Entretien avec ANNE SIMONIN, 2e partie. - Les Editions de Minuit - forum "Livres de guerre"
Pour profiter de
tous les avantages
de ces pages, vous
devez accepter
les cookies



Forum
des livres, revues, sites, DVD, Cd-rom, ... , sur la 2e Guerre Mondiale, de 1870 à 1970
 
 Le débat sur ce livre
 
 L'accueil
 Le menu
 Le forum
 Les livres
 Ajouter un livre, ...
 Rechercher
 Où trouver les livres ?
 Le Glossaire
 Les points
 Les pages LdG
 L'équipe
 Les objectifs
 La charte
 Droit de réponse
 L'aide
 
 
 

 


La description du livre

Les Editions de Minuit / Anne SIMONIN

En réponse à
-1Entretien avec ANNE SIMONIN, première partie : de René CLAUDE

Entretien avec ANNE SIMONIN, 2e partie. de René CLAUDE le jeudi 03 avril 2003 à 12h15

Bonjour ou bonsoir,

Je vous propose la 2e partie de l’entretien avec Anne Simonin sur l’histoire des « Editions de Minuit ».
C'est la retranscription d’une interview diffusée dans le cadre de l’émission « Entre les lignes » le 3 avril 1999 sur la RSR à Genève.

Nous avions quitté Pierre de Lescure et Jean Bruller/Vercors au lendemain de la Libération, lorsque les deux fondateurs historiques des Editions de Minuit se séparent, brouillés pour des questions idéologiques : ils divergent sur la réalité et l’importance du combat des écrivains durant l’Occupation. Pierre de Lescure a vécu les rudes conditions de (sur)vie au maquis, alors que Vercors devenait un personnage emblématique et incontournable des lettres françaises issues de la Résistance intellectuelle.

René Claude :
- Anne Simonin, à la Libération, comment Vercors-Bruller vit-il cette notoriété, entre le mythe qu’il incarne et la réalité de cet immédiat après-guerre ?

Anne Simonin :
- Tout d’abord très mal puisqu’il est en faillite ! Mais en même temps, voilà Jean Bruller-Vercors devenu très célèbre sous son nom de résistant . Il doit assumer une lourde légitimité. Mais il est plus proche du mythe qu’il contribua à créer que de la réalité. Aragon avait coutume de dire :« Vercors, c’est le secret littéraire le mieux gardé de la guerre ! »
Il est « né » à l’écriture durant la guerre. Tout le monde a essayé de savoir qui se cachait sous ce nom sans jamais le démasquer. Il est porteur d’une double légitimité écrasante. C’est tout à fait par hasard qu’il avait choisi en 1942 le pseudonyme de ce qui sera le maquis le plus célèbre de France, ce Vercors qui devint lui aussi mythique. Il ne faut pas oublier qu’il n’était pas écrivain avant la guerre… Et le voilà propulsé sur le devant de la scène des lettres, il devient - qu'il le veuille ou non - une des voix de la France. Il est surpris par l’étendue de sa notoriété. Tout le monde veut le voir, le rencontrer, se l’approprier et ses grands contemporains comme Sartre ou Camus, des écrivains au parcours plus traditionnel, lui battent un peu froid, il le sent bien…

Il a pris goût à l’écriture. En 1943, il avait publié un texte qui est peut-être plus important pour la suite de la maison que « Le silence de la mer », c’est « La marche à l’étoile » : c’est l’histoire d’un jeune juif hongrois qui ne pourra pas croire aux persécutions contre les juifs tolérées par un maréchal de France - Péatin - et qui mourra de sa croyance absolue dans les principes de la Révolution française incarnées, selon lui, par ce maréchal qui ne pouvait pas trahir ces principes.
Ce livre est important car c’est en partie à cause de lui que vont se mobiliser des résistants pour certains d’origine juive et qui considèrent que la maison d’édition qui a publié ce texte-là ne peut pas faire faillite. En 1945, le bilan est économiquement parlant absolument désastreux. Avec la Libération, les résistants doivent faire l’apprentissage des règles du marché. Durant la guerre, ces questions devenues essentielles en 1945-46, n’existaient pas : les livres se vendaient "automatiquement", sur abonnement clandestin et des gens donnaient de l’argent pour permettre à Minuit de poursuivre son combat. (le prestige de Minuit était tel que le capital de base n’a jamais été souscrit ! Je n'ai rien retrouvé dans les archives de la maison.) Entre 1945 et 1948, il va falloir tout apprendre : déficits, bilans, etc., des choses auxquelles ils ne comprennent pas grand’chose. C’est le temps de la désillusion et du retour aux réalités économiques pour toutes les entreprises nées de la Résistance et particulièrement pour la presse. Mais c’est par l’aide financière de quelques grandes familles juives à une maison d’édition qui a permis de faire prendre conscience de l’aveuglement des juifs acquis à la Révolution française, mais un aveuglement qui n’a pas été sans grandeue, que Minuit va survivre.

R.C :
- En 1948, Jérôme Lindon rachète la maison d’édition. Qui est-il à cette date ?

Anne Simonin :
- Jérôme Lindon est un jeune homme, il a 23 ans à l’époque. C’est un résistant décoré de la Croix de Guerre pour faits de Résistance, ce qui n’est pas très fréquent dans sa génération. Il est employé à la fabrication depuis 18 mois lorsque se pose le problème de la mise en minorité de la génération fondatrice issue de la Résistance et ça c’est une autre des singularités des Editions de Minuit: il y a bien passation de pouvoir, mais la passation se fait à l’intérieur de la Résistance, parce que les titres de résistant de Jérôme Lindon ne sont pas moindres, loin de là, que ceux de Jean Bruller - Vercors. C’est important parce qu’il y aura toujours un rapport à la Résistance qui sera un des grands référents dans la politique éditoriale des Editions de Minuit que l’on verra fonctionner à plein durant la guerre d’Algérie.

R.C :
- Est-ce que Jérôme Lindon va modifier la structure de l'entreprise, le mode de fonctionnement des éditions de Minuit ? Va-t-il instaurer un comité de lecture, quelle est sa politique pour les choix éditoriaux ?

Anne Simonin :

- Le problème c’est qu’il a très très peu de moyens. Sa famille, mais surtout sa belle-famille, les Rosenfeld, qui tiennent beaucoup à rester dans les éditions de Minuit, ne sont pas du tout d’accord à l’idée de voir ce tout jeune homme parfaitement inexpérimenté prendre en main une maison qui est définitivement en faillite. Il n’a donc pas de moyens. Et il n’instaurera jamais de comité de lecture. Il est dans un premier temps aidé par Georges Lambrichs. D’origine belge et issu de la mouvance surréaliste de ce pays, Georges Lambrichs a été introduit dans le milieu littéraire par Jean Paulhan durant les années 40. Il sera le conseiller de Minuit jusqu’en 1955. Mais Jérôme Lindon va fonctionner de façon relativement solitaire, dans la mesure où il n’a pas vraiment d’affinités électives avec Lambrichs. En revanche le vrai compagnonnage, il le nouera avec un autre jeune auteur qu’il publie en 1953 et qui est Alain Robbe-Grillet. C’est lui qui sera le directeur littéraire officieux des Editions de Minuit jusqu’en 1985, officieux puisqu’il n’en aura jamais le titre.

A suivre dans la 3e partie.

Cordialement,

René Claude

*** / ***

lue 3203 fois et validée par LDG
 
décrypter

 



Pour contacter les modérateurs : cliquez !

 bidouillé par Jacques Ghémard le 1 1 1970  Hébergé par PHP-Net PHP-Net  Temps entre début et fin du script : 0.01 s  5 requêtes