
Les officiers giraudistes ont-ils fait preuve d'opportunisme ?
En vue de lancer un débat sur cette question délicate, je me permets de citer un extrait de la critique que fait, de l'ouvrage de Claude Antoine susmentionné, le général d'armée (CR) Jean-René Bachelet, président de l'Association des Glières, dans la revue annuelle de l'association, Messages 2010, page 42, et que je trouve très pertinente :
[...] Bien sûr, on peut reprocher à ces hommes-là [les officiers giraudistes], comme on peut le faire à des millions de Français, de ne pas avoir perçu le caractère d'emblée illégitime du régime de Vichy, pire encore, sa perversité révélée très tôt par la loi portant satut des Juifs et par la politique de collaboration.
Il est heureux qu'il y ait eu des de Gaulle, des Frenay, des Leclerc [...]. Mais les de Lattre ou les Juin, qui allaient relever les armes de la France pour les porter à la victoire, les Delestraint et les Frère, qui allaient choisir l'Armée des ombres jusqu'à leur disparition dans les camps de la mort, les Vallette d'Osia et [les Anjot], qui allaient devenir les cadres militaires de la Résistance en Haute-Savoie, sont-ils disqualifiés pour avoir cru pouvoir servir la France et préparer la revanche sous l'autorité de l'Etat français jusqu'à sa disparition de fait [lors de l'invasion de la zone libre en novembre 1942] ?
A ce compte-là, il faudrait aussi disqualifier le parti communiste qui ne devient le parti résistant qu'après l'invasion de l'Union soviétique par le Reich hitlérien en juin 1941.
[...] N'oublions pas, par ailleurs, que [ces] militaires [...] sont tous nés au XIXe siècle, un siècle où leurs devanciers avaient dû servir successivement l'Empire, la monarchie, y compris celle "de juillet", la République, le Second Empire, de nouveau la République... D'où, chez les militaires de ce temps, une distance sceptique vis-à-vis des régimes politiques et un seul credo : le service de la France.
Aujourd'hui, le "match joué", l'illégimité du régime de Vichy nous apparaît patente. Cela n'avait rien d'évident pour les contemporains et surtout pour des militaires qui faisaient profession d'ignorer la politique, abusés de surcroît par la présence du vainqueur de Verdun à la tête de l'Etat. |