> Aucune importance stratégique, d'ailleurs ce qui fit que
> des milliers de réfugiés qui fuyaient l'avance de l'armée
> rouge avaient cru y trouver un havre de paix, où ils
> pourraient se reposer et enfin manger.
Tout d'abord, les réfugiés ne cherchaient pas un
"havre de paix" à Dresde, qui ne jouait en l'occurrence qu'un rôle de centre de transit. Ils ne devaient pas s'y attarder plus de 24-48 heures, devant l'avance de l'Armée rouge. C'est pourquoi, au moment du raid, leur nombre n'a pas dépassé 100.000, comme l'établit formellement une étude d'un historien allemand (Friedrich Reichert, "Verbrannt bis zur Unkenntlichkeit",
in Musée de la Ville de Dresde,
Verbrannt bis zur Unkenntlichkeit: Die Zerstörung Dresdens 1945, Altenburg, 1994, p. 55).
C'est d'ailleurs à ce titre, et aussi parce que Dresde était un point névralgique du réseau allemand de communications à proximité du Front oriental, que les Alliés ont décidé de procéder à ce bombardement massif. Il s'agissait en effet de faciliter l'avance de l'Armée rouge en empêchant les Allemands de transférer leurs troupes d'ouest en est, et de désorganiser les arrières de la
Wehrmacht en anéantissant les voies de communications et en semant la panique parmi la population - voir à ce titre Sebastian Cox, "The Dresden Raids: Why and how",
in Paul Addison & Jeremy A. Crang,
Firestorm. The Bombing of Dresden 1945, Ivan R. Dee Publ., 2005, p. 18-29 ; Frederick Taylor,
Dresden. Tuesday, February 13, 1945, Perennial Books, 2005, p. 183-192 ; Marshall De Brühl,
Firestorm. Allied Airpower and the Destruction of Dresden, Random House, 2006, p. 154-160 et 164-167.
> 135.000 victimes civiles dans cette véritable boucherie
> accomplie froidement et en deux temps !
Ce chiffre de 135.000 morts ne repose sur rien, comme l'ont établi les travaux d'historiens - ce qui n'a d'ailleurs pas empêché Irving
d'évoluer de manière particulièrement erratique dans ses propres bilans, prétendant un jour qu'il y avait eu plus de 200.000 morts, et l'autre moins de cent mille (bel esprit de rigueur). En réalité, le bilan mortuaire du raid tourne autour de 20.000 morts - ce qui est en soi énorme - et n'a certainement pas dépassé les 40.000 victimes - voir à ce sujet Sebastian Cox, "The Dresden Raids: Why and how",
in Paul Addison & Jeremy A. Crang,
Firestorm. The Bombing of Dresden 1945, Ivan R. Dee Publ., 2005, p. 51 ; Frederick Taylor,
Dresden. Tuesday, February 13, 1945, Perennial Books, 2005, p. 443-448.
David Irving, comme il l'a été rappelé, est
un falsificateur négationniste et antisémite, totalement incompétent en matière historique. Il importe de préciser que son ouvrage sur Dresde, qui a consacré - à tort - sa notoriété, est en fait le produit de corrections massives effectuées par son éditeur,
lequel avait jugé le premier jet totalement impubliable en l'état, car constellé de falsifications témoignant du fanatisme idéologique de ce sinistre individu qui, dès cet époque, se revendiquait pro-fasciste. Bref, l'apparence de modération de ce livre n'est pas due à Irving, mais à son premier éditeur - ce qui a paradoxalement fait beaucoup pour faciliter l'acceptation de ce "travail" par les milieux universitaires.
Les assertions de David Irving sur le bombardement de Dresde ont été pulvérisées par l'historien britannique Richard Evans (l'auteur d'une rigoureuse trilogie sur le Troisième
Reich éditée en 2009 chez Flammarion), qui a permis de mettre en lumière
les mensonges et les falsifications de cet escroc néo-nazi (voir, par écrit, Richard Evans,
Lying about Hitler. History, Holocaust and the David Irving Trial, Basic Books, 2001, p. 149-184). Le Professeur Evans a notamment pu prouver que Irving avait utilisé un document qu'il savait falsifié pour multiplier le nombre de victimes par dix...
En ce qui me concerne, je considère qu'il est obscène de se réapproprier cette tragédie, quitte à en falsifier la réalité pour gonfler le nombre de morts, et ce de manière à nourrir un discours négationniste ou tentant de mettre les Alliés et l'Allemagne hitlérienne dans le même sac pour, dans les deux cas, dédouaner cette dernière. Les victimes de Dresde ont droit à la vérité et à la pudeur, pas à la propagande.