11. Mystère et boules de … ?
Grüß Gott !
Nous répétons la leçon avec le nombre des bébés vivants en France qui a augmenté soudain à partir de l’année 1942. Nous ne savons toujours pas la cause de cela. Les explications différentes données par les spécialistes sont comme suit:
Georges Valance/lexpansion.com/juin 2005/Numéro 698/(extrait) :
« La démographie a ses mystères: personne n’a encore expliqué pourquoi le baby-boom de l’après-guerre a commencé en réalité en 1942, années la plus noire du conflit, et non dans l’euphorie de la Libération. Fut-ce un réflexe de survie nationale face au rouleau compresseur nazi? »
Sarah Fishman/We will wet/Wives of French prisoners/Yale /1991:
“ One of the more intriguing puzzle about the Vichy era is not only the increase on the birthrate from an all time low of 13,1 births per 1000 in 1941 up to 14,5 births per 1000 in 1942 but the sustained increase through the war.”
“If Vichy legislation did influence the birth rate I suggest that it did so more by restricting divorce and repressing abortion than by granting family allowances given the ever increasing lag of base salaries against inflation during the occupation.”
Robert O.Paxton/La France de Vichy/Vichy France Old Guard and New Order/1940-1944/Seuil/1999:
« Il était difficile de relever le taux de natalité pendant l’occupation. Il y avait deux millions de prisonniers dans les camps, un grand nombre de familles écartelées par la ligne de démarcation et le service du travail obligatoire en Allemagne allait bouleverser l’existence des jeunes Français. »
« Cependant, au début de la guerre déjà, on pouvait voir que le taux de fécondité s’élevait, il devait atteindre, à la fin des hostilités, le niveau le plus haut enregistré depuis un siècle. Il ne s’agit pas non plus de la hausse du taux de natalité habituelle à la fin de toute guerre, puisque la tendance s’était amorcée au cours des jours les plus sombres.»
Jacques Dalloz/La France de la Libération 1944-1946/Que sais-je/Presses universitaires de France/1983 :
« Par exemple, s’agissant du taux de natalité, on pouvait s’attendre, vu la dureté du temps et la détention de tant de jeunes hommes en Allemagne, qu’il s’effondrât. Or, en pleine occupation, le pays a connu une reprise de la fécondité qui a limité le déficit des naissances, si bien que curieusement celles-ci sont plus nombreuses en 1944 qu’à la veille de la guerre.»
Jean Defrasne/L’occupation allemande en France/Presses universitaires de France:
« La natalité, de son côté, a connu une surprenante reprise. L’absence des prisonniers, le départ des travailleurs vers l’Allemagne, les difficultés d’installation des jeunes ménages étaient des conditions peu favorables. Le nombre des mariages a d’ailleurs diminué tandis qu’augmentait légèrement le nombre des divorces.»
« Or la natalité s’est accrue. »
« Il y a là un inversement de tendance qui s’accentuera après 1945 et qui est dû, moins à la politique nataliste de Vichy, qu’à une volonté de survie. »
François-Georges Dreyfus/Histoire de Vichy/Collection Vérités et légendes/Perrin /1990:
« Et pourtant, on assiste à un relèvement important de la natalité, puisqu’en 1943 et 1944,il naît, malgré 1.500.000 prisonniers, plus d’enfants qu’en 1938. En 1943, le taux de renouvellement d’une génération est retrouvé. La législation familiale a porté ses fruits ».
Jacques Dupaquier/Histoire de la population française(4)/de 1914 à nos jours/Quadrige/ Presses Universitaires de France/1988:
« J. Bourgeois-Pichat avait attiré l’attention là-dessus dès 1945, et proposé une méthode pour mesurer correctement l’évolution de la fécondité. Il avait abouti à une conclusion qui avait paru révolutionnaire à l’époque: non seulement la fécondité avait commencé à se relever en 1939, mais elle avait fortement augmenté à partir de 1941, la progression atteignant 37 % dès 1943. Et de poser aussitôt la question cruciale à laquelle nous avons encore peine à répondre:
Ce redressement est-il dû uniquement à la législation familiale introduite, fin 1939, avec le Code de Famille, dont l’application a été poursuivie depuis? Un choc psychologique a-t-il joué en faveur de la natalité? Ou au contraire le nouveau genre de vie que mènent depuis quatre ans, la plupart des ménages a-t-il eu une part prépondérante dans l’augmentation constatée? »
Evelyne Morin-Rotureau/1939-1945/combats de femmes/autrement/2001:
Politique et maternité / Yvonne Knibiehler :
« Si le nombre des naissances commence à croître dès le début des années 1940, ce n’est pas un effet de la prédication pétainiste, c’est la fin des «classes creuses » (entre 1915 et 1919, peu d’enfants étaient nés en raison de la guerre: vingt ans après, ces classes creuses ont fait peu d’enfants; de 1919 à 1922, au contraire, la joie des retrouvailles a multiplié les bébés: vingt ans après, ces nombreux enfants de la victoire ont relevé la courbe des naissances).»
Eric Alary/les Français au quotidien/1939-1949/Perrin/2006:
« Enfin, que penser de la reprise de la fécondité à partir de 1943, qui ne dépend pas uniquement des femmes mais des comportements des deux sexes ? Dans quelle mesure la politique familiale de Vichy y a-t-elle contribué ? N’était-ce pas une réaction instinctive à des temps d’airain ? »
« En tout cas, le modèle familial des années trente - un couple marie avec des enfants légitimes élevés sans écarts de conduite - perdure au-delà des années d’occupation. En 1943, les familles françaises comptent en moyenne 2,35 enfants, et 2,45 en 1950. Les familles des années quarante sont donc plus nombreuses que celles des années trente, puisqu’elles ont le plus souvent trois enfants. Les politiques familiales ont sans aucun doute joue un rôle non négligeable. »
Evelyne Sullerot/Le grand remue-ménage/La crise de la famille/Fayard/1997:
« C’est pendant la guerre, au plus fort de la pénurie, voire ça et là de la disette, qu’on s’est en France marié de plus en plus jeune et que s’est amorcé le baby-boom. Comme plus d’un million de couples étaient séparés par force, le nombre annuel des naissance reste relativement bas, de l’ordre de 600.000 (il n’explosera qu’en 1946 après le retour des prisonniers et des soldats). Mais la fécondité moyenne par femme dont le mari est présent monte en flèche, surtout chez les plus jeunes, dès 1942. Pourquoi ? »
« Certains historiens qui n’ont pas vécu cette période ne craignent pas d’avancer sont les fruits de l’ordre moral de la révolution nationale de Vichy, du travail, famille, patrie. Certes, l’introduction des premières mais timides allocations familiales (dans le droit fil du Code de la famille du ministère Daladier de 1939) a sans doute encouragé certains couples. Mais ces naissances, comme les mariages jeunes, comme les mariages par procuration sont, bien davantage qu’un acquiescement, l’expression d’un défi. Une protestation de la vie. ...
Ils auront des bébés quand on ne trouve que difficilement du lait ou de la laine layette, par une sorte de protestation, pour obéir au « devoir d’imprévoyance » que vantait alors un livre qui eut son heure de célébrité, pour poser un acte de foi face à un avenir obscur. »
Dominique Missika/La guerre sépare ceux qui s’aiment/Grasset/2001:
« Comment expliquer le nombre des naissances à partir de 1943? Séjour prolongé dans le lit conjugal pour échapper au froid ambiant? Volonté d’assurer une descendance française envers et contre tout? Volonté de croire que la guerre est finie et perdue? Espoir au contraire de sortir du tunnel? Tout cela à la fois, peut être.»
Fernand Braudel/Ernest Labrousse/Histoire économique et sociale de la France/4/Second volume/1914- années 1950/Presses Universitaires de France/1980:
« Beaucoup plus inattendue fut l’évolution de la fécondité. Le passage à l’âge de la fécondité la plus élevée des générations creuses nées de 1915 à 1919 devait provoquer à partir de 1942, en dehors de tout changement de comportements des couples, une diminution du nombre des naissances: celui-ci aurait dû atteindre son niveau le plus bas vers 1944-1945. Or, en dépit de la guerre, le nombre des naissances ne fléchit que modérément »:
« Certes, la natalité a bien diminué. Mais un accroissement progressif, et très sensible, se produisit à partir de 1942. Surtout le chiffre de 1941, s’il est le plus faible de la période, n’est inférieur que de 10% à celui qu’on pouvait s’attendre à observer cette année-là en l’absence d’hostilités. Dès 1942, le nombre des naissances dépassait le niveau qui aurait été le sien si la productivité des ménages était restée la même qu’avant la guerre. Dans l’ensemble, au cours des six années de guerre, le nombre des naissances dépassa de 6 % ce qui aurait dû être en
l’absence de guerre ».
« Comment s’explique cette augmentation, d’autant plus remarquable que l’absence des prisonniers, des déportés, etc., entraînait à la fois une diminution très sensible du nombre des mariages et la séparation de nombreux époux ? »
« Elle fut le résultat du très important accroissement de la fécondité des couples non dissociés.
D’autres facteurs jouèrent aussi, au premier rang desquels on peut placer la disparition du chômage et le plein emploi. Mais il faut tenir compte aussi de mesures prises en faveur des familles, nettement plus importantes qu’au cours de la première guerre.
« Ce changement paraît être allé de pair avec une
« redécouverte des valeurs familiales ».
Mais il ne faut pas sous-estimer non plus l’influence des mesures permanentes en faveur des familles. Leurs effets s’ajoutèrent à ceux des mesures prises en fonction des circonstances de guerre. A cet égard, on peut penser que le Code de la famille, et notamment la généralisation et l’augmentation des allocations familiales eut un effet décisif.»
France Inter / Histoire/ 2000 ans d’Histoire/Patrice Gelinet/Benedicte Vergez-Chaignon/ Eric Alary/Mercredi 13. 08. 2008/Partie 1/Internet(extrait):
La vie quotidienne sous l’Occupation
Patrice Gelinet :
« Ce qui m’a étonne, quand on parle de baby boom, on se dit toujours, c’est 45-46, c’est après la Libération, le retour des prisonniers; pas du tout, l’essor démographique de la France, il commence pendant la guerre, je crois des 1943. »
Benedicte Vergez-Chaignon :
« Oui, tout à fait, au plus noir de la déprime des Français, c’est à ce moment la qu’ils retrouvent le goût et l’envie de refaire des bébés; alors on ne sait pas comment on va les nourrir, on ne sait pas comment on va les langer, et pourtant c’est bien à partir de 1942 que commence le baby boom donc qui va connaître une accélération, effectivement, dans l’euphorie de la Libération. »
Patrice Gelinet :
« Parce que c’est quand même très curieux, généralement on dit qu’il faut avoir des perspectives, comment dirais-je, de vie meilleure pour faire des enfants, là, pas du tout,
faut rappeler quand même que jusqu’en 1942 et ceci explique peut être cela, aussi, la relative passivité des Français, en tout cas pendant les deux premières années d’Occupation, personne ne semble remettre en cause la victoire presque certaine de l’Allemagne, jusqu'à cette époque la, l’Amérique n’est pas en guerre, il n’y a plus que l’Angleterre, et jusqu’en 1942, ça explique aussi peut être cette espèce de résignation, de fatalisme des Français sous l’Occupation. »
Eric Alary :
« Oui alors les Français sont résignés, mais peut être que faire des enfants, ça a été un espoir.
Et c’est vrai, vous avez raison, ils ne sont pas tellement ..?. Quoiqu’en 43, il y a peut-être quelques signes aussi avant-coureurs, le divorce entre l’opinion publique et le maréchal Pétain est déjà consommé, dans les files d’attente, les queues devant les magasins, on parle beaucoup des victoire alliées, on commence à en parler, peut être y-a-t-il quand même un espoir, peut-être est-ce aussi pour conjurer le sort. »
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Le Professeur a demande :
Si le redressement vif de la courbe des naissances, au début de l’occupation allemande, est dû :
by restricting divorce and repressing abortion,
à un réflexe de survie nationale face au rouleau compresseur nazi,
à la législation familiale,
à la fécondité des couples non dissociés,
à l’ordre moral de la révolution nationale de Vichy,
à la disparition du chômage et au plein emploi,
aux mesures prises en faveur des familles,
à un nouveau genre de vie,
aux avantages spéciaux,
aux allocations familiales,
à un choc psychologique,
à la résistance de la natalité,
à la fin des classes creuses,
à une réaction instinctive à des temps d’airain,
à l’expression d’un défit,
au séjour prolongé dans le lit conjugal pour échapper au froid ambiant,
à la volonté d’assurer une descendance française envers et contre tout,
à la volonté de croire que la guerre est finie et perdue,
à l’espoir au contraire de sortir du tunnel,
à une sorte de protestation, pour obéir à un devoir d’imprévoyance,
au divorce entre l’opinion publique et le maréchal Pétain,
aux victoires alliées,
pour conjurer le sort,
et irait de pair avec une redécouverte des valeurs familiales…
avec quoi les 200.000 (et quelques) enfants mentionnés dans les contributions d’avant vont de paires ?
Claire GRUBE
Mü. 18.9.08
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