Finalement lorsque l’on parle de la SGM, le fonctionnement purement économique est peu décrit, comme si cela devait se passer de la même façon qu’en temps de paix. Grave erreur ! En temps de paix la valeur de la monnaie d’un pays repose sur de la richesse, matérielle ou de production. Pendant la SGM le « bien de consommation » généralisé c’était les armes et les munitions et les clients, des Etats. Manifestement cette quasi unique contrepartie ne suffisait pas à garantir la valeur des monnaies que ce soit le DM ou même le Dollar. Les financiers et industriels occidentaux devaient le savoir, les politiciens un peu moins.
La BRI donc avait été créée afin de « gérer » la formidable dette allemande de la 1ère Guerre. En juillet 1932 la Conférence de Lausanne met fin aux réparations de guerre et en même temps termine l’activité qui a donné naissance à la BRI. En 1930 les gouvernements ont signé un Convention à la Haye donnant à la BRI une immunité exceptionnelle même pendant une guerre. Pour continuer son mandat, la BRI va monter une Chambre de compensation pour les transactions sur l’or, ainsi elle va perdurer.
Comme cette banque au départ était un instrument pour aider l’Allemagne à rembourser sa dette, elle a continué à agir de la sorte avec des dirigeants forts nazis. Installée en Suisse, mais hors juridiction suisse (pratiquement hors juridiction du tout), elle a pu agir à sa guise. Au fort mécontentement des Alliés, comme le ministre américain de la finance, Morgenthau ou également Churchill qui tous deux pestaient contre cet organisme à la solde de l’Allemagne.
On constate donc, mais cela on le savait déjà, qu’en temps de guerre plusieurs pouvoirs s’affrontent au sein même d’un pays. Aux EU le pouvoir politique et le pouvoir financier axé alors sur l’armement, mais pas seulement : aussi contre le communisme. Notons également ce monde financier américain coupé en deux : Wall Street et Washington, Morgenthau était Washington et la BRI Wall Street. Les industriels et financiers tenaient le couteau par le manche, sans eux pas d’armement, donc manifestement les rodomontades politiciennes les touchaient fort peu, ils agissaient à leur guise, avec les Allemands.
Dès lors on doit se demander pourquoi la BRI a continué à aider l’Allemagne ? La réponse est simple. En 39-40 aucune démocratie occidentale ne possédait un armée puissante, sauf peut-être la Tchécoslovaquie. Contrairement à ce que dit Powels dans «Le mythe de la bonne guerre » les Américains n’auraient jamais pu intervenir en 40, faute de moyens. On a cru l’armée française puissante, ce n’était pas le cas, Gamelin a dit à Daladier qu’elle ne pouvait intervenir pour la Tchécoslovaquie. Par contre on sait que déjà depuis 1920 l’URSS et l’Allemagne collaboraient à fond pour monter deux puissantes armées. A partir de la fin de la 1ère Guerre les démocraties occidentales ont écouté les pacifistes qui martelaient le slogan apparemment simple : pas d’armée, pas de guerre.
Donc voilà les démocraties, toutes, face au constat impitoyable : on était confronté à deux super puissances militaires surarmées qui s’étaient chacune débarrassée de leurs opposants.
Que faire ? Pour les milieux financiers et industriels la question se posait à peine : jouer à fond l’Allemagne contre Staline, ce qu’ils firent. Ce n’était pas l’option de Churchill (Munich ou la drôle de paix), mais manifestement les industriels détenaient un énorme pouvoir.
Mais l’obédience nazie de la BRI eut une conséquence extrêmement grave. Déjà l’un des responsables, le Dr. Günther Gartenschläger, fut expulsé par le contre-espionnage suisse pour espionnage, en avril 1943. Gartenschläger était un agent des services de sécurité SS de 1939 à 1942. Il y a beaucoup plus grave, début juin 1945, Ludwig Maehler est porté par les autorité suisses sur la liste des nazis qui doivent quitter le pays, il est comptable à la BRI. Le 7 juillet son corps est retrouvé dans le Rhin. Il était chef du service de renseignement du consulat allemand de Bâle. A ce titre il avait reçu et transmis à Berlin la liste de quelque 200 déserteurs alsaciens réfugiés en Suisse. Leurs familles restées en Alsace furent déportées vers la mort. Maehler était un criminel de guerre (p.96).
A la fin de la guerre aucun dirigeant de la BRI ne fut inquiété malgré l’évidente collaboration avec les nazis. Le président de la BRI Mc Kittrick retrouva un job aux EU et à sa mort en 1970, le New York Times publia une nécrologie positive intitulée « T.H. Mc Kittrick, un financier mondial ».
Tous les financiers ne furent pas compromis avec les nazis, relevons l’attitude du gouverneur Norman de la banque d’Angleterre pour lequel la moindre compromission avec les nazis était exclue.
Pour terminer voici un commentaire de Sir Kingsley Wood
In 1940 Winston Churchill appointed Wood as Chancellor of the Exchequer and a member of the War Cabinet. Kingsley Wood was working on his "pay as you earn" tax system when he died suddenly on 21st September, 1943.
« Le président de la banque est un citoyen américain et la direction est entièrement entre ses mains, personne d’autre n’en a la responsabilité. » On a reproché avec raison à la Suisse d’avoir échangé de l’or nazi contre des francs suisses si utiles à un pays dont le manque de devises fortes mettait en péril ses importations de matières stratégiques. Encore s’agit-il dans l’esprit des dirigeants suisses de sauver les 5 millions d’habitants d’un pays qu’ils estiment à la merci de l’Allemagne. On ne peut tout de même pas prétendre que c’est pour sauver une société de 100 personnes ou même sauver son poste que Mc Kattrick a enfreint toutes les directives de son propre pays[…] » |