"Ce dimanche matin, transporté à la gare ferroviaire avec d'autres camarades impatients de rentrer dans leur foyer, Arsène-Georges regardait le paysage de son enfance s'approcher. Le voyage jusqu'à Caen lui parut très long ; il changea deux fois de train, longeant toutes ces villes en ruines. Il portait sur la veste de son uniforme une croix de Lorraine, l'insigne des Forces navales françaises libres. Beaucoup de gens lui demandaient d'où il venait. À chaque fois qu'on lui posait une question, il se remémorait l'interrogatoire que lui avait infligé le satané petit Corse S., avec sa fouille et ses insultes. Lorsque, très fatigué il arriva à Caen, il constata qu'il n'y avait pas de train pour Valognes avant le lendemain matin. On lui fit savoir qu'il y avait un centre d'accueil dans un baraquement à côté de la gare et qu'il pourrait recevoir un ticket pour la nuit et un bon pour le repas du soir. Il y avait là une assez longue queue de militaires, comme lui bloqués à Caen. Deux hommes, qui consultaient une liste, lui posèrent une enfilade de questions auxquelles il ne répondait que par la négative :
- Prisonnier ? STO ? Réfractaire ? Politique ? Déporté ?
À chaque question, il répondait « non » et cela commençait à les agacer.
-Alors qu'est-ce que tu es ?
-Je viens de rentrer en France, j'étais en Angleterre dans les Forces navales françaises libres.
Ils consultèrent leur liste de nouveau mais son nom n'y figurait pas car ils n'avaient pas la liste des FFL des pays extérieurs :
-On ne vous trouve pas. Désolés, on ne peut rien pour vous !"
(Arsène Lepoittevin, un péquenot normand chez la Reine ,de Catherine Ecole-Boivin )
Sans commentaire
Laurent
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